Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 juillet 2016, MmeE... A... -D..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 19 mai 2016 ;
2°) de condamner la chambre des métiers et de l'artisanat des Ardennes, à titre principal, à lui verser la somme totale de 87 450 euros au titre des rappels de traitements et de congés payés dont elle a été privée à la suite de son éviction illégale à compter du 12 avril 2007 et, à titre subsidiaire, la somme de 57 283 euros en réparation des revenus de remplacement dont elle a été privée au cours de cette éviction, ainsi que la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
3°) de condamner la chambre des métiers et de l'artisanat des Ardennes à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice consécutif à la violation du secret professionnel et du secret médical dans une précédente instance ;
4°) de mettre à la charge de la chambre des métiers et de l'artisanat des Ardennes la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a omis de se prononcer sur sa demande tendant à ce que l'administration tire toutes les conséquences de la décision prononçant sa réintégration, prise à la suite de l'annulation de la décision qui la plaçait en congé sans solde à compter du 12 avril 2007 ;
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande au motif que ses préjudices avaient déjà été réparés par l'arrêt de la cour administrative d'appel n° 11NC00651 du 1er décembre 2014 dès lors que les deux litiges ne présentent aucune identité d'objet et de cause ;
- l'arrêt précité a pour effet d'indemniser la perte de chance de percevoir tout revenu de remplacement en raison du retard fautif dans la mise en oeuvre de la procédure de reclassement et, le cas échéant, de licenciement, alors que sa présente demande vise à obtenir de l'administration qu'elle tire les conséquences, en termes de reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux, de l'annulation de la décision la plaçant en congé sans solde ;
- elle a droit à la rémunération qu'elle aurait dû percevoir entre le mois d'avril 2007 et le mois de septembre 2011, pour un montant total de 79 500 euros, ainsi qu'aux congés payés pour un montant de 7 950 euros ;
- à tout le moins, elle a été privée de revenus de remplacement, évalués à la somme de 57 823 euros ;
- elle a droit à la reconstitution de ses droits sociaux pour la période d'avril 2007 à septembre 2011 ;
- en tout état de cause, la période indemnisée par l'arrêt précité du 1er décembre 2014 ne correspond pas à celle qui fait l'objet de la présente demande ;
- l'administration a engagé sa responsabilité en violant le secret professionnel et le secret médical dans le cadre d'instances précédentes.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2016, la chambre des métiers et de l'artisanat des Ardennes, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requérante a déjà été indemnisée de ses pertes de revenus et de son préjudice moral par l'arrêt de la cour administrative d'appel n° 11NC00651 du 1er décembre 2014 ;
- ses demandes indemnitaires sont prescrites ;
- elle ne saurait demander à la fois une indemnisation pour les revenus professionnels dont elle a été privée en raison de son congé sans solde et une indemnisation pour les revenus de remplacement dont elle estime avoir été privée en l'absence de licenciement ;
- la requérante ne saurait se plaindre d'une violation du secret médical ou du secret professionnel dès lors que les documents litigieux ont été transmis par l'intéressée elle-même à l'administration ;
- elle ne justifie pas du préjudice moral dont elle demande réparation à ce titre ;
- le licenciement prononcé le 29 mars 2012 est régulier et n'ouvre droit à aucune indemnisation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour Mme A...-D... et de MeC..., pour la chambre des métiers et de l'artisanat des Ardennes.
1. Considérant que Mme A...-D..., recrutée par la chambre de métiers et de l'artisanat des Ardennes en qualité de secrétaire comptable à compter du 18 mai 1992, a été placée en congé de maladie du 10 mars 2006 au 5 avril 2007 ; que, saisi par l'employeur au terme de ce congé, le médecin du travail a estimé le 11 avril 2007 que l'intéressée était inapte de manière définitive à tout poste dans l'établissement ; que, par une décision du 26 avril 2007, le président de la chambre de métiers et de l'artisanat a placé Mme A...-D... en position de congé sans solde à compter du 12 avril 2007 ; que la requérante a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de cette décision, ainsi que l'indemnisation des préjudices résultant de son éviction du service ; qu'après la cassation, par une décision du Conseil d'Etat n° 348596 du 24 avril 2013, du jugement n° 1000156 du 17 février 2011 rejetant les conclusions d'annulation de Mme A...-D..., la décision du 26 avril 2007 a été annulée par un jugement n° 1300788 du 17 septembre 2013, devenu définitif ; que la chambre de métiers et de l'artisanat a été condamnée à réparer les préjudices de la requérante, évalués à la somme de 15 000 euros par un jugement n° 1000154 du 17 février 2011 et portés à celle de 35 000 euros par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy n° 11NC00651 du 1er décembre 2011, devenu définitif ; que Mme A... -D..., qui a été licenciée pour inaptitude physique le 29 mars 2012, a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de conclusions dirigées contre la chambre de métiers et de l'artisanat tendant au versement d'un rappel au titre des traitements et congés payés relatifs à la période d'avril 2007 à septembre 2011 ou, à défaut, d'une indemnité pour avoir été privée de revenus de remplacement pendant cette période, ainsi que de conclusions tendant au versement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant selon elle de la violation du secret professionnel et du secret médical dans une précédente instance ; qu'elle fait appel du jugement du 19 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que, pour rejeter les conclusions de Mme A... -D... tendant à la condamnation de la chambre de métiers et de l'artisanat à lui verser la somme totale de 87 450 euros au titre des traitements et congés payés dont elle estime avoir été privée du mois d'avril 2007 au mois de septembre 2011, le tribunal administratif a relevé qu'elle avait déjà été indemnisée de ses préjudices par l'arrêt précité de la cour administrative d'appel de Nancy du 1er décembre 2011 et que l'autorité relative de la chose jugée s'opposait à ce qu'elle demande à nouveau une indemnisation sur le fondement de la responsabilité pour faute de l'administration ; que, toutefois, il ressort des écritures présentées par Mme A...-D... devant le tribunal administratif que sa demande avait pour objet le versement d'un rappel des traitements et congés payés dus, selon elle, pour les années 2007 à 2011 en conséquence de sa réintégration juridique et de la reconstitution de sa carrière auxquelles l'administration avait procédé à la suite de l'annulation de la décision la plaçant en congé sans solde à compter du 12 avril 2007 ; qu'ainsi, la demande de la requérante n'avait ni le même objet, ni la même cause juridique que celle présentée dans le cadre du premier litige porté devant la cour administrative d'appel ; que, par suite, Mme A...-D... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté cette demande comme irrecevable ;
3. Considérant, en revanche, que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 1er décembre 2011 a condamné la chambre de métiers et de l'artisanat à verser une somme de 35 000 euros à Mme A...-D..., en réparation des pertes de revenus imputables au retard à statuer sur sa situation après qu'elle a été placée en congé sans solde, que ces revenus correspondent à ceux qu'elle aurait perçus en cas de reclassement ou à ceux dont elle aurait bénéficié dans l'hypothèse d'un licenciement, ainsi qu'en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ; que des demandes d'indemnisation des préjudices causés par un même événement relèvent d'une même cause juridique si elles sont fondées sur une faute que l'administration aurait commise ; qu'ainsi, la demande présentée par la requérante dans le cadre du premier litige porté devant la cour administrative d'appel, qui trouvait son origine dans le placement en congé sans solde de l'intéressée et visait à l'indemnisation de ses préjudices matériels et moraux sur le fondement de la responsabilité pour faute de l'administration, est fondée sur la même cause juridique et présente le même objet que la demande dont elle a saisi le tribunal administratif le 19 juin 2014 en vue d'obtenir la condamnation de la chambre de métiers et de l'artisanat à lui verser la somme de 57 283 euros en réparation des revenus de remplacement dont elle a été privée pour avoir été placée irrégulièrement en position de congé sans solde, ainsi que la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral ; que, par suite, alors en outre que le présent litige oppose les mêmes parties que dans celui précédemment tranché par la cour, l'autorité relative de la chose jugée s'oppose à ce que Mme A...-D... puisse introduire une nouvelle action en responsabilité à l'encontre de la chambre de métiers et de l'artisanat en vue d'obtenir la réparation des mêmes préjudices résultant de son placement en congé sans solde ;
4. Considérant qu'il suit de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité du jugement attaqué, que Mme A...-D... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant à la condamnation de la chambre de métiers et de l'artisanat à lui verser un rappel de traitement d'un montant de 87 450 euros ;
5. Considérant qu'il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête ;
Sur les conclusions tendant au versement de traitements et au titre de congés payés non pris :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que Mme A...-D..., placée en congé sans solde à compter du 12 avril 2007 en raison de son inaptitude physique, n'a plus exercé aucune activité au sein de la chambre de métiers et de l'artisanat après cette date ; que, dans ces conditions, elle ne saurait, en l'absence de service fait, prétendre au versement de ses traitements et indemnités depuis le 12 avril 2007 ; que, par suite, ses conclusions tendant à la condamnation de la chambre à lui verser de telles sommes ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur le surplus de la requête :
7. Considérant, d'une part, que Mme A...-D... reproche à la chambre de métiers et de l'artisanat d'avoir produit, à l'occasion d'une précédente instance, un bulletin de situation relatif à un acte médical alors que ce document était couvert par le secret médical ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que ce bulletin a été initialement communiqué à l'administration par la requérante elle-même, qui a levé le secret médical à l'égard de son employeur ; que ledit document n'a été communiqué, dans le cadre des échanges contradictoires devant la juridiction, qu'à Mme A...-D... ; que, dans ces conditions, celle-ci ne justifie ni d'une faute imputable à la chambre de métiers et de l'artisanat, ni même d'un préjudice ;
8. Considérant, d'autre part, que si la requérante soutient encore que l'attestation établie par l'une de ses collègues et également produite par l'administration dans le cadre de la précédente instance aurait été rédigée au vu d'informations émanant de son dossier administratif personnel, en violation du secret professionnel, elle n'apporte à l'instance aucun élément à l'appui de telles allégations ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... -D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la chambre de métiers et de l'artisanat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme A...-D... demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement de la somme que la chambre de métiers et de l'artisanat demande sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1401276 du 19 mai 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de Mme A...-D... tendant au versement d'une somme de 87 450 euros au titre de rappels de traitements et de congés payés non pris.
Article 2 : Les conclusions de Mme A...-D... tendant au versement d'une somme de 87 450 euros au titre de rappels de traitements et de congés payés non pris et le surplus de la requête d'appel de l'intéressée sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de la chambre de métiers et de l'artisanat des Ardennes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A...-D... et à la chambre de métiers de l'artisanat des Ardennes.
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N° 16NC01545