Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2020, M. C... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000199 du 11 février 2020 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Doubs du 5 février 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, dans un délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à renouveler durant le réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français de deux ans est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la décision portant assignation à résidence est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour pendant deux ans.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2020, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A... est un ressortissant kosovar, né le 11 mai 1986. Il a déclaré être entré irrégulièrement en France le 10 novembre 2014. Le 23 janvier 2015, il a présenté une demande d'asile, qui a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 octobre 2015, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 23 mai 2016. Sa demande de réexamen ayant également été rejetée par l'office et par la cour les 9 août 2016 et 27 janvier 2017, le requérant a fait l'objet de deux mesures d'éloignement, les 22 juin 2016 et 31 mai 2018, auxquelles il n'a pas déféré. Le 5 février 2020, l'intéressé a été contrôlé en situation irrégulière sur un chantier par l'unité territoriale de la police aux frontières de Pontarlier. Par un arrêté du même jour, le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans. Dans l'attente de l'exécution de cette mesure d'éloignement, il a également, par un autre arrêté du même jour, assigné à résidence M. A... dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours. Le requérant a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 5 février 2020. Il relève appel du jugement n° 2000199 du 11 février 2020 qui rejette cette demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. M. A... se prévaut essentiellement de la durée de son séjour, de la présence sur le territoire français de son épouse et de leurs trois enfants, nés respectivement les 10 août 2011, 27 mai 2015 et 1er avril 2017, de la scolarisation des deux plus âgés et de son activité professionnelle comme mécanicien automobile. Toutefois, il est constant que le requérant, arrivé en France le 10 novembre 2014 à l'âge de vingt-huit ans, a fait l'objet de deux mesures d'éloignement, les 22 juin 2016 et 31 mai 2018, auxquelles il n'a pas déféré. Il est dépourvu de titre l'autorisant à travailler sur le territoire français et n'y justifie pas d'une intégration particulière. Il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où résident notamment ses parents et ses frères et soeurs. Son épouse étant également destinataire d'une obligation de quitter le territoire français, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer au Kosovo, ni que leurs trois enfants seraient dans l'impossibilité d'y poursuivre une existence et une scolarité normales. Enfin, si M. A... produit une promesse d'embauche comme mécanicien automobile et fait valoir qu'il dispose de son propre logement et ne dépend pas des aides sociales pour faire vivre sa famille, ces seuls éléments ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour en France. Par suite, alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu qu'il estime le plus approprié pour y développer une vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations en cause ne peut qu'être écarté.
4. En second lieu, pour les raisons qui viennent d'être exposées, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Par suite, ce moyen doit également être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans :
5. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ".
6. Si M. A... est présent sur le territoire français depuis le 10 novembre 2014 et que son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public, ainsi que l'a admis le préfet du Doubs, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est déjà soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement et qu'une interdiction de retour a été prononcée à son encontre le 31 mars 2017. De même, le requérant ne justifie pas être intégré dans la société française, ni posséder en France, en dehors de son épouse et de leurs trois enfants, des attaches familiales ou même personnelles fortes. Par suite, et alors que M. A... ne se prévaut d'aucune circonstance humanitaire susceptible de faire obstacle à l'adoption de la décision en litige, le préfet du Doubs n'a pas commis d'erreur d'appréciation en lui interdisant le retour sur le territoire français pendant deux ans.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
7. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour pendant deux ans.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêtés du préfet du Doubs du 5 février 2020. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... pour M. C... A... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
N° 20NC01540 5