Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2020, Mme A... B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 23 septembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 février 2020 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé ce délai ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé ce délai ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- la décision contestée méconnait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle doit être annulée en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle peut prétendre à un titre de séjour de plein droit en application des dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le préfet du Bas-Rhin n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 16 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité nigériane, née en 2001, est entrée en France, selon ses déclarations, en 2018. Elle a été prise en charge, en qualité de mineure isolée, par les services de l'aide sociale à l'enfance du 21 septembre 2018 au 5 février 2019, puis elle a bénéficié d'un contrat " jeune majeur " jusqu'au 31 août 2019. Le 19 septembre 2019, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et des articles L. 313-14, L. 313-10 et L. 313-7 du même code. Par un arrêté du 21 février 2020, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... fait appel du jugement du 23 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
3. Si Mme B... fait valoir qu'elle s'est impliquée dans son parcours d'insertion en apprenant le français, puis en souscrivant, le 20 février 2020, un contrat d'engagement avec une association pour bénéficier d'un accompagnement dans son insertion et qu'elle a tissé des liens avec d'autres jeunes ainsi qu'avec la communauté religieuse de l'église qu'elle fréquente, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle n'est entrée en France qu'en 2018, à l'âge de dix-sept ans, après avoir passé la majeure partie de sa vie au Nigéria. Elle n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité et l'intensité des liens personnels qu'elle aurait tissés en France. En outre, l'intéressée n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside encore sa famille, notamment sa mère. Dans ces conditions, le préfet du Bas-Rhin n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel cette décision a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, dès lors, être écarté.
4. Mme B... ne peut pas utilement se prévaloir à l'encontre de la décision en litige des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, dès lors qu'elle n'a pas sollicité un titre de séjour sur ce fondement et que le préfet du Bas-Rhin n'a pas examiné d'office sa demande sur ce fondement. Au demeurant, si l'intéressée a effectué des stages dans le secteur de la restauration, ils ne sauraient être regardés comme une formation qualifiante au sens des dispositions de cet article. Si l'intéressée invoque également la formation qu'elle a suivie durant plus de six mois, celle-ci ne vise pas davantage à lui apporter une qualification professionnelle.
5. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
6. Si Mme B... fait valoir qu'elle n'a plus aucun lien avec sa famille, compte tenu notamment des violences commises à son égard par son beau-père, ses déclarations ne sont pas suffisantes pour établir la réalité de ses allégations. Par ailleurs, si l'intéressée se prévaut de ses efforts d'insertion, notamment par l'apprentissage du français et la réalisation de stages dans la restauration, et de l'avis positif de la structure d'accueil et d'insertion, ces éléments ne sont pas de nature à établir que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en refusant de l'admettre au séjour, le préfet du Bas-Rhin n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 3, le moyen tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de Mme B... doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'a pas établi l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour. Par suite, le moyen, invoqué par la voie de l'exception, tiré ce de que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée ne peut qu'être écarté.
9. Mme B... n'apporte aucun élément de nature à établir que son état de santé justifierait la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par ailleurs, eu égard à ce qui a été indiqué au point 3, l'intéressée ne peut pas bénéficier d'un titre de séjour de plein droit en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de droit que le préfet aurait commise en prononçant une obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
10. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. Aux termes de l'article de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants ".
12. Mme B... n'apporte aucun élément de nature à démontrer le bien-fondé de ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine, selon lesquelles elle aurait été victime de brutalité de la part de son beau-père. Par suite, en décidant de l'éloigner à destination du Nigéria, le préfet du Bas-Rhin n'a pas méconnu les stipulations précitées.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par la requérante à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour Mme A... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.
N° 20NC03563 2