Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 10 février 2021, sous le n° 21NC00362, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2007148 du tribunal administratif de Strasbourg du 12 janvier 2021 ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Il soutient que :
- il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant d'accorder un titre à M. A... ;
- il ne pouvait lui être enjoint de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " alors que M. A... n'est présent en France que depuis 4 ans et que sa femme et sa fille vivent toujours en Côte d'Ivoire.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2021, M. B... A..., représenté par Me Berry, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision une décision du 25 mai 2021.
II. Par une requête enregistrée le 10 février 2021, sous le n° 21NC00363, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour la suspension de l'exécution du jugement n° 2007148 du tribunal administratif de Strasbourg du 12 janvier 2021.
Il présente les mêmes moyens que dans sa requête n° 21NC00362.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 juin 2021, M. B... A..., représenté par Me Berry, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision une décision du 25 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention franco-ivoirienne relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Abidjan le 21 septembre 1992 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Marchal a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant ivoirien, né le 10 juin 1987, est entré en France le 10 avril 2017 sous couvert d'un visa de long séjour d'étudiant. Il a, par la suite, bénéficié de titres de séjour en qualité d'étudiant jusqu'au 30 septembre 2020. Par une demande du 27 juillet 2020, M. A... a sollicité un changement de statut et ainsi la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 25 septembre 2020, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 18 janvier 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par une requête n° 21NC00362, le préfet du Haut-Rhin relève appel du jugement du 12 janvier 2021 du tribunal administratif de Strasbourg. Par une seconde requête n° 21NC000363, il demande, en outre, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
2. Les requêtes n° 21NC00362 et n° 21NC00363, présentées par le préfet du Haut-Rhin, tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal :
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré régulièrement en France le 10 avril 2017, sous couvert d'un visa de long séjour d'étudiant afin de mener à bien un projet de thèse et a bénéficié du renouvellement de son titre de séjour jusqu'au 30 septembre 2020. Pour autant, ces différents titres de séjours étudiant ne lui donnaient pas vocation à rester sur le territoire français à l'issue de son projet doctoral. De plus, M. A... a vécu jusque l'âge de 29 ans en Côte-d'Ivoire, où demeurent son épouse, sa fille ainsi que sa mère. Si, à la suite de l'abandon de son projet de thèse, M. A..., après avoir exercé des missions d'intérim, a conclu, le 2 juin 2020, un contrat à durée indéterminée pour assurer des fonctions d'agent de laboratoire, cette seule circonstance, en dépit des qualités professionnelles et humaines dont témoigne M. A... dans l'exercice de ces fonctions, ne suffit pas à caractériser l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de l'arrêté du 25 septembre 2020 sur la situation personnelle de M. A.... Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une telle erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer un titre de séjour à M. A....
4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 25 septembre 2020 au motif qu'il était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg et la cour administrative d'appel de Nancy.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A... :
S'agissant du moyen commun à la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et à la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Par un arrêté du 23 mars 2020 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du jour même, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation à M. Jean-Claude Geney, secrétaire général de la préfecture du Haut-Rhin, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'État dans le département du Haut-Rhin à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions contestées. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français auraient été prises par une autorité incompétente.
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-10 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 5221-17 du même dans sa version applicable à l'espèce : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ". L'article R. 5221-20 du même code dispose dans sa version applicable que : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : 1°La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; (...) ".
8. Le préfet du Haut-Rhin produit à l'instance la réponse apportée par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) à sa demande quant à la situation de l'emploi pour les fonctions correspondant au poste occupé par M. A..., soit celles de technicien de laboratoire. Dans cette réponse, la DIRECCTE met en exergue le nombre plus important de demandeurs d'emploi pour les fonctions de technicien de laboratoire que d'offres existantes pour de telles fonctions dans le Haut-Rhin. Cet avis de la DIRECCTE sur la situation de l'emploi pour le poste de technicien de laboratoire n'avait pas à être notifié directement à M. A.... Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet se serait référé à un avis inexistant dans sa décision et n'aurait, en tout cas, pas notifié cet avis à M. A... doivent être écartés.
9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin se soit estimé en situation de compétence liée au vu de l'avis de la DIRECCTE pour refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour.
10. En troisième lieu, M. A... fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le préfet, il existait des difficultés de recrutement sur le poste de technicien de laboratoire et se prévaut, à ce titre, d'un courrier du 5 novembre 2020 de la structure lui ayant proposé un contrat à durée indéterminée, dans lequel cette structure indique avoir des difficultés à recruter un nombre suffisant de techniciens. Pour autant, il n'est versé au dossier aucun élément établissant ou simplement présentant les efforts de recrutement assurés et les difficultés alors connues, alors qu'il résulte des termes non contestés de l'avis de la DIRECCTE mentionné ci-dessus qu'il existerait, dans le Haut-Rhin, au deuxième trimestre 2020, plus d'une centaine de candidats demandeurs d'emplois pour un tel poste et que seules onze offres d'emplois sur ces fonctions ont été proposées. L'emploi de technicien de laboratoire d'analyse industriel ne figure au demeurant pas sur la liste des métiers caractérisés par des difficultés de recrutement en Alsace figurant en annexe de l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse. Dans ces conditions, en dépit des qualités professionnelles de M. A... pour cet emploi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ". En supprimant, par l'article 27 de la loi du 16 juin 2011, la référence faite par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au troisième alinéa de l'article L. 313-10 du même code, le législateur a entendu ne plus limiter le champ de l'admission exceptionnelle à la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " aux cas dans lesquels cette admission est sollicitée pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement, figurant sur une liste établie au plan national, et annexée à un arrêté interministériel. Toutefois, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans ses rédaction postérieures à l'article 27 de la loi du 16 juin 2011, ne fait pas obstacle à ce que le préfet, saisi d'une demande présentée sur le fondement de cet article, prenne en considération l'existence de difficultés de recrutement dans les métiers dits " en tension " parmi les éléments tels que la qualification, l'expérience, les diplômes, la situation personnelle de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi postulé, sur lesquels il fait porter son appréciation, pour déterminer s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance à titre exceptionnel d'une carte de séjour temporaire en qualité de salarié.
12. Il ressort des motifs de la décision litigieuse que pour rejeter la demande d'admission au séjour à titre exceptionnel présentée par M. A..., le préfet du Haut-Rhin ne s'est pas contenté d'indiquer que l'emploi de technicien de laboratoire ne relevait pas de la catégorie des métiers en tension mais s'est également fondé sur l'absence de difficultés de recrutement pour le métier de technicien de laboratoire d'analyse industriel, ainsi que sur des éléments relatifs à la situation personnelle de l'intéressé, notamment son expérience et ses diplômes. Ainsi, le préfet, qui ne s'est pas fondé sur le seul motif tiré de ce que l'emploi postulé ne relevait pas des métiers en tension pour rejeter la demande de M. A..., n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit.
13. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de l'abandon de son projet de thèse, M. A..., après avoir exercé des missions d'intérim, a conclu, le 2 juin 2020, un contrat à durée indéterminée pour assurer des fonctions d'agent de laboratoire. Cependant, en dépit des qualités professionnelles de M. A... et de sa volonté de s'intégrer professionnellement, ces seuls éléments ne sauraient suffire à caractériser une erreur manifeste d'appréciation quant à l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit par suite être écarté.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. En premier lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, M. A... n'établit pas que la décision par laquelle le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour est illégale. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour.
15. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... ne justifie pas devoir bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne saurait donc, en tout état de cause, faire valoir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français au motif qu'un titre de séjour devrait lui être délivré sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 précitées.
16. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 3, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... doit être écarté.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
17. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, M. A... n'établit pas que la décision par laquelle le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français est illégale. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.
18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté en date du 25 septembre 2020. Les conclusions présentées en première instance par M. A... doivent dès lors être rejetées.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
19. Le présent arrêt statue sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 janvier 2021. La requête du préfet du Haut-Rhin tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution est devenue par suite sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés à l'instance :
20. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, les sommes que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 12 janvier 2021 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21NC00363.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
N°s 21NC00362, 21NC00363 4