Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 13 février 2018 sous le n° 18NC00350, le ministre de l'éducation nationale demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 19 décembre 2017 en tant qu'il a fait droit aux conclusions de MM. B...F...et D...;
2°) de rejeter la demande présentée par MM. B...F...et D...devant le tribunal administratif de Besançon.
Il soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la décision litigieuse ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 212-2 du code de l'éducation.
Par un mémoire, enregistré le 3 juillet 2018, MM. B...F...etD..., représentés par MeA..., concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que :
- le moyen invoqué par le ministre n'est pas fondé ;
- les données fournies au conseil départemental de l'éducation et au comité technique prévu à l'article 34 du décret du 15 février 2011 étaient erronées ;
- la procédure prévue par la circulaire du 30 décembre 2011 n'a pas été respectée en l'absence de réalisation d'une étude d'impact ;
- les lignes directrices de la circulaire du 30 décembre 2011 ont été méconnues.
II. Par une requête, enregistrée le 19 mars 2018 sous le n° 18NC00750, et un mémoire complémentaire, enregistré le 29 mai 2018, le ministre de l'éducation nationale demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Besançon du 19 décembre 2017 en tant qu'il a fait droit aux conclusions de MM. B... F... etD....
Il soutient que :
- les moyens exposés à l'appui de la requête enregistrée sous le n° 18NC00350 sont de nature à entraîner l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande présentée par MM. B... F...et D...devant le tribunal administratif de Besançon ;
- l'exécution de ce jugement conduirait à rouvrir l'école élémentaire alors que seuls 12 élèves seraient susceptibles d'y être scolarisés à la rentrée 2018.
Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2018, MM. B...F...etD..., représentés par MeA..., concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir que les moyens invoqués par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Haudier,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public ;
- et les observations de Me E...pour MM. B...F...etD....
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 18NC00350 et 18NC00750 du ministre de l'éducation nationale ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. Par une décision du 14 mars 2016, l'inspecteur d'académie du Doubs a supprimé les deux postes d'enseignants de l'école maternelle et élémentaire du Chauffaud, hameau de la commune de Villers-le-Lac, distant d'environ huit kilomètres du centre de la commune et situé à 1 150 mètres d'altitude. Saisi d'un recours de deux parents d'enfants scolarisés dans cette école, MM. B...F...etD..., le tribunal administratif de Besançon a annulé cette décision par un jugement du 19 décembre 2017.
3. Aux termes de l'article L. 212-2 du code de l'éducation : " Toute commune doit être pourvue au moins d'une école élémentaire publique. Il en est de même de tout hameau séparé du chef-lieu ou de toute autre agglomération par une distance de trois kilomètres et réunissant au moins quinze enfants d'âge scolaire (...) ".
4. Pour l'appréciation du seuil de quinze élèves prévu par ces dispositions pour la création ou le maintien d'une école élémentaire dans un hameau, il y a lieu de prendre en compte les élèves en âge scolaire demeurant.... Par suite, il ne peut pas être tenu compte, en l'espèce, des enfants scolarisés au cours des années précédentes à l'école du Chauffaud résidant dans d'autres lieux-dits ou dans le bourg de la commune. Il n'est pas contesté qu'à la date de la décision litigieuse, seuls neufs enfants en âge scolaire résidaient effectivement au Chauffaud. L'effectif des élèves devant être pris en compte en application des dispositions précitées de l'article L. 212-2 du code de l'éducation était, dès lors, inférieur au seuil légal.
5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-2 du code de l'éducation pour annuler la décision du 14 mars 2016.
6. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MM. B... F... et D...devant le tribunal administratif de Besançon et devant la cour.
7. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 235-11 du code de l'éducation : " Le conseil départemental de l'éducation est notamment consulté : 1° Au titre des compétences de l'Etat (...) b) Sur la répartition des emplois d'enseignants des écoles maternelles et élémentaires publiques ". L'article 34 du décret du 15 février 2011 susvisé prévoit, en outre, que : " Les comités techniques sont consultés, dans les conditions et les limites précisées pour chaque catégorie de comité par les articles 35 et 36 sur les questions et projets de textes relatifs :1° A l'organisation et au fonctionnement des administrations, établissements ou services ; 2° A la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences ".
8. Il ressort des pièces du dossier que le comité technique compétent a été consulté sur le projet de carte scolaire comprenant la suppression des postes à l'école du Chauffaud les 3 et 10 mars 2016 et que le conseil départemental de l'éducation nationale a été consulté le 11 mars 2016. Si MM. B...F...et D...font valoir que ces organes consultatifs ne se sont pas prononcés en toute connaissance de cause, ils n'établissent pas, en se prévalant d'inscriptions postérieures à ces consultations, que l'effectif d'élèves indiqué par l'administration lors de ces consultations était erroné. Par ailleurs, la circonstance qu'au cours des débats, l'inspecteur d'académie a indiqué qu'il s'agissait d'une " fermeture ferme ", sans mentionner que la fermeture de l'école relèverait de la compétence de la commune, n'a pas pu induire en erreur les membres du conseil départemental de l'éducation nationale. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité technique et du conseil départemental de l'éducation nationale ne peut être qu'écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 213-29 du code de l'éducation : " L'harmonisation géographique des temps scolaires étant un facteur déterminant pour l'organisation, la mise en oeuvre et la qualité des transports scolaires, le département, compétent en matière d'organisation et de financement du transport scolaire, est consulté par écrit : (...) 3° Par le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, sur : a) Les projets de création ou de suppression d'écoles, de regroupements pédagogiques intercommunaux ou d'établissements du second degré ; (...) ". Aux termes de l'article D. 213-30 du même code : " La consultation du département intervient dans des délais autorisant, le cas échéant, la mise en oeuvre des procédures de délégation de service public prévues aux articles L. 1411-1 à L. 1411-19 et R. 1411-1 à R. 1411-8 du code général des collectivités territoriales. / Si, au terme d'un délai d'un mois après qu'une demande d'avis prévue à l'article D. 213-29 du présent code lui a été adressée, le département n'a pas fait connaître son avis, celui-ci est réputé favorable ".
10. Si le directeur académique des services de l'éducation nationale du Doubs a, le 14 mars 2016, adressé un courrier à la présidente du conseil départemental du Doubs en vue de solliciter son avis sur la décision de supprimer les emplois de professeur des écoles ou d'instituteur affectés à l'école du Chauffaud, conformément aux dispositions de l'article D. 213-29 du code de l'éducation, il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse, édictée le 14 mars 2016, l'a été avant que n'intervienne l'avis du département, lequel ne pouvait être réputé avoir donné un avis favorable avant le 15 avril 2016.
11. Toutefois, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
12. En l'espèce, le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure prévue par les dispositions précitées ne constitue pas une garantie pour les intéressés. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'irrégularité entachant la consultation de cette collectivité territoriale n'a eu aucune incidence sur le sens de la décision prise. MM. B...F...et D... ne sont ainsi pas fondés à demander l'annulation de la décision litigieuse à raison du vice ayant entaché la consultation du département du Doubs.
13. En troisième lieu, MM. B...F...et D...ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 30 décembre 2011 relative aux écoles de montagne, qui se borne à préconiser la prise en compte de certains éléments pour déterminer l'allocation des moyens pour les écoles de montagne, et qui ne peut être regardée comme ayant entendu imposer la mise en oeuvre d'une procédure particulière préalable à l'édiction d'une décision portant suppression d'emploi dans une école.
14. En quatrième lieu, aux termes de l'article D. 211-9 du code de l'éducation : " Le nombre moyen d'élèves accueillis par classe et le nombre des emplois par école sont définis annuellement par le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, compte tenu des orientations générales fixées par le ministre chargé de l'éducation, en fonction des caractéristiques des classes, des effectifs et des postes budgétaires qui lui sont délégués, et après avis du comité technique départemental ".
15. Il ressort des pièces du dossier que l'école du Chauffaud comptait 35 élèves à la rentrée scolaire 2013, 34 à la rentrée scolaire 2014 et 29 à la rentrée scolaire 2015, un trentième élève étant arrivé en cours d'année. Le recteur a indiqué en première instance que seuls 25 élèves étaient effectivement inscrits pour la rentrée 2016/2017. Si MM. B...F...et D...justifient de plusieurs inscriptions supplémentaires postérieures à la décision litigieuse, l'effectif pour ladite année scolaire ne peut, en tout état de cause, être fixé au nombre avancé de 38, dès lors que ne peuvent être comptabilisées les inscriptions nécessitant une dérogation ou celles exclusivement destinées à empêcher la fermeture de l'école. De plus, la diminution des effectifs de l'école n'est pas le seul motif invoqué par le recteur en première instance. La décision litigieuse est également motivée par l'augmentation des effectifs des autres écoles publiques de Villers-le-Lac et par la nécessité d'affecter au moins un enseignant supplémentaire à l'école du centre, ainsi que par le faible nombre d'élèves par niveau à l'école du Chauffaud qui comptait une classe unique pour tous les élèves de maternelle et une classe unique pour l'ensemble des élèves scolarisés à l'école élémentaire. Par ailleurs, MM. B... F... et D...n'apportent aucun élément sur les conditions de transport scolaire entre le lieu-dit du Chauffaud et le site de la nouvelle école qu'ils présentent comme dangereuses et difficiles, alors qu'une partie des élèves scolarisés à l'école du Chauffaud les années précédentes n'y résidaient pas. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que les dispositions de l'article D. 211-9 du code de l'éducation, ou, en tout état de cause, les lignes directrices de la circulaire du 30 décembre 2011 auraient été méconnues.
16. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du 14 mars 2016 par laquelle l'inspecteur d'académie du Doubs a supprimé les deux postes d'enseignants de l'école maternelle et élémentaire du Chauffaud.
Sur les conclusions tendant à ce que la cour ordonne le sursis à l'exécution du jugement attaqué :
17. Dès lors que la cour statue par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du ministre de l'éducation nationale tendant à l'annulation du jugement du 19 décembre 2017, les conclusions de sa requête n° 18NC00750 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que MM. B...F...et D...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18NC00750 du ministre de l'éducation nationale tendant à ce que la cour ordonne le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Besançon du 19 décembre 2017.
Article 2 : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Besançon du 19 décembre 2017 sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par MM. B...F...et D...devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée.
Article 4 : Les conclusions de MM. B...F...et D...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...B...F..., à M. C... D... et au ministre de l'éducation nationale.
Copie en sera adressée à la commune de Villers-le-Lac.
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N° 18NC00350 et 18NC00750