Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 27 septembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 13 mai 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer son dossier dans le même délai et sous la même astreinte et, en cas d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ou de celle fixant le pays de destination, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me C...par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté a été signé par une personne incompétente ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet n'a pas recueilli ses observations préalablement à l'édiction de la décision de refus de séjour ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; les faits concernés sont anciens ; un visa et plusieurs récépissés de demande de titre de séjour lui ont été délivrés nonobstant ces faits ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations des articles 6-2 et 6-4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 2008 ;
- la décision de refus de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination devra être annulée du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ;
- sa vie privée et familiale fait obstacle à ce qu'il puisse être éloigné à destination de l'Algérie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2017, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête, au motif qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Les parties ont été informées que, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la cour était susceptible de fonder son arrêt sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les moyens de légalité externe invoqués en appel et qui ne sont pas d'ordre public sont irrecevables, ceux-ci étant fondés sur une cause juridique distincte des moyens articulés en première instance, qui étaient uniquement relatifs à la légalité interne, et constituant donc une demande nouvelle irrecevable en appel.
M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Fuchs a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien né le 2 juin 1988, est entré sur le territoire français, en compagnie de son épouse, ressortissante française, le 27 juin 2013 sous couvert d'un visa de court séjour ; que, par l'arrêté contesté du 13 mai 2016, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai ; qu'il relève appel du jugement du 27 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions relatives à l'aide juridictionnelle :
2. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2016 ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce que lui soit octroyée l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet ;
Sur la légalité de l'arrêté du 13 mai 2016 :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Considérant que M. B...n'a invoqué devant le tribunal administratif que des moyens tirés de l'illégalité interne de l'arrêté contesté ; que si, devant la cour, il invoque des moyens tirés du vice de procédure et du défaut de motivation de cet arrêté, ces prétentions, fondées sur une cause juridique distincte, constituent une demande nouvelle irrecevable en appel ;
4. Considérant, en revanche, qu'un moyen d'ordre public pouvant être invoqué à tout moment, M. B...est recevable à soutenir que l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ; que, par un arrêté en date du 31 août 2015, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Doubs a donné délégation à M. Setbon, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés relevant des attributions de l'Etat dans le département et, en particulier, les décisions de refus de séjour, celles portant obligation de quitter le territoire français ainsi que celles fixant le pays de destination ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 visé ci-dessus : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2°) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) 4°) au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. (...) " ; que les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés ; que si l'accord franco-algérien ne subordonne pas la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien à la condition que l'intéressé ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ne prive toutefois pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a été condamné, par deux jugements du tribunal correctionnel de Montbéliard des 17 octobre 2014 et 15 octobre 2015, d'une part pour des faits de vol simple, vol aggravé et d'escroquerie commis au cours des années 2011 et 2012 et, d'autre part, pour des actes de violence habituels envers sa conjointe entre 2011 et 2015 ; qu'il ressort d'un rapport d'enquête de la police aux frontières daté du 3 avril 2014 que de nombreux témoins ont fait état non seulement de l'emprise de M. B... sur son épouse, mais également de ce qu'il aurait précédemment exercé des pressions sur une autre ressortissante française en vue de conclure un mariage pour obtenir plus facilement un titre de séjour ; que, dans son avis du 8 avril 2016, la commission du titre de séjour, après audition de l'intéressé, a émis un avis défavorable à ce que lui soit délivré un titre de séjour ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, et notamment au caractère répété des violences conjugales imputables à M.B..., qui ont perduré jusqu'en 2015, le préfet n'a pas inexactement apprécié les faits de l'espèce en estimant qu'ils caractérisaient un comportement de nature à constituer une menace pour l'ordre public, quand bien même la peine d'emprisonnement infligée à l'intéressé a été assortie d'un sursis ;
7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré une première fois sur le territoire français en septembre 2009, à l'âge de 21 ans, avant d'être éloigné en exécution d'une mesure d'éloignement dans le courant de l'année 2012 ; qu'il s'est marié le 23 janvier 2013 en Algérie avec une ressortissante française, avec laquelle il a eu un enfant né le 9 octobre 2012 ; que M. B...est à nouveau entré en France le 27 juin 2013, à l'âge de 25 ans, sous couvert d'un visa " famille de français " ; que si la communauté de vie avec son épouse n'a pas cessé, il ressort toutefois du rapport d'enquête de la police aux frontières mentionné au point 6 que, selon divers témoignages, l'intéressé " est une personne violente qui terrorise son épouse " et que celle-ci serait sous son emprise ; qu'il a d'ailleurs été condamné à raison de faits de violence conjugale ; qu'il n'apporte aucun élément probant permettant d'attester de sa contribution à l'éducation et à l'entretien de son enfant, en dehors d'une attestation de la directrice de l'école maternelle que fréquente son fils ; qu'il n'exerce pas d'activité professionnelle régulière en France et ne fait pas état d'une intégration sociale particulière ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le préfet, qui a examiné la situation personnelle du requérant, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit donc être écarté ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet quant aux conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de M. B...doit également être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'eu égard à ce qui a été dit précédemment, les décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité ; que, par suite, l'exception d'illégalité de ces décisions, soulevée à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, doit être écartée ;
10. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que M. B... n'est pas fondé à soutenir que sa vie privée et familiale ferait obstacle à son éloignement à destination de l'Algérie ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution ; que, par ailleurs, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, l'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y plus lieu de statuer sur les conclusions de M. B...tendant à son admission à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de M. B...est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.
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N° 16NC02388