Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2018, la commune de Gandrange, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1705684 du 13 juin 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 2 octobre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales méconnaissent les droits et libertés garantis par la Constitution ;
- les dispositions de l'article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales sont contraires à l'article 9 de la charte européenne de l'autonomie locale ;
- la décision est entachée d'une erreur de fait, dès lors que les recettes réelles de fonctionnement de la commune au titre de l'année 2017 s'élèvent à 3 939 194 euros et non 4 245 779 euros ;
- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que la commune n'a pas été mise à même d'anticiper le prélèvement en litige, et compte tenu des conséquences de ce prélèvement sur son fonctionnement normal.
Par un mémoire distinct, enregistré le 27 septembre 2018, la commune de Gandrange demande à la cour d'infirmer le jugement n° 1705684 du 30 mai 2018 du tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à ce qu'il transmette au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité tirée de l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales et de transmettre cette question au Conseil d'Etat.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2018, le ministre de l'intérieur conclut au rejet, en raison de son irrecevabilité, de la demande de la commune relative à la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle soulève.
Par une ordonnance du 27 février 2019, le président de la 1ère chambre a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune.
L'instruction a été close le 4 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte européenne de l'autonomie locale du Conseil de l'Europe du 15 octobre 1985 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 2 octobre 2017, le préfet de la Moselle a fixé à la somme de 39 643 euros le montant du prélèvement à effectuer sur la fiscalité de la commune de Gandrange au titre de la contribution au redressement des finances publiques pour l'année 2017. La commune de Gandrange relève appel du jugement du 13 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " En 2014, le montant de la dotation forfaitaire des communes de métropole et des communes des départements d'outre-mer, à l'exception de celles du Département de Mayotte, est minoré d'un montant de 588 millions d'euros. En 2015, cette dotation est minorée de 1 450 millions d'euros. En 2016, cette dotation est minorée de 1 450 millions d'euros. En 2017, cette dotation est minorée de 725 millions d'euros. Cette minoration est répartie entre les communes au prorata des recettes réelles de fonctionnement de leur budget principal, minorées des atténuations de produits, des recettes exceptionnelles et du produit des mises à disposition de personnel facturées dans le cadre de mutualisation de services entre l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et ses communes membres, telles que constatées au 1er janvier de l'année de répartition dans les derniers comptes de gestion disponibles. Toutefois, pour le calcul de la minoration de la dotation forfaitaire à compter de 2016, le montant des recettes réelles de fonctionnement du budget principal des communes des départements d'outre-mer est minoré du produit perçu au titre l'octroi de mer en application de l'article 47 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer. Si, pour une commune, la minoration excède le montant perçu au titre de la dotation forfaitaire, la différence est prélevée sur les compensations mentionnées au III de l'article 37 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 ou, à défaut, sur les douzièmes prévus à l'article L. 2332-2 et au II de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 de la commune. Si, pour une commune, ce prélèvement était déjà opéré en 2016, il s'ajoute à cette différence ".
3. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 9 de la charte européenne de l'autonomie locale : " 1. Les collectivités locales ont droit, dans le cadre de la politique économique nationale, à des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l'exercice de leurs compétences. (...). / 4. Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l'évolution réelle des coûts de l'exercice de leurs compétences. (...) ".
4. La commune de Gandrange soutient que la contribution au redressement des finances publiques prévue par l'article L. 2334-7-3 du code général des collectivités territoriales est contraire aux stipulations précitées, dès lors qu'elle prive les autorités locales de ressources légalement prévues par les textes applicables et, par suite, de la possibilité d'exercer complètement leurs compétences et, qu'en outre, elle obère la capacité des collectivités territoriales à présenter un budget en équilibre. Toutefois, les stipulations précitées ne prévoient aucune obligation de préserver la capacité des collectivités territoriales à présenter des budgets en équilibre. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la contribution au redressement des finances publiques pour l'année 2017, laquelle ne représente que 0,93 % des recettes réelles de fonctionnement des collectivités concernées, aurait pour conséquence, eu égard à cette ampleur très limitée, de priver ces dernières des ressources propres suffisantes dont elles peuvent disposer librement dans l'exercice de leurs compétences. Enfin, est sans incidence sur l'appréciation de la conventionnalité des dispositions en cause la circonstance, au demeurant non établie, que, dans le cas particulier de la requérante, la contribution au redressement des finances publiques pour l'année 2017, additionnée à d'autres prélèvements auxquels elle est soumise, représenterait une ponction d'une importance telle qu'elle la priverait de toute autonomie. Par suite, l'exception d'inconventionnalité soulevée par la commune de Gandrange ne peut qu'être écartée.
5. En deuxième lieu, la requérante fait valoir que le montant de ses recettes réelles de fonctionnement à prendre en compte s'élevait à la somme de 3 939 194 euros figurant dans son compte administratif 2017, et non à la somme de 4 245 779 euros qui a été retenue. Toutefois, il ressort des dispositions précitées que le montant à prendre en compte est celui des recettes réelles de fonctionnement constatées au 1er janvier de l'année de répartition dans les derniers comptes de gestion disponibles et il n'est pas contesté que le dernier compte de gestion disponible pour la commune à la date du 1er janvier 2017 était celui de 2015, ni qu'il faisait apparaître un montant de recettes réelles de fonctionnement de 4 245 779 euros. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit ou de fait que le préfet a retenu ce montant.
6. En troisième lieu, la requérante soutient que la décision est entachée d'une erreur d'appréciation, compte tenu des conséquences du prélèvement en litige sur son fonctionnement normal, et de ce qu'elle n'a pas été mise à même de l'anticiper. Toutefois, il ressort des dispositions de l'article L. 2334-7-3 précité que le préfet ne dispose d'aucune marge d'appréciation pour procéder à la répartition de la minoration en litige. Par suite, le moyen doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par la commune de Gandrange, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de la commune de Gandrange est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gandrange et au ministre de l'intérieur.
N° 18NC01954 2