Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 mars 2016, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 18 février 2016 ;
2°) d'annuler la décision précitée du 11 janvier 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Vosges de lui remettre sans délai ses papiers et effets personnels demeurés en possession de l'administration ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'auteur de la décision est incompétent pour en être le signataire ;
- la décision est intervenue au terme d'une procédure méconnaissant l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ainsi que le principe général du droit de l'Union européenne que constitue le droit à une bonne administration issu de cet article obligeant le préfet à l'entendre préalablement à l'édiction de la mesure litigieuse ;
- la décision est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'il présentait des garanties de représentation et qu'il ne présentait aucun risque de fuite, malgré la notification d'une mesure d'éloignement dont il ne pouvait comprendre la portée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2016, le préfet des Vosges conclut au rejet de la requête
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
Par lettres du 3 février 2017, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des moyens de légalité externe, soulevés pour la première fois en appel, alors que M. A...n'avait soulevé devant le tribunal que des moyens de légalité interne.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy en date du 23 juin 2016, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique du 23 mars 2017 le rapport de M. Di Candia, premier conseiller.
1. Considérant que M. A..., de nationalité mauritanienne, entré en France, selon ses déclarations, le 18 juin 2011, a fait l'objet d'un arrêté du préfet des Vosges du 9 juin 2012 refusant, après le rejet de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ; que l'intéressé, qui s'est irrégulièrement maintenu en France, a fait l'objet d'une nouvelle décision du 1er décembre 2015 l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et l'assignant à résidence ; que M. A...interjette appel du jugement du 18 février 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du
11 janvier 2016 par laquelle le préfet des Vosges l'a placé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;
2. Considérant, en premier lieu, que, devant le tribunal administratif, M. A...n'avait soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne de la décision attaquée ; que, si devant la cour, il soutient, en outre, que cette décision serait entachée d'incompétence et d'un vice de procédure au regard de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et du principe général du droit de l'Union européenne que constitue le droit à une bonne administration issu de cet article, obligeant le préfet à l'entendre préalablement à l'édiction de la mesure litigieuse, ces moyens de légalité externe, fondés sur une cause juridique distincte, constituent une demande nouvelle irrecevable en appel ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ; que l'article 8-4 de la directive 2008/115/CE dispose : " Lorsque les États membres utilisent - en dernier ressort - des mesures coercitives pour procéder à l'éloignement d'un ressortissant d'un pays tiers qui s'oppose à son éloignement, ces mesures sont proportionnées et ne comportent pas d'usage de la force allant au-delà du raisonnable. Ces mesures sont mises en oeuvre comme il est prévu par la législation nationale, conformément aux droits fondamentaux et dans le respect de la dignité et de l'intégrité physique du ressortissant concerné d'un pays tiers " ; que l'article 15-1 du même texte prévoit que : " À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement en particulier lorsque : a) il existe un risque de fuite, ou b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement. - Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise " ;
4. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévoyant les cas dans lesquels un étranger peut être placé en rétention administrative, doivent être lues à la lumière des engagements internationaux de la France, et notamment de l'exigence de proportionnalité issue de la directive 2008/115/CE, et rapprochées de celles de l'article L. 561-2 du même code, prévoyant la possibilité d'assigner à résidence un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement lorsqu'il présente des garanties de représentation suffisantes ; que, dès lors, ce n'est que lorsque cette mesure apparaît proportionnée au but recherché, compte tenu des circonstances particulières de chaque espèce, que l'autorité administrative peut, sous le contrôle normal du juge de l'excès de pouvoir, ordonner le placement en rétention administrative d'un étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...s'est déjà soustrait à une mesure d'éloignement prise à son encontre en 2012 ; qu'en outre, le requérant ne s'est pas conformé aux obligations de se rendre quotidiennement aux services de police fixées par la mesure d'assignation à résidence prise à son encontre le 1er décembre 2015 ; que M. A...ne peut utilement faire valoir qu'il s'est mépris sur la portée de ces obligations ; qu'ainsi, alors même que l'intéressé justifie vivre au domicile de sa compagne, de nationalité française et que cette dernière attend un enfant de lui, le préfet des Vosges a pu, dans les circonstances de l'espèce, légalement décider son placement en rétention ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. A...une somme en application de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet des Vosges.
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N°16NC00399