Par une requête enregistrée le 5 septembre 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 16 janvier 2019, M. A...B..., représenté par Me Gehin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 10 juillet 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 juin 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision, ainsi que l'interdiction de retour, méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 1er février 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- et les observations de Me Géhin pour M.B....
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant tunisien né le 26 mai 1992, déclare être entré irrégulièrement en France au cours de l'année 2016. A la suite de son interpellation par les services de police de Nancy le 30 juin 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris à son encontre, le même jour, un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une période de six mois. M. B...relève appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ". L'article 371-2 du code civil prévoit à cet égard que : " chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B...est père d'une enfant de nationalité française, née le 2 mai 2018, qu'il a reconnu dès sa naissance. Le requérant soutient sans être sérieusement contredit qu'à la date de l'arrêté contesté, il vivait effectivement avec la mère de sa fille. Il ressort suffisamment des documents produits à l'instance, eu égard au très jeune âge de l'enfant à la date d'intervention de cet arrêté, que M. B... participait alors, de manière effective, à l'entretien et à l'éducation de sa fille depuis la naissance de celle-ci. La circonstance que les attestations fournies par le requérant ont été établies postérieurement à la date de l'arrêté contesté n'a pas pour effet de leur retirer toute valeur probante dès lors que les témoignages se rapportent à des faits antérieurs à cette date. Dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il est également fondé à solliciter l'annulation de cette décision et, par voie de conséquence, celle des décisions fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français.
4. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et ainsi que le demande le requérant, d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Gehin, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gehin de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy n° 1801804 du 10 juillet 2018 et l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 30 juin 2018 obligeant M. B...à quitter le territoire français sans délai à destination de son pays d'origine et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de six mois sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder au réexamen de la situation de M. B...dans un délai de quinze jours et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Gehin, avocat de M.B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Gehin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 18NC02411