Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 février 2019, le 28 mai 2019, le 27 novembre 2019 et le 25 mai 2020, M. F... D..., représenté par Me A..., dans le dernier état de ses écritures, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 janvier 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 octobre 2015 et ses conclusions indemnitaires ;
2°) d'annuler la décision du 30 octobre 2015 ;
3°) de condamner le CROUS de Strasbourg à lui verser la somme de 4 000 euros correspondant à la perte de rémunération qu'il a subie durant 11 mois ;
4°) de condamner le CROUS de Strasbourg à lui verser la somme de 720 euros correspondant aux frais d'expertise qu'il a supportés ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas rouvert l'instruction pour tenir compte du mémoire et des pièces enregistrées postérieurement à la clôture d'instruction ; les juges se sont ainsi fondés sur des faits matériellement inexacts ; en outre, son avocat n'a pas été entendu ;
- le délai d'appel ayant été suspendu par la demande d'aide juridictionnelle, il pouvait développer des moyens nouveaux jusqu'à l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ;
- la décision contestée est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que la procédure prévue à l'article 13 du décret du 17 janvier 1986 a été respectée ;
- en l'absence d'avis le déclarant inapte à toute fonction, il ne pouvait pas être placé en congé de longue maladie ;
- les frais d'expertise ont été taxés par une ordonnance du 23 février 2018 à la somme de 720 euros TTC.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2019, le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Strasbourg, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement n'est pas entaché d'irrégularité ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables ;
- les moyens développés pour la première fois en appel sont nouveaux et irrecevables ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
1. M. D... a été recruté, par contrat à durée déterminée, par le CROUS de Strasbourg à compter du 3 juillet 2000 en qualité d'agent de service puis, à compter du 1er octobre 2002, en tant que veilleur de nuit à temps partiel. Son contrat a été régulièrement renouvelé jusqu'au 31 décembre 2006. En exécution d'un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 2 juin 2010, M. D... a été réintégré, sous contrat à durée indéterminée, à compter du 19 mars 2007 sur un poste de veilleur de nuit à temps partiel. Sur recours de M. D..., le tribunal administratif de Strasbourg a annulé, par un jugement du 21 mai 2015, la décision du 31 juillet 2013 par laquelle le CROUS de Strasbourg avait licencié l'intéressé pour inaptitude physique au motif qu'il n'avait pas épuisé ses droits à congé de maladie à la date de son éviction du service. L'intéressé a alors été réintégré sur un poste d'agent d'accueil à compter du 1er juillet 2015. A la suite de l'avis du comité médical du 9 octobre 2015 déclarant M. D... inapte aux postes proposés par le CROUS et à toutes fonctions, le CROUS l'a placé, par une décision du 30 octobre 2015, en congé de grave maladie pour la période du 4 novembre 2015 au 3 mai 2016. Par un jugement du 17 janvier 2019, dont fait appel M. D..., le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation du CROUS à l'indemniser de son préjudice financier.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire est en état d'être jugée, les parties peuvent être informées de la date ou de la période à laquelle il est envisagé de l'appeler à l'audience. Cette information précise alors la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. (...) ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...). Lorsqu'une partie appelée à produire un mémoire n'a pas respecté, depuis plus d'un mois, le délai qui lui a été assigné par une mise en demeure comportant les mentions prévues par le troisième alinéa de l'article R. 612 3 ou lorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue, l'instruction peut être close à la date d'émission de l'ordonnance prévue au premier alinéa ". Aux termes de l'article R. 613-3 de ce code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ".
3. D'autre part, devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les parties ont été informées que le dossier pourrait être appelé à l'audience avant la fin de l'année 2018 et, qu'à compter du 28 novembre 2018, l'instruction pourrait être close par une ordonnance ou un avis d'audience, sans information préalable. Il est constant que les parties ont été informées de la clôture immédiate de l'instruction par un avis d'audience du 28 novembre 2018. D'une part, il ressort des mentions du jugement que le mémoire de M. D..., enregistré le 8 décembre 2018, soit postérieurement à la clôture d'instruction, a été visé par le tribunal, établissant ainsi que les premiers juges l'ont examiné. D'autre part, il ne résulte pas des pièces du dossier que le rapport d'expertise médicale joint par M. D... à ce mémoire n'aurait pas pu être produit avant la clôture d'instruction alors qu'il a été établi le 14 novembre 2017. Ainsi, le tribunal administratif, qui ne s'est pas fondé sur ce mémoire et les pièces qui y étaient annexées, n'a méconnu ni le principe du contradictoire, ni les droits de la défense en statuant sans rouvrir l'instruction. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité.
5. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. /Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus ".
6. Si M. D... soutient que son avocate n'a pas été entendue, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas même soutenu qu'elle aurait présenté des observations à l'audience devant le tribunal. Dès lors, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait, pour ce motif, entaché d'une irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
7. Aux termes de l'article 13 du décret n°86-83 du 17 janvier 1986 : " L'agent non titulaire en activité et comptant au moins trois années de service, atteint d'une affection dûment constatée, le mettant dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitant un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée bénéficie d'un congé de grave maladie pendant une période maximale de trois ans. / Dans cette situation, l'intéressé conserve l'intégralité de son traitement pendant une durée de douze mois. Le traitement est réduit de moitié pendant les vingt-quatre mois suivants. / En vue de l'octroi de ce congé, l'intéressé est soumis à l'examen d'un spécialiste agréé compétent pour l'affection en cause. La décision d'octroi est prise par le chef de service sur avis émis par le comité médical saisi du dossier. (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier, en particulier d'un courriel du comité médical du 7 décembre 2015, que M. D... a été examiné par un médecin agréé qui a remis au comité médical son rapport le 22 septembre 2015, soit antérieurement à la date du 9 octobre 2015 à laquelle ce comité a siégé pour émettre un avis sur la situation de l'intéressé. Le requérant n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause les affirmations du comité médical. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision en litige a été prise doit être écarté.
9. Il ressort des pièces du dossier qu'au vu de l'avis du comité médical du 9 octobre 2015 déclarant M. D... totalement et définitivement inapte aux fonctions de veilleur de nuit, d'agent d'entretien/nettoyage et d'agent d'accueil et à toutes fonctions dans la fonction publique, le directeur du CROUS a décidé, par la décision contestée du 30 octobre 2015, de placer l'intéressé en congé de grave maladie pour la période du 4 novembre 2013 au 3 mai 2016, avec maintien de sa rémunération. S'il ressort du rapport d'expertise médicale produit par M. D... que ce dernier n'est pas inapte à une reprise d'activité professionnelle, sous réserve d'aménagements, cette aptitude, qui a été appréciée à la date de l'examen de l'intéressé réalisé le 7 juin 2017, n'est pas de nature à établir que le requérant était apte à occuper un poste, même aménagé, à la date de la décision en litige. Si ce rapport d'expertise médical mentionne également, dans le rappel de la situation de M. D..., que le service de pathologies professionnelles des Hôpitaux universitaires de Strasbourg a considéré, le 23 décembre 2015, que son état de santé s'était stabilisé sous traitement et qu'il n'y avait pas de contre-indication à ce qu'il puisse travailler, notamment dans le secteur privé sur des postes de type administratif, cet élément n'est pas davantage de nature à établir que le directeur du CROUS aurait, compte tenu de l'avis du comité médical et des éléments en sa possession à la date à laquelle il s'est prononcé, entaché la décision attaquée d'une erreur d'appréciation. Enfin, les avis rendus antérieurement à la décision contestée par le comité médical et le médecin de prévention ne sont pas, eu égard à leur ancienneté, de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le CROUS de Strasbourg sur l'impossibilité de M. D... à occuper un poste à compter du 4 novembre 2015. Dans ces conditions, en plaçant le requérant en congé de grave maladie, le directeur du CROUS n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le CROUS, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les dépens :
11. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".
12. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de laisser les frais d'expertise, liquidés et taxés, par une ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Strasbourg, à un montant de 720 euros TTC à la charge de M. D....
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CROUS de Strasbourg, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... une somme au titre des frais exposés par le CROUS de Strasbourg et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CROUS de Strasbourg sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au centre régional des oeuvres universitaires et scolaires de Strasbourg.
N° 19NC00418 2