Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 mars 2019, M. E... D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1805409 du tribunal administratif de Strasbourg du 20 décembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocate en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. D... soutient que :
- les seules mentions de l'avis du collège de médecins de l'OFII ne permettant pas d'apprécier l'absence de risque en cas de défaut de prise en charge médicale, un supplément d'instruction doit être ordonné ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien, dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- le préfet n'a pas envisagé la possibilité d'user de sa faculté de régulariser sa situation ;
- le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2020, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Par une décision du 5 mars 2019, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne le refus de séjour :
1. En premier lieu, aux termes du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 2) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ".
2. Selon l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens pour la mise en oeuvre des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". L'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce, énonce que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires (...) ".
3. Par un avis du 15 mars 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. D..., qui souffre des séquelles d'un état de stress post-traumatique, d'un état dépressif récurrent et de troubles du sommeil, relationnels et somatiques, nécessite une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé peut voyager sans risque vers l'Algérie. Ni la circonstance que le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration auteur du rapport médical n'a pas personnellement examiné M. D..., ce qu'il n'était nullement tenu de faire, ni le certificat médical du 14 janvier 2014, compte tenu de son ancienneté, ni ceux des 2, 14 et 20 août et 4 septembre 2018, lesquels se bornent à mentionner la nécessité d'un traitement médicamenteux et psychothérapique régulier, sans précision sur les éventuelles conséquences qu'aurait pour lui le défaut d'un tel traitement, ne sont de nature à remettre en cause le bien-fondé de cet avis, que le préfet s'est approprié. Par ailleurs, le requérant ne peut pas utilement faire valoir qu'il bénéficiait depuis 2013 d'un certificat de résidence algérien en raison de son état de santé, dès lors que cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à établir qu'il remplissait les conditions pour en obtenir le renouvellement. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner le supplément d'instruction sollicité par le requérant, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7° du deuxième alinéa de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. D..., il ressort des pièces du dossier, notamment des motifs de l'arrêté contesté que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. D... soutient qu'à la date de la décision contestée, il résidait en France depuis 12 ans, soit depuis l'âge de 29 ans, qu'il y bénéficiait d'un certificat de résidence depuis 5 ans, s'y était inséré professionnellement et y avait créé sa propre société. Il fait également valoir son mariage le 21 juillet 2018 et la naissance d'un enfant issu de cette union en mars 2019. Toutefois, le préfet n'a admis sa présence en France qu'à partir du mois d'août 2012, soit 6 ans avant la décision contestée, et le requérant n'apporte aucun élément pour établir qu'il y séjournait déjà auparavant. Par ailleurs, son mariage n'est antérieur que de 3 jours à la date de la décision contestée et il n'apporte aucune précision sur la situation administrative de son épouse, qui est née en Algérie et dont il n'allègue même pas qu'elle serait de nationalité française, au regard des règles de séjour des étrangers en France, pas plus que sur l'ancienneté de leur relation. En outre, il ne peut pas utilement se prévaloir de la naissance de son enfant, qui est postérieure à la décision contestée. Dans ces conditions, en l'absence de toute autre attache personnelle ou familiale en France, et en dépit de sa présence en France depuis août 2012 et de ses efforts d'insertion professionnelle, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de l'admettre au séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
7. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait omis d'envisager de faire usage de son pouvoir de régularisation.
8. En cinquième lieu, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se soit livrée à une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision de refus de séjour sur la situation personnelle de M. D....
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour.
10. En second lieu, pour la même raison que celle indiquée au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les conditions sont identiques à celles prévues par les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé, ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de M. D..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de M. E... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
N° 19NC00900 2