Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 septembre 2018, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 1er février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Il soutient que :
- le préfet ne pouvait pas lui refuser un délai de départ volontaire dès lors qu'étant dans l'attente des décisions du préfet sur les demandes de titre de séjour qu'il a présentées avec son épouse, il n'y a pas de risque qu'il se soustraie aux demandes de la préfecture ; il justifie de garanties de représentation ;
- le préfet ne pouvait pas prendre à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français dès lors qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public et ne s'est pas soustrait à une obligation de quitter le territoire ;
- le préfet ne pouvait pas prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire dès lors que son épouse a présenté une demande de titre de séjour en se prévalant de son état de santé ;
- le préfet ne pouvait pas prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire dès lors qu'il a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant albanais né en 1977, a déclaré être entré en France au mois de novembre 2016 avec son épouse et ses deux enfants. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 20 février 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par une décision du 7 juin 2017. Par un arrêté du 1er février 2018, le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné, a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et l'a assigné à résidence.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Si l'intéressé produit une promesse d'embauche datée du 7 juillet 2017 ainsi qu'un document émanant des services de la préfecture daté du 11 juillet 2017 attestant de ce qu'il a déposé ledit jour " des documents pour le service de l'immigration et de l'intégration ", ces seuls éléments ne permettent pas de regarder comme établi que M. B...aurait, ainsi qu'il le soutient, déposé une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B...n'est, par suite et en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le préfet aurait dû statuer sur cette demande avant de prendre l'obligation de quitter le territoire français litigieuse.
3. En outre, la seule circonstance que son épouse ait présenté une demande de titre de séjour en se prévalant de son état de santé, ne faisait pas obstacle à ce que le préfet prenne à son encontre une obligation de quitter le territoire, dès lors qu'il entrait dans le champ des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Enfin, si M. B...fait valoir que lui et les membres de sa famille ont été victimes d'agressions et qu'ils ont fait l'objet de menaces, il n'établit pas qu'il encourrait des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Albanie ou qu'il ne pourrait pas bénéficier de la protection des autorités de ce pays. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée tant par l'OFPRA que par la CNDA. M. B...n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision fixant l'Albanie comme pays à destination duquel il pourra être éloigné serait intervenue en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En revanche, il appert que, pour justifier l'absence de délai de départ volontaire, le préfet s'est fondé sur les dispositions du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu desquelles " l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ".
6. Le préfet ne conteste pas que M. B...était titulaire d'une carte d'identité en cours de validité et justifiait d'un domicile situé à une adresse connue des services de la préfecture. Il peut ainsi être regardé comme disposant de garanties de représentation suffisantes sans que le préfet puisse utilement faire valoir à cet égard qu'il ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français, qu'il est démuni de documents lui permettant de circuler sur le territoire français et qu'il est dépourvu de ressources. Le préfet de la Moselle ne pouvait, par suite, pas refuser un délai de départ volontaire à M. B...sur le fondement des dispositions du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant un délai de départ volontaire. Dès lors qu'il résulte des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet peut assortir une obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français uniquement " lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti ", l'annulation de la décision refusant à M. B...un délai de départ volontaire justifie l'annulation par voie de conséquence, de la décision portant interdiction de retour pour une durée d'un an. M. B...est ainsi également fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. L'annulation des décisions refusant à M. B...un délai de départ volontaire et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, n'implique pas nécessairement la délivrance à l'intéressé d'un titre de séjour. Les conclusions en ce sens présentées par M. B...ne peuvent ainsi qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 1er février 2018 du préfet de la Moselle est annulé en tant qu'il refuse un délai de départ volontaire à M. B...et qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1800704 du 7 février 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3: Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
2
N° 18NC02470