Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 mars 2020, Mme D... C... épouse B... et M. F... B..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 1801877, 1801878 du tribunal administratif de Nancy du 11 février 2020 ;
2°) d'annuler les décisions contestées ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à leur avocate en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les décisions sont entachées d'incompétence, en l'absence d'une délégation de signature suffisamment précise donnée à sa signataire ;
- ils n'ont pas été mis à même de présenter des observations préalablement aux décisions contestées, en méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- c'est à tort qu'il a estimé que leur situation ne comporte aucune considération humanitaire ni aucun motif exceptionnel justifiant leur admission au séjour ;
- il a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2021, le préfet de
Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les observations de M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. En premier lieu, par un arrêté du 29 décembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à Mme Marie-Blanche Bernard, secrétaire générale de la préfecture de
Meurthe-et-Moselle, à l'effet de signer " tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, documents et correspondances relatives aux attributions de l'Etat dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit ". Contrairement à ce que font valoir les requérants, Mme G... était, en vertu de cette délégation au contenu précisément délimité, habilitée à signer les décisions contestées.
2. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants aient été empêchés d'apporter toutes les précisions et éléments qu'ils jugeaient utiles à l'examen de leur situation, que ce soit lors du dépôt de leurs demandes de titres de séjour ou en cours d'instruction de ces demandes. Dès lors, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions contestées ont été prises en méconnaissance de leur droit à être entendu, consacré à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
3. Par ailleurs, conformément à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, la procédure contradictoire préalable n'est pas applicable dans les cas où il est statué sur une demande. Les décisions de refus de séjour contestées ayant été prises sur la demande des intéressés, leur moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-1 du même code, qui prévoit les modalités de mise en oeuvre de cette procédure contradictoire préalable, ne peut qu'être écarté comme inopérant.
4. Enfin, ces mêmes moyens sont sans objet s'agissant de leur délai de départ volontaire, au sujet duquel le préfet, qui s'est borné à refuser aux requérants la délivrance d'un titre de séjour, n'a pris aucune décision.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) ".
6. Mme B..., née en mai 1981 et M. B..., né en février 1980, tous deux ressortissants turcs nés en février 1980 et mai 1981, seraient entrés en France respectivement en octobre 2012 et février 2013 selon leurs déclarations, soit moins de six ans avant les décisions contestées. Ils n'apportent aucun élément concret à l'appui de leurs allégations, au demeurant elles-mêmes sommaires, relatives à la présence régulière en France d'une grande partie de leur famille. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils seraient dépourvus de toute attache privée ou familiale en Turquie, ni que la cellule familiale qu'ils forment avec leurs enfants mineurs ne peut pas y être reconstituée. Dans ces conditions, alors même que deux de leurs enfants sont nés en France et que l'aîné y est scolarisé, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet a porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de les admettre au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire (...) peut être délivrée (...) à l'étranger (...) dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ". Pour les mêmes raisons que celles indiquées au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'admission au séjour des requérants répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Alors que leur cellule familiale a vocation à être reconstituée en Turquie, il ne ressort pas des pièces du dossier que le fils aîné des requérants ne pourra pas y poursuivre sa scolarité, ni que leurs deux autres enfants, nés en France en 2013 et en 2017, ne pourront pas s'y adapter. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
10. En sixième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées aux points 6 et 9, l'erreur manifeste d'appréciation alléguée n'est pas établie.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de M. et Mme B..., ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... pour Mme D... C... épouse B... et M. F... B... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
N° 20NC00601 2