Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 février 2018, M. A... C..., représenté par la SCP A. Levi et L. Cyferman , demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 mai 2016 par laquelle le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'apatridie ;
2°) d'annuler cette décision du 9 mai 2016 ;
3°) d'enjoindre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de lui accorder le statut d'apatridie ;
4°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement est insuffisamment motivé.
Sur la légalité de la décision contestée :
- l'arrêté est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen particulier ;
- il a été déchu de sa nationalité syrienne et ne peut obtenir de passeport syrien ;
- sa situation administrative a de graves conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2018, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C...la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 décembre 2017.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- et les conclusions de Mme Peton, rapporteur public.
1. Considérant que M. C... déclare être entré en France en 1989 ; qu'il a été condamné en 1998 à deux reprises à 18 mois et à trois ans d'emprisonnement avec interdiction du territoire français pour une durée de dix ans pour des faits de vols, dégradation, menace de mort et escroquerie ; que le 17 janvier 2001, il a été condamné par la Cour d'assises de Paris à une peine de seize ans de réclusion criminelle pour meurtre, devant arriver à échéance en octobre 2010 ; qu'en janvier 2010, il a alors sollicité la reconnaissance du statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ; que sa demande a été rejetée le 4 janvier 2011 ; qu'il a, par la suite, sollicité la reconnaissance du statut d'apatride le 20 novembre 2013 en indiquant avoir été déchu de sa nationalité syrienne ; que par décision du 9 mai 2016, le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui a refusé cette qualité d'apatride ; que M. C... relève appel du jugement du 31 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nancy a expressément répondu, pour les écarter, à l'ensemble des moyens soulevés par M. C...; que par suite, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des parties, n'a pas entaché son jugement d'une insuffisance de motivation ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Considérant en premier lieu que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu des mentions de fait précises figurant dans la décision contestée, que le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C... ; que, par suite, les moyens tirés du défaut de motivation et du défaut d'examen particulier manquent en fait et ne peuvent qu'être écartés ;
4. Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides : " (...) Le terme "apatride" désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. / 2. Cette Convention ne sera pas applicable : (...) iii) Aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser (...)b) Qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays de leur résidence avant d'y être admises ; c) Qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies." ; qu'aux termes de l'article R. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " l'Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnait la qualité de réfugié ou d'apatride et accorde le bénéfice de la protection subsidiaire " ; qu'aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, créé par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New-York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention. " ; qu'il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit de démarches répétées et assidues, l'Etat de la nationalité duquel elle se prévaut a refusé de donner suite à ses démarches ;
5. Considérant que pour rejeter la demande de M. C... par décision du 9 mai 2016, le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a relevé d'une part, que l'intéressé, qui déclare être né le 1er décembre 1959 à Damas (République arabe syrienne), d'un père syrien et d'une mère libano-syrienne, n'apportait aucun élément établissant qu'il n'aurait plus la qualité de syrien, et d'autre part, qu'il n'établit pas avoir accompli des démarches suivies tendant à ce que cet Etat le reconnaisse comme étant l'un de ses ressortissants ; que le directeur a par ailleurs indiqué que les actions auxquelles s'est livré l'intéressé au sein d'une milice au Liban de 1980 à 1985 relèvent des clauses d'exclusion prévues à l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 ;
6. Considérant qu'il n'est pas contesté que M. C...a la qualité de ressortissant syrien de naissance ; qu'il soutient avoir été déchu de la nationalité syrienne, étant recherché dans son pays pour avoir commis des crimes ; qu'il produit la traduction d'une fiche familiale d'état civil mentionnant que l'intéressé a été " déchu civilement " ; qu'il se prévaut également de courriers échangés entre le ministère des affaires étrangères et les autorités syriennes ; qu'il ressort des pièces du dossier que par courrier du 11 février 2009, l'ambassade de la République arabe syrienne à Paris, adressé à l'assistance sociale suivant M. C...dans le cadre de son insertion à l'issue de sa période de détention, indiquait que ce dernier pouvait bénéficier d'un laissez-passer en vue d'un éloignement vers la Syrie mais que les autorités syriennes ne pourraient octroyer de passeport syrien dans le cas où il souhaiterait rester en France ; que par courrier du 31 mars 2009, la préfecture du Pas-de-Calais a informé le ministère des affaires étrangères des informations obtenues par téléphone auprès d'un agent consulaire ; que ledit courrier a confirmé le refus des autorités syriennes de délivrer un passeport syrien à M. C... dans le cas où il souhaiterait rester sur le territoire français ; que s'il est évoqué que l'intéressé a été déchu de sa nationalité syrienne, ce seul document, qui rapporte des propos tenus oralement par un agent consulaire, ne saurait démontrer la déchéance de nationalité de M. C... ; qu'il n'est pas contesté, comme le soutient l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, que les articles 21 et suivants de la loi sur la citoyenneté syrienne du 24 novembre 1989 prévoient que la déchéance de nationalité est prononcée par décret ; que la seule référence à une " déchéance civile " dans un document d'état civil ne suffit pas à justifier de la perte de la nationalité syrienne ; que M. C...n'établit ainsi pas avoir été déchu de sa nationalité syrienne ;
7. Considérant qu'en outre, par courrier du 3 avril 2012, les autorités syriennes ont précisé à la préfecture des Vosges leur refus d'accorder un laissez-passer à M. C...et ont indiqué que l'intéressé pouvait se rapprocher d'eux pour vérifier l'exactitude de ses dires ; que M. C..., qui a eu connaissance de ce courrier, ne fait état d'aucune démarche de sa part auprès des autorités compétentes visant à se voir délivrer un passeport syrien ou se faire reconnaître la nationalité syrienne ni d'aucun élément tendant à établir un refus des autorités syriennes qui lui aurait été, sur ce point, opposé ; que la seule circonstance que les autorités consulaires ont refusé de délivrer un laissez-passer ne peut établir qu'il n'aurait pas la nationalité syrienne ; qu'ainsi, M. C...n'entre pas dans le champ d'application de l'article 1er de la convention de New York précité ;
8. Considérant au surplus, qu'il ressort de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 4 janvier 2011 que M. C...a reconnu, dans le cadre de l'instruction de sa demande d'asile, avoir rejoint la milice Amal au Liban en tant que mercenaire et avoir commis des crimes dans un contexte de guerre ; qu'il a également reconnu avoir commis deux crimes graves de droit commun en Syrie en torturant et tuant deux militaires ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a considéré que la clause d'exclusion prévue au paragraphe 2 de l'article 1er de la convention de New York est opposable à M.C... ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'établit pas, au regard des stipulations précitées de la convention de New York, que le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides aurait commis une erreur de droit ou fait une appréciation erronée de sa situation en lui refusant la qualité d'apatride ;
10. Considérant en dernier lieu que la décision qui attribue ou refuse d'attribuer la qualité d'apatride n'a par elle-même ni pour objet ni pour effet de conférer ou de retirer au demandeur le droit de séjourner en France ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. C...ne peut s'intégrer et vivre en France ne peut qu'être écarté comme étant inopérant ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de lui reconnaître la qualité d'apatride ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement, par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à l'avocat de M. C..., de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées en appel par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
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N° 18NC00383