Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 février 2019 et 25 septembre 2020, M. G... H..., représenté par Me K..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800743 du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler la décision du 2 mars 2018 ;
3°) d'enjoindre au président du Sertrid de le réintégrer dans ses fonctions ;
4°) de mettre à la charge du Sertrid la somme de 2 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur plusieurs pièces relatives à l'enquête administrative, qui ne figuraient pas dans le dossier qui lui a été remis, ainsi qu'au conseil de discipline, et qui n'ont ainsi pas pu être discutées de manière contradictoire ;
- plusieurs pièces relatives à l'enquête administrative ne figuraient pas dans le dossier qui lui a été remis, ainsi qu'au conseil de discipline, et n'ont ainsi pas pu être discutées de manière contradictoire ;
- les faits qui lui sont reprochés, en particulier les faits de harcèlement, ne sont pas établis ;
- il n'a commis aucune faute ;
- la sanction est disproportionnée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 avril 2019 et 12 octobre 2020, le syndicat d'études et de réalisations pour le traitement intercommunal des déchets (Sertrid), représenté par Me J..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. H... la somme de 2 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la requête, insuffisamment motivée, n'est pas recevable, que le moyen de légalité externe soulevé par M. H... n'est pas recevable et que, pour le reste, aucun des moyens qu'il soulève n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour le Sertrid.
Considérant ce qui suit :
1. M. H..., adjoint technique territorial principal de deuxième classe, a été recruté par le syndicat d'études et de réalisations pour le traitement intercommunal des déchets (Sertrid) à compter du 14 janvier 2002, pour exercer les fonctions d'électricien de maintenance à l'usine d'incinération de Bourogne. Par une décision du 2 mars 2018, le président du Sertrid a prononcé à son encontre la sanction de révocation. M. H... relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. En vertu des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, une requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir, notamment, un exposé des moyens soulevés à l'appui de ses conclusions.
3. Si M. H... reprend l'argumentation qu'il a développée devant le tribunal, il ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement ses écritures de première instance, mais critique aussi bien la régularité que les motifs du jugement. La fin de non-recevoir soulevée par le Sertrid manque ainsi en fait et doit être écartée.
Sur la régularité du jugement :
4. Si M. H... soutient que le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant, sur la base de témoignages qui ne figuraient pas dans le dossier de la procédure disciplinaire et qui n'ont été produits que lors de l'instance contentieuse, que les faits de harcèlement moral étaient établis à son encontre, l'erreur ainsi alléguée concerne le bien-fondé du jugement et non sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure disciplinaire :
5. M. H... soutient que plusieurs pièces relatives à l'enquête administrative ne figuraient pas dans le dossier qui lui a été remis, ainsi qu'au conseil de discipline, et n'ont ainsi pas pu être discutées de manière contradictoire. Toutefois, le tribunal a écarté comme étant irrecevable ce moyen, au motif que, relatif à la régularité de la procédure disciplinaire, il se rattachait à la légalité externe de la décision contestée, alors que le requérant, avant que n'expire le délai de recours contentieux, n'avait soulevé que des moyens de légalité interne. Dès lors que M. H... ne conteste pas l'irrecevabilité retenue par le tribunal, c'est de manière inopérante qu'il soulève à nouveau ce moyen en appel.
En ce qui concerne les moyens de légalité interne :
6. Selon l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". La sanction de révocation est prévue par l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée.
7. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
S'agissant de la matérialité et de la qualification des faits :
8. Il est reproché à M. H... de s'être livré, de connivence avec un petit groupe d'agents du pôle maintenance et pendant plusieurs mois, à des agissements de harcèlement vis-à-vis d'un agent recruté au sein du même pôle en août 2016, d'avoir, en dépit de plusieurs rappels à l'ordre, persisté dans un mauvais comportement général d'insubordination et d'avoir fait preuve d'un comportement menaçant et agressif vis-à-vis de sa hiérarchie.
9. En premier lieu, M. F..., électricien de maintenance recruté par le Sertrid en août 2016, a dénoncé auprès de sa hiérarchie, en juin 2017, le harcèlement moral exercé à son encontre par certains de ses collègues depuis plusieurs mois, sous la forme de calomnies, de rumeurs, d'intimidations, de vols et détériorations d'effets professionnels et personnels, d'appels téléphoniques anonymes de nuit et d'actes de sabotage de son travail effectué sur les installations de l'usine. Il ressort des pièces du dossier que la réalité de ces agissements, leur durée qui s'est prolongée depuis l'arrivée de M. F... jusqu'en novembre 2017, l'existence du petit groupe d'agents du pôle maintenance de l'usine auxquels ils sont imputables, ainsi que l'appartenance de M. H... à ce groupe et son rôle de meneur en son sein, ont été corroborés, dans le cadre de l'enquête administrative réalisée entre le 6 juin et le 14 décembre 2017 à l'initiative du président du Sertrid, en particulier par les témoignages de plusieurs des neuf agents auditionnés, dont M. E..., ancien membre de ce groupe. La réalité de l'impact de ces agissements sur M. F..., ainsi que celle des actes de sabotage sont, en outre, confirmées par les attestations de M. B..., responsable de l'usine. M. H... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause ces éléments, en particulier les témoignages recueillis, auxquels leur caractère multiple, circonstancié et concordant confère une valeur probante qui suffit à regarder comme établis les faits qui lui sont reprochés. Dans ces conditions, alors même qu'aucune suite pénale n'a été donnée aux agissements en cause, M. H... n'est pas fondé à soutenir que le premier motif de sanction retenu à son encontre est fondé sur des faits matériellement inexacts.
10. En deuxième lieu, il est constant que, appelé par son responsable lors de son astreinte des 1er et 3 juin 2017, il a refusé de se déplacer à l'usine pour l'intervention sollicitée, alors que l'installation était à l'arrêt. Contrairement à ce qu'il soutient, la note de service du 9 mars 2017, qui indique que l'analyse de la demande " conduira l'astreinte à se déplacer ou pas suivant la situation ", ne l'autorisait pas à décider de ne pas effectuer ce déplacement, alors que ce dernier lui était demandé par un supérieur hiérarchique. Dès lors, à supposer même que ce déplacement ait été inutile, ce que M. H..., qui au demeurant n'a pas non plus rédigé le rapport d'incident qui lui incombait, n'établit pas, l'acte d'insubordination qui lui est reproché est établi et constitutif d'une faute.
11. Par ailleurs, il est également constant que, lors de l'astreinte de M. H... du 5 octobre 2017, alors qu'une panne avait entraîné l'arrêt total de l'usine, le responsable de cette dernière n'est parvenu à le joindre au téléphone qu'une heure après son premier appel et qu'il a fallu attendre une heure de plus avant que l'intéressé n'intervienne sur le site. Alors que l'astreinte implique, par définition, la disponibilité entière et permanente de l'agent, et, qu'au cas particulier, cette obligation répondait à un besoin impératif de maintenance des installations de l'usine, soumise au régime des installations classées pour la protection de l'environnement, ce que ne pouvait ignorer M. H... qui se prévaut de son ancienneté de 16 ans dans l'usine, il ne peut pas sérieusement soutenir que la tardiveté de son intervention ne serait pas fautive du seul fait qu'aucun temps d'intervention lors d'une astreinte n'aurait été préalablement défini.
12. Enfin, s'il ressort des énonciations de la décision contestée que les rappels à l'ordre dont a fait l'objet M. H... en 2015 et 2017, en ce qui concerne respectivement ses oublis de pointage et le respect de la note de service du 8 août 2007 interdisant la récupération de matériaux de toute nature sur le site de l'usine n'en constituent pas des motifs, ils y figurent néanmoins à titre d'éclairage du motif retenu, relatif au mauvais comportement général persistant de l'intéressé. D'une part, M. H... ne conteste pas la réalité de ses oublis de pointage. D'autre part, il ne conteste pas la présence, constatée en juin 2017, dans son casier, d'un seau contenant des matériaux récupérés sur le site de l'usine. Il se borne à indiquer qu'elle était habituelle et connue de ses collègues, sans fournir d'explication sérieuse quant à cette pratique, pourtant strictement prohibée par la note de service du 8 août 2007.
13. En troisième lieu, M. H... a été convoqué le 16 octobre 2017 à un entretien avec M. I..., son supérieur hiérarchique direct, au sujet d'une intervention réalisée par ses soins sur une installation défaillante, dont il avait été constaté, le 29 septembre 2017, que le système de sécurité avait été altéré par la pose d'une dérivation prohibée. Selon le compte-rendu d'entretien établi par M. I... le 16 octobre 2017, M. H... s'est immédiatement emporté à l'évocation de l'incident, l'a accusé de harcèlement, a jeté son casque et déclaré qu'il préférait s'en aller avant de s'en prendre à quelqu'un, sans répondre à la question de M. I... qui lui demandait s'il s'agissait d'une menace. M. H..., qui indique s'être senti mis en cause, nie avoir été violent, mais admet s'être emporté et ne conteste pas ses déclarations relatées par M. I..., lesquelles présentent bien un caractère agressif et menaçant et ne pouvaient, dans ce contexte, qu'être dirigées contre ce dernier. Toutefois, la décision contestée ne retient que cet incident ponctuel, qui ne suffit pas, à lui seul, à établir le caractère général du comportement menaçant et agressif de l'intéressé vis-à-vis de sa hiérarchie. Par ailleurs, si le Sertrid fait valoir que M. H... aurait fait preuve d'un comportement de même nature vis-à-vis de M. B..., responsable de l'usine, le 20 octobre 2017, cet incident distinct n'a pas été retenu pour fonder la décision contestée. Au surplus, le compte-rendu de son entretien avec l'intéressé établi par M. B... ne fait nullement état d'un tel comportement de la part de M. H....
S'agissant de la sanction des faits :
14. Bien que le caractère général du comportement menaçant et agressif de M. H... vis-à-vis de sa hiérarchie ne soit pas établi, il ressort des pièces du dossier, eu égard à la gravité de ses autres fautes, que la sanction de révocation prononcée à son encontre n'est pas disproportionnée.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de M. H..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".
17. Ces dispositions font à obstacle à ce que soit mise à la charge du Sertrid, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme demandée par M. H... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. H... la somme de 2 000 euros à verser au Sertrid en application de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. H... est rejetée.
Article 2 : M. H... versera au Sertrid la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... H... et au syndicat d'études et de réalisations pour le traitement intercommunal des déchets.
N° 19NC00518 2