Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2015, M. B...A..., représenté par Me Miravete, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 octobre 2015 en tant qu'il porte sur l'arrêté pris à son encontre ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 23 juin 2015 le concernant ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me Miravete.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant la Géorgie comme pays de destination de son éloignement méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire complémentaire, enregistré le 21 janvier 2016, M. A...demande à la cour de prononcer un non-lieu à statuer sur ses conclusions à fin d'annulation et maintient ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.
Il soutient que le préfet de la Marne lui a délivré une autorisation provisoire de séjour le 23 décembre 2015.
Une mise en demeure a été adressée le 12 avril 2016 au préfet de la Marne.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Dhiver a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.A..., ressortissant géorgien né le 5 mai 1952, relève appel du jugement du 20 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Marne du 23 juin 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Marne a délivré à M. A... le 23 décembre 2015, au cours de l'instance devant la cour, une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 22 juin 2016 ; que cette autorisation, devenue définitive, a eu pour effet d'abroger la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé était susceptible d'être reconduit d'office ; que ces décisions n'ont pas reçu exécution ; que, par suite, les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de ces décisions sont devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;
3. Considérant, en revanche, que la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour à M. A... le 23 décembre 2015 n'a eu ni pour objet ni pour effet de retirer la décision par laquelle le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que le litige, en tant qu'il porte sur cette décision, n'est pas privé d'objet ;
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est venu avec son épouse en France, où réside leur fils, qui a la nationalité française, et sa famille ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. A...souffre de troubles psychiatriques post-traumatiques et d'un syndrome dépressif majeur avec éléments psychotiques qui a nécessité une hospitalisation et un suivi spécialisé ; qu'elle a d'ailleurs été munie d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", qui lui a été délivré le 28 septembre 2015 ; que le médecin psychiatre de la clinique médico-psychologique Henri Ey (Reims) qui suit Mme A...atteste que l'état de santé psychique de sa patiente nécessite la présence à ses côtés de son époux ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté du préfet de la Marne a porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Marne du 23 juin 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Miravete, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Miravete de la somme de 1 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A...en tant qu'elles portent sur les décisions du préfet de la Marne du 23 juin 2015 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Article 2 : Le jugement n° 1501429 et 1501430 du 20 octobre 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé en tant qu'il rejette la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Marne du 23 juin 2015 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Article 3 : La décision du préfet de la Marne du 23 juin 2015 refusant à M. A...la délivrance d'un titre de séjour est annulée.
Article 4 : L'Etat versera à Me Miravete, avocat de M.A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Miravete renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 15NC02372