Par une requête enregistrée le 9 février 2018, M. B... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg du 14 décembre 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative, le cas échéant sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu son droit à être entendu garanti par le droit de l'Union européenne ;
- il a également méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée pour assortir la mesure d'éloignement d'un délai de départ volontaire fixé à trente jours ;
- la décision fixant ce délai est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée en fait ;
- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2018 , le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guérin-Lebacq a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant kosovar né le 13 novembre 1995 déclare être entré irrégulièrement en France le 11 mai 2015 en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 17 mai 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 21 novembre 2016. Après que M. C...a fait l'objet d'un contrôle d'identité le 18 octobre 2017, le préfet de la Moselle a pris à son encontre un arrêté du 19 octobre 2017 l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. M. C...relève appel du jugement du 14 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, M.C..., dont la demande d'asile a été définitivement rejetée et qui n'était titulaire d'aucun titre de séjour, a été obligé de quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Le requérant soutient que cette mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu, en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux. Toutefois, l'étranger est conduit, à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. M. C... n'allègue pas avoir sollicité en vain un entretien auprès des services préfectoraux, ni même avoir été empêché de présenter des observations avant que soit prise la décision portant obligation de quitter le territoire français. Au demeurant, il ne pouvait ignorer que, depuis le rejet devenu définitif de sa demande d'asile, il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de son droit d'être entendu doit être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
5. M. C...se borne à produire des certificats médicaux établis par son médecin traitant les 5 décembre 2016 et 28 mars 2017 indiquant que son état de santé " semble justifier (...), au vu des éléments exposés et examinés, une demande d'autorisation de séjour pour motif médical ". Il ne ressort pas de ces éléments médicaux que le requérant nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, l'intéressé, qui ne soutient pas avoir saisi le préfet de la Moselle d'une demande de titre de séjour à raison de son état de santé depuis le rejet de sa demande d'asile, n'est pas fondé à se prévaloir d'une prétendue méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision fixant le délai de départ volontaire :
6. Le requérant reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de ce que le préfet de la Moselle aurait entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
8. La décision fixant le pays de destination mentionne que M. C...est de nationalité kosovare et, après avoir rappelé les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, précise que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à ces stipulations en cas de retour vers le pays dont il a la nationalité. Par suite, cette décision, qui n'avait pas à rappeler l'ensemble des craintes que le requérant dit éprouver à la perspective d'un retour au Kosovo, est suffisamment motivée tant en droit qu'en fait.
9. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
10. Le requérant soutient qu'il risque d'être soumis à des traitements prohibés par les stipulations précitées en cas de retour au Kosovo, en se bornant à renvoyer sur ce point au compte-rendu d'entretien du 21 avril 2016 avec l'officier de protection de l'OFPRA. Ce document, qui expose de façon peu circonstanciée la vendetta dont M. C... ferait l'objet dans son pays d'origine, ne saurait à lui seul justifier de la réalité et de l'actualité des risques qu'il dit encourir au Kosovo. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'OFPRA que par la CNDA. Le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi aurait été prise en violation des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut donc qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 18NC00336