Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 août 2018, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 22 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 13 novembre 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me A...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence dès lors que son auteur ne justifie pas d'une délégation régulière ;
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;
- les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux ont été méconnues ;
- le préfet s'est estimé lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- en cas de retour dans son pays, il sera exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il aurait dû se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- l'arrêté est illégal dès lors qu'il ne fixe pas le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;
- le Togo ne constitue pas un pays sûr au sens de la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant togolais né en 1968, est entré en dernier lieu en France au mois de juin 2016, sous couvert d'un visa court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 novembre 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 avril 2017. Par un arrêté du 13 novembre 2017, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer une carte de résident en qualité de réfugié, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. M. C... relève appel du jugement du 22 mars 2018, par lequel le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. Gaudin, secrétaire général de la préfecture de la Marne, était titulaire, à la date de la décision litigieuse, d'une délégation de signature du préfet de la Marne du 27 octobre 2017, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du 31 octobre 2017, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions du représentant de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas la décision litigieuse. En outre, contrairement à ce que soutient M.C..., la circonstance qu'il est mentionné que cette décision a été prise sur proposition du secrétaire général demeure sans incidence sur l'exercice de sa propre compétence par le préfet et ne permet pas de considérer qu'elle n'aurait pas été prise par le préfet et, par voie de délégation, par le secrétaire général lui-même.
3. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux, dont la motivation n'est pas stéréotypée, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé. S'il ne vise pas la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Lomé le 13 juin 1996, l'article 13 de cette convention prévoit expressément que " Les points non traités par la présente convention sont régis par la législation interne de chaque État ". Or, M. C... n'a pas présenté de demande de titre de séjour sur le fondement de dispositions de cet accord et le préfet n'en a pas fait application.
4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C...avant de prendre la décision litigieuse ou qu'il se serait estimé tenu de prendre l'arrêté litigieux compte tenu des décisions de l'OFPRA et de la CNDA.
5. En quatrième lieu, si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Il résulte, toutefois, également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
6. De plus si, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour, il n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur les décisions accompagnant cette décision, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
7. En l'espèce, contrairement à ce qu'il soutient, M. C...doit être regardé comme ayant présenté une demande de carte de séjour en sollicitant l'asile en France. Par ailleurs, ayant déjà fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement, il ne pouvait ignorer qu'il pouvait faire l'objet d'une nouvelle mesure d'éloignement en cas de rejet de sa demande d'asile. Il n'apporte, en outre, aucun élément de nature à établir qu'il n'a pas pu, préalablement à l'édiction de la décision litigieuse, présenter des observations et indiquer les raisons qui faisaient obstacle à son éloignement ou à l'édiction de la mesure prise à son encontre. Par suite, M. C...ne peut pas être regardé comme ayant été privé de son droit à être entendu garanti par le droit de l'Union.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII ".
9. Dès lors que tant l'OFPRA que la CNDA ont rejeté la demande d'asile de M. C...et qu'ainsi, ce dernier n'avait pas été reconnu réfugié en application du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne pouvait pas se voir délivrer une carte de résident sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. C...n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu ces dispositions.
10. En sixième lieu, M. C...fait valoir qu'il a résidé en France à plusieurs reprises depuis 2003 avant de faire l'objet de mesures d'éloignement, qu'il est bien inséré au sein de la société française, qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française avec laquelle il se mariera dès que son divorce sera prononcé et que des membres de sa famille résident régulièrement en France. Toutefois, il n'est revenu pour la dernière fois en France qu'au mois de juin 2016 et la vie commune avec sa compagne ne peut être regardée comme établie au plus tôt qu'à compter du 1er juin 2017. En outre, si des membres de sa famille résident en France, il n'établit pas être isolé au Togo où il a vécu la majeure partie de sa vie et où réside notamment son père. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que l'arrêté litigieux aurait porté au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le préfet n'a, par suite, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé.
11. En septième lieu, en indiquant que M. C...pourra être reconduit vers le pays dont il a la nationalité, la décision attaquée a nécessairement désigné le Togo comme pays de destination. M. C..., qui n'allègue au demeurant pas être admissible dans un autre pays, n'est ainsi fondé à soutenir que l'arrêté litigieux est illégal faute pour le préfet d'avoir fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.
12. En huitième lieu, M. C...fait valoir qu'il encourt des risques en cas de retour au Togo. Il fait notamment valoir qu'il a activement participé à un mouvement de protestations initié par des enseignants. Toutefois, les éléments qu'il produit au soutien de ses allégations, qui ont déjà été examinés par l'OFPRA et la CNDA, ne permettent pas de considérer comme établi qu'il encourt effectivement personnellement des risques en cas de retour dans son pays. Au demeurant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'OFPRA confirmée par la CNDA. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant le pays à destination duquel M. C...pourra être éloigné serait intervenue en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Il résulte de tout ce qui précède, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 18NC02259