Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 août 2018, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 15 février 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me C...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'incompétence dès lors que son auteur ne justifie pas d'une délégation régulière ;
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ; il ne mentionne notamment pas son état de santé et la circonstance qu'il a subi une intervention chirurgicale le 13 mars 2018 et ne précise pas s'il peut voyager sans risque ;
- les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux ont été méconnues ;
- le préfet s'est estimé lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- en cas de retour dans son pays, il sera exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;
- il aurait dû se voir délivrer une carte de résident en qualité de réfugié ;
- l'arrêté est illégal dès lors qu'il ne fixe pas le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;
- il ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'il a formé un recours devant la CNDA contre la décision de l'OFPRA.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant albanais né en 1988, a déclaré être entré en France au mois de mai 2016 afin d'y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 30 novembre 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 4 juillet 2017. Par un arrêté du 28 août 2017, le préfet de la Marne a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français. M. A...a formé une demande de réexamen de sa demande d'asile auprès de l'OFPRA, qui a été rejetée comme étant irrecevable. Par un arrêté du 15 février 2018, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer une carte de résident en qualité de réfugié et une carte de séjour temporaire au regard d'une protection subsidiaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné. M. A...relève appel du jugement du 19 mars 2018, par lequel le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. Gaudin, secrétaire général de la préfecture de la Marne, était titulaire, à la date de la décision litigieuse, d'une délégation de signature du préfet de la Marne du 27 octobre 2017, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du 31 octobre 2017, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions du représentant de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas la décision litigieuse. En outre, contrairement à ce que soutient M.A..., la circonstance qu'il est mentionné que cette décision a été prise sur proposition du secrétaire général demeure sans incidence sur l'exercice de sa propre compétence par le préfet et ne permet pas de considérer qu'elle n'aurait pas été prise par le préfet et, par voie de délégation, par le secrétaire général lui-même.
3. En deuxième lieu et alors même qu'il ne précise pas que l'intéressé peut voyager sans risque, l'arrêté litigieux, dont la motivation n'est pas stéréotypée, comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivé. Si M. A... indique que cet arrêté ne mentionne pas son état de santé et le fait qu'il a subi une intervention chirurgicale au mois de mars 2018, cette intervention est postérieure à la date de la décision litigieuse. Par ailleurs, M. A...n'a pas présenté de demande de titre de séjour en se prévalant de son état de santé et n'allègue pas avoir informé le préfet de problèmes médicaux dont il serait atteint.
4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A...avant de prendre la décision litigieuse ou qu'il se serait estimé tenu de prendre l'arrêté litigieux compte tenu des décisions de l'OFPRA et de la CNDA.
5. En quatrième lieu, si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Il résulte, toutefois, également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
6. De plus si, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour, il n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur les décisions accompagnant cette décision, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
7. En l'espèce, contrairement à ce qu'il soutient, M. A...doit être regardé comme ayant présenté une demande de carte de séjour en sollicitant l'asile en France. Par ailleurs, n'ayant pas déféré à la mesure d'éloignement dont il avait fait l'objet au mois d'août 2017, il ne pouvait ignorer qu'il pouvait faire l'objet d'une nouvelle mesure d'éloignement en cas de rejet de sa demande de réexamen de sa demande d'asile. Il n'apporte, en outre, aucun élément de nature à établir qu'il n'a pas pu, préalablement à l'édiction de la décision litigieuse, présenter des observations et indiquer les raisons qui faisaient obstacle à son éloignement ou à l'édiction de la mesure prise à son encontre. M. A...ne peut, par suite, pas être regardé comme ayant été privé de son droit à être entendu garanti par le droit de l'Union.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII ".
9. Dès lors que tant l'OFPRA que la CNDA ont rejeté la demande d'asile de M. A...et qu'ainsi, ce dernier n'avait pas été reconnu réfugié en application du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne pouvait pas se voir délivrer une carte de résident sur le fondement des dispositions précitées. M. A...n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En sixième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...)". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; (...) ". Enfin , selon les termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI ".
11. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la demande d'asile de M. A...a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 30 novembre 2016, confirmée par la CNDA le 4 juillet 2017. Le préfet de la Marne, après avoir constaté que le requérant ne pouvait se maintenir sur le territoire français a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de l'Albanie. Le recours pour excès de pouvoir introduit par M. A...contre cet arrêté a été rejeté par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 19 octobre 2017. M. A...a introduit une nouvelle demande d'asile dès le 18 décembre 2017. Cette demande de réexamen a été rejetée par l'OFPRA comme étant irrecevable par une décision du 29 décembre 2017 au motif que les éléments présentés par l'intéressé n'étaient pas de nature à augmenter la probabilité qu'il justifie des conditions requises pour prétendre à une protection internationale au titre de la convention de Genève ou au titre de la protection subsidiaire. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet de la Marne a pu légalement considérer que la demande de réexamen de M. A...devait être regardée comme ayant eu pour seul objet de faire échec, dans un but dilatoire, à une mesure d'éloignement susceptible d'être prise à son encontre et, par suite, que la situation de l'intéressé entrait dans le champ d'application des dispositions du 4° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A...n'est dès lors pas fondé à soutenir que le préfet ne pouvait pas prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans attendre qu'intervienne la notification de la décision de la CNDA sur le recours qu'il avait formé contre la décision de l'OFPRA à sa demande de réexamen.
12. En septième lieu, M. A...fait valoir qu'il est bien inséré au sein de la société française et produit des témoignages de bénévoles au sein d'associations attestant de sa volonté d'intégration. Toutefois, il n'est entré en France qu'au mois de mai 2016 et n'établit pas être isolé en Albanie où il a vécu la majeure partie de sa vie. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté litigieux aurait porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le préfet n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé.
13. En huitième lieu, en indiquant que M. A...pourra être reconduit vers le pays dont il a la nationalité, la décision attaquée a nécessairement désigné l'Albanie comme pays de destination. M. A..., qui n'allègue au demeurant pas être admissible dans un autre pays, n'est ainsi fondé à soutenir que l'arrêté litigieux est illégal faute pour le préfet d'avoir fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné.
14. En neuvième lieu, M. A...fait valoir qu'il encourt des risques en cas de retour en Albanie. Il fait notamment valoir qu'il a été agressé par ses oncles paternels à qui il a réclamé une partie de l'héritage de son père et que ces derniers le menacent toujours. Toutefois, les éléments qu'il produit au soutien de ses allégations, qui ont déjà été examinés par la CNDA, ne permettent pas de considérer comme établi qu'il encourt effectivement personnellement des risques en cas de retour dans son pays, ni même qu'il ne pourrait pas bénéficier de la protection des autorités nationales. Au demeurant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'OFPRA confirmée par la CNDA et sa demande de réexamen a également été rejetée par l'OFPRA. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision fixant le pays à destination duquel M. A...pourra être éloigné serait intervenue en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
3
N° 18NC02260