Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 février 2018, Mme A...C..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté du 23 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ", et à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la légalité de la décision lui refusant un titre de séjour :
- en omettant de solliciter l'avis de la structure d'accueil dans laquelle elle a été prise en charge, le préfet a méconnu la procédure prévue par les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'a pas apprécié de manière globale sa situation ;
- la décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle remplit les conditions prévues par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;
- pour les mêmes motifs que ceux développés à l'encontre de la décision lui refusant un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- la décision méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 janvier 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- Le rapport de Mme Lambing.
1. Considérant que Mme C..., née le 20 février 1999, de nationalité géorgienne, serait entrée irrégulièrement en France en janvier 2016 selon ses déclarations ; qu'étant mineure, elle a été prise en charge par l'aide sociale à l'enfance ; que le 23 février 2017, Mme C... a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par arrêté du 23 juin 2017, le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme C... relève appel du jugement du 21 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 23 juin 2017 ;
Sur la légalité de la décision lui refusant un titre de séjour :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. (...) " ;
3. Considérant que, lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ; que, disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française ; qu'il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée ;
4. Considérant en premier lieu qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin a eu connaissance du rapport de situation établi le 14 février 2017 par le service " Mineurs étrangers isolés " qui accueille la requérante depuis le 24 février 2016 ; qu'au regard du contenu de ce rapport relatif au parcours et à l'insertion de l'intéressée, le préfet a ainsi disposé de l'avis de la structure d'accueil au sens des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité et a pris en considération l'ensemble des éléments concernant la situation de MmeC... ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des motifs de la décision en litige que le préfet a précisé que celle-ci, célibataire et sans charge de famille en France, où elle est entrée récemment, ne justifie pas être isolée dans son pays d'origine où résident ses parents, son frère et sa soeur ; que le préfet a également tenu compte de la formation suivie par MmeC..., ainsi que des conditions de son séjour en France ; que le préfet a dès lors procédé à un examen global de sa situation au regard des éléments d'appréciation énoncés par ces dispositions ; que le moyen tiré d'un vice de procédure doit être par suite écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes mêmes de la décision attaquée, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de la requérante ; que le moyen tiré de ce que la décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation doit donc être écarté ;
6. Considérant en troisième lieu que Mme C...soutient qu'elle remplit l'ensemble des conditions prévues par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité afin de bénéficier d'un titre de séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'après être arrivée en France en janvier 2016, MmeC..., alors âgée de 16 ans et 10 mois, a été prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département du Bas-Rhin à compter du 24 février 2016 ; qu'elle a été admise le 10 mai 2016 en classe de module d'orientation et d'apprentissage de la langue française ; que le 24 novembre 2016, elle a été admise au lycée des métiers J.F Oberlin de Strasbourg, en classe de seconde baccalauréat professionnel mention " accueil-relation clients et usagers " ; que malgré quelques absences, les résultats scolaires de Mme C...sont bons, ayant obtenu les encouragements du conseil de classe au second trimestre de l'année 2016-2017 ; que le proviseur du lycée atteste son assiduité et ses efforts d'intégration ; qu'en dépit de ces efforts d'insertion, Mme C...a fait l'objet le 3 février 2017 d'un rappel à la loi à la suite d'un vol commis en réunion avec une amie la veille dans un magasin pour une valeur marchande de 43,20 euros ; qu'elle n'est par ailleurs pas dépourvue de tous liens familiaux en Géorgie où demeurent... ; que Mme C...n'établit pas que sa mère était toujours incarcérée à la date de la décision attaquée ; qu'en se prévalant d'une situation conflictuelle avec son père et sa belle-mère l'ayant contrainte à fuir leur domicile, la requérante ne justifie pas qu'elle aurait rompu tout contact avec son père ou que ce dernier ne pourrait la prendre en charge ; que dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet n'a pas non plus entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
7. Considérant en quatrième lieu qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant que Mme C...se prévaut d'efforts d'intégration et fait valoir qu'elle poursuit des études en vue du baccalauréat professionnel ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle était en France depuis seulement un an et demi à la date de la décision attaquée ; qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine comme il a été dit au point 6 ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour contesté porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;
9. Considérant que pour les mêmes raisons, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle et familiale ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant en premier lieu que Mme C...entend exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposée à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ; qu'il résulte de ce qui précède qu'elle n'établit pas l'illégalité de ce refus de titre de séjour ; que le moyen doit être écarté ;
11. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, les moyens soulevés par la requérante par référence à ceux concernant la décision de refus de séjour doivent être écartés ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants " ;
13. Considérant que Mme C...soutient qu'elle serait exposée à des mauvais traitements de la part de sa belle-mère en cas de retour dans son pays d'origine ; que toutefois, Mme C...n'établit pas la réalité de risques personnels et actuels en cas de retour dans son pays, au regard notamment de la possibilité pour elle de bénéficier de la protection des autorités géorgiennes ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC00442