Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2017, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er mars 2017 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 25 octobre 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision de refus de titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien modifié ; l'avis du médecin de l'agence régionale de santé lui était favorable ; contrairement à ce que soutient le préfet, il n'avait pas levé le secret médical et le préfet ne pouvait connaître la spécificité de sa pathologie ; le courriel du 9 décembre 2015 censé émaner du médecin-conseil du consulat de France à Alger ne comporte pas d'indications permettant d'en établir l'auteur et ne suffit pas à renverser la présomption en sa faveur, compte tenu notamment des termes de la demande ayant présidé à cette réponse ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision doit être annulée en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision doit être annulée en conséquence de l'illégalité des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.
Par ordonnance du 26 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mars 2018.
Un mémoire présenté par le préfet du Bas-Rhin a été enregistré le 15 mars 2018.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 26 juin 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Didiot.
1. Considérant que M.C..., ressortissant algérien né le 26 septembre 1980, est entré en France, selon ses déclarations, en mars 2008, sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'il a présenté le 14 mars 2012 une première demande de délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales, laquelle a fait l'objet d'un refus confirmé par décisions du tribunal administratif de Strasbourg et de la cour administrative d'appel de Nancy ; que cette demande a été vainement réitérée le 12 février 2014, dont le rejet a également été confirmé par jugement du tribunal administratif ; qu'en date du 22 septembre 2015, l'intéressé a présenté une troisième demande de délivrance de titre sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien modifié, qui a cette fois fait l'objet d'un avis favorable du médecin de l'agence régionale de santé du 19 avril 2016 ; que par arrêté du 25 octobre 2016, le préfet du Bas-Rhin a cependant refusé de délivrer à M. C...un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; que le requérant relève appel du jugement du 1er mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de ces décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 paragraphe 7 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays " ;
3. Considérant que si l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu, sauf stipulations contraires expresses, écarter l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titre de séjour ; qu'au nombre de ces dispositions figurent celles de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pris pour l'application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du même code, et aux termes desquelles : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) " ;
4. Considérant que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
6. Considérant que, par un avis rendu le 19 avril 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. C...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que celui-ci ne pouvait ni bénéficier en Algérie d'un traitement approprié à son état de santé ni voyager sans risque ; que le préfet du Bas-Rhin, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer le titre de séjour demandé au motif que l'intéressé pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ; qu'il appartient, dès lors, au préfet de produire tous éléments permettant d'apprécier l'existence ou l'absence en Algérie d'un tel traitement approprié ;
7. Considérant qu'à l'appui de sa nouvelle demande de titre de séjour pour raisons médicales, M. C...a invoqué la persistance de la pathologie pour laquelle il était toujours régulièrement suivi en France, en produisant une attestation du médecin neuropsychiatre qui le suit depuis mai 2012, sans toutefois lever le secret médical sur la nature précise de sa pathologie ; qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de l'intéressé, le préfet du Bas-Rhin a considéré, sur la foi d'une attestation du médecin-conseil du consulat français d'Alger, qu'un traitement approprié à l'état de santé du requérant était disponible en Algérie ; que toutefois, ladite attestation, dont l'auteur et sa qualité ne peuvent être déterminés avec exactitude, se borne à mentionner, sans autres précisions, que l'Algérie dispose de structures à même de traiter les personnes atteintes de pathologies psychiatriques ; que le caractère général et parcellaire de ce document, de même que la liste des médicaments remboursés par la sécurité sociale algérienne ou la liste des hôpitaux psychiatriques de ce pays, ne permettent pas d'établir que le requérant aurait accès en Algérie à une offre de soins adaptée à la particularité de sa pathologie ; qu'eu égard enfin aux termes dans lesquels est rédigée la demande d'information ayant présidé au courriel en cause (" Nous essayons de faire des refus. Merci pour votre aide "), l'objectivité de la réponse ne peut être tenue pour établie ; qu'enfin, la seule circonstance que M. C...soit suivi en ambulatoire n'implique nullement, comme le soutient l'administration, que ses troubles psychiatriques soient maîtrisés et qu'ainsi, un voyage aérien serait sans danger ; qu'il s'ensuit que les éléments produits par le préfet ne suffisent pas, en l'espèce, à infirmer l'appréciation du médecin de l'agence régionale de santé intervenue au vu du rapport médical établi par le requérant ; que le préfet, dans ces conditions, n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, que M. C...disposait, à la date de l'arrêté contesté, d'un traitement approprié à son état de santé ;
8. Considérant que le requérant est dès lors fondé à soutenir que la décision attaquée portant refus de séjour a, dans les circonstances particulières de l'espèce, méconnu les dispositions précitées de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien modifié ; qu'elle doit, par suite, être annulée ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en annulation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant qu'eu égard aux motifs de l'annulation, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. C...dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
12. Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 000 euros à verser à MeB..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1606129 du tribunal administratif de Strasbourg du 1er mars 2017 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 25 octobre 2016 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer à M. C...un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt et, dans l'attente de la nouvelle décision du préfet, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'Etat versera à Me B...une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 17NC01636