Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 juin 2017, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 mai 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
2°) d'annuler l'arrêté susvisé de la préfète de l'Aube du 29 décembre 2016 ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la décision portant refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- cette décision doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er août 2017, la préfète de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme C...n'est fondé.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 28 août 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Didiot.
1. Considérant que MmeC..., ressortissante russe née le 6 juillet 1990, est entrée en France, selon ses déclarations, le 29 décembre 2011, en compagnie de sa mère et de sa fille, pour solliciter l'octroi du statut de réfugiée ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 août 2012, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 2 juillet 2013 ; que le 12 février 2016, l'intéressée a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales ; que par arrêté du 29 décembre 2016, la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; que la requérante relève appel du jugement du 18 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que la requérante reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne dans son jugement du 18 mai 2017 ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;
4. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
6. Considérant que, par un avis rendu le 9 février 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme C...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne pouvait avoir accès en Russie à un traitement approprié ; que la préfète de l'Aube, qui n'était pas liée par cet avis, a toutefois refusé de délivrer le titre de séjour demandé au motif tiré de l'existence d'un traitement approprié dans ce pays ;
7. Considérant qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour pour raisons médicales, Mme C... a fait valoir qu'elle souffrait d'une hépatite C ; que pour rejeter la demande de l'intéressée, la préfète de l'Aube s'est fondée sur des renseignements obtenus auprès du médecin-conseil du consulat de France à Moscou, lesquels font expressément état d'une offre de soins existante en Russie ; qu'il ressort d'ailleurs des propres éléments produits par l'intéressée que le traitement de sa pathologie est possible en Russie, à un coût cependant plus élevé qu'en France ; que si la requérante soutient qu'en raison de ce coût, elle ne pourrait y avoir accès, il résulte en tout état de cause des éléments fournis par les autorités consulaires que tous les russes disposent d'une sécurité sociale donnant accès à des soins gratuits, et que la quasi totalité des médicaments pour traiter les pathologies classiques sont disponibles facilement en Russie à un prix identique à celui de la France ; que ces éléments ne sont pas contestés par l'intéressée ; qu'il ressort en outre du certificat médical produit par Mme C... qu'en tout état de cause, à la date de la décision attaquée, elle ne suivait aucun traitement pour sa pathologie ; qu'il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles se bornent à requérir la disponibilité des soins et non leur accessibilité ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant que la mère de Mme C...fait également l'objet d'une mesure d'éloignement en date du 29 juillet 2013 ; que la requérante ne justifie d'aucune autre attache familiale ou personnelle en France, alors qu'elle n'est pas dépourvue de tout lien avec son pays d'origine où résident notamment son père et une de ses soeurs ; que la circonstance que ses deux enfants soient scolarisés en France n'est pas de nature à lui conférer en soi un droit au séjour, dès lors que la cellule familiale peut se reconstituer dans leur pays d'origine et qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que la scolarité des enfants ne pourrait s'y poursuivre ; que la circonstance que Mme C...soit engagée au sein d'activités bénévoles de l'association qui l'héberge ne suffit pas à caractériser une atteinte disproportionnée portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
10. Considérant, en dernier lieu, que si la requérante soutient qu'elle encourrait des risques en cas de retour en Russie, compte tenu de l'expression sur les réseaux sociaux d'opinions politiques dissidentes, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations ; qu'elle n'établit pas la gravité des conséquences personnelles que la décision attaquée emporterait pour sa situation personnelle ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision attaquée doit être écarté ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Considérant, en premier lieu, que la requérante reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne dans son jugement du 18 mai 2017 ;
12. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doivent être écartés ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande en annulation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
15. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
16. Considérant que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de Mme C...une somme en application de ces dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète de l'Aube.
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17NC01422