Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 juillet 2018, Mme C...A..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 19 décembre 2017 par laquelle le préfet de l'Aube a refusé d'autoriser le regroupement familial sur place de ses enfants ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui accorder le bénéfice du regroupement familial pour ses enfants dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée méconnaît les dispositions des articles L. 411-1, L. 411-5 et L. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la seule présence en France de ses enfants ne s'opposait pas à ce que le préfet use de son pouvoir d'appréciation ;
- le préfet a commis une erreur de droit dès lors qu'un document de circulation n'équivaut pas à une autorisation de regroupement familial ;
- la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie familiale normale.
Par un mémoire, enregistré le 29 janvier 2019, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barteaux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., de nationalité albanaise, est entrée en France en 2008, accompagnée de son époux et de leurs deux enfants, Kejsi et Arbis, nés respectivement en 2004 et 2006. Le 19 octobre 2015, Mme A...a sollicité le bénéfice du regroupement familial en faveur de ses deux enfants. Par une décision du 24 janvier 2017, le préfet de l'Aube a rejeté cette demande. Par un jugement du 16 novembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette décision préfectorale. Le préfet de l'Aube a de nouveau, par une décision du 19 décembre 2017, refusé le regroupement familial sur place en faveur des enfants de MmeA.... Par un jugement du 21 juin 2018, dont elle fait appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins un an, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans " ; qu'aux termes de l'article L. 411-6 du même code : " Peut être exclu du regroupement familial : (...) 3° Un membre de la famille résidant en France ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises notamment, comme en l'espèce, en cas de présence anticipée sur le territoire français du membre de la famille bénéficiaire de la demande. Il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. Après avoir rappelé les conditions d'entrée et de séjour en France de MmeA..., le préfet de l'Aube a constaté que l'intéressée s'était mariée avec le père de ses enfants en 2003 en dehors du territoire national, qu'à la date de la demande de regroupement familial pour ses enfants, elle ne détenait pas un titre de séjour d'une durée d'un an et que ces deux enfants, détenant un document de circulation pour mineur étranger pour la période du 7 août 2014 au 6 août 2019, étaient déjà présents sur le territoire français. Il en a conclu que Mme A... ne pouvait pas bénéficier d'un regroupement sur place en vertu du 3° de l'article L. 411-6 et de l'article R. 411-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Puis, il a examiné les conséquences qu'un refus serait susceptible d'avoir sur son droit à une vie privée et familiale et l'intérêt supérieur des enfants garanti par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet, qui ne s'est pas cru lié par la présence de ses enfants sur le territoire pour refuser le regroupement familial, a mis en oeuvre son pouvoir d'appréciation avant de prendre la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'étendue de sa compétence doit être écarté.
4. Si le préfet de l'Aube a tenu compte de la possession par les enfants de la requérante d'un document de circulation, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que cette circonstance a été prise en considération parmi d'autres éléments pour apprécier les conséquences d'un refus sur la situation de la requérante, sans en faire un élément déterminant du droit au regroupement familial, ni même assimiler un tel document à une autorisation de regroupement familial. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
5. Il ressort enfin des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, Kejsi et Arbis A...résidaient en France depuis 2008 aux côtés de leurs parents. Le refus de regroupement familial litigieux, qui n'implique pas leur éloignement du territoire, ne s'oppose ni à la poursuite de leur scolarité, ni au maintien de la cellule familiale en France. En outre, les enfants de la requérante disposent d'un document de circulation qui leur permet de quitter le territoire français et d'y revenir. Dans ces conditions, le refus de regroupement familial n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A...une atteinte disproportionnée au but poursuivi. Le moyen tiré de la méconnaissance par la décision contestée des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aube.
2
No 18NC02044