Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 août 2018, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 31 juillet 2018 et de rejeter la demande présentée par M.C....
Il soutient que :
- il n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif ne sont pas fondés, ainsi qu'il l'a indiqué dans le mémoire qu'il a produit en première instance.
Par des mémoires, enregistrés les 21 et 22 mars 2019, M. D...C..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le préfet n'est fondé.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Haudier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant russe né en 1982, est entré irrégulièrement en France au mois de mai 2012 avec son épouse afin d'y solliciter l'asile. Il s'est vu notifier un premier arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire le 17 février 2014 à la suite du rejet de sa demande d'asile. M. C...a fait l'objet, tout comme son épouse, d'un second arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire le 13 mai 2016. Le 3 février 2018, M. C...a, à nouveau, sollicité la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 29 mai 2018, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français. Le préfet du Haut-Rhin relève appel du jugement du 31 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.
Sur le moyen retenu par le tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. En l'espèce, s'il est constant que M. C...est entré en France en 2012, il a fait l'objet d'obligations de quitter le territoire français en 2014 et 2016 auxquelles il n'a pas déféré. Son épouse n'était, à la date de la décision litigieuse, enceinte de leur second enfant que de quelques semaines, le début de la grossesse ayant été fixé, ainsi que l'indique le certificat médical produit, au 3 mai 2018. En outre, s'il est vrai que son épouse, également en situation irrégulière, est de nationalité arménienne, l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à établir que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstruire en Russie ou en Arménie où le couple s'est marié en 2011. Enfin, M. C...n'établit pas être isolé en Russie où résident notamment ses parents. Dans ces conditions et alors même que la fille de M. C...est née en France et est scolarisée en maternelle, que son frère réside régulièrement en France et qu'il justifie d'un contrat de travail en qualité de mécanicien automobile conclu à compter du 1er mars 2018, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant refus de séjour aurait porté au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet n'a, ainsi, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'arrêté du 29 mai 2018 au motif que sa décision de refus de séjour avait méconnu ces stipulations et ces dispositions.
4. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Sur les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif :
En ce qui concerne les moyens soulevés à l'encontre de la décision de refus de séjour :
5. En premier lieu, par un arrêté du 20 septembre 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 21 septembre 2016, le préfet du Haut-Rhin a donné délégation à M. Christophe Marx, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions prises en matière de séjour et d'éloignement des étrangers. M.A..., signataire de l'arrêté contesté, était ainsi compétent pour refuser de délivrer un titre de séjour à M.C....
6. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C...avant d'édicter la décision litigieuse.
7. En troisième lieu, compte tenu notamment des circonstances mentionnées au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer à M. C...un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. La décision contestée n'implique pas, par elle-même, de séparer M. C...de sa fille née en France en 2013. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 4, l'intéressé n'apporte aucun élément de nature à établir que la cellule ne pourra pas se reconstituer notamment en Russie ou en Arménie. Dans ces conditions, la décision attaquée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
En ce qui concerne les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. C...à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
11. En second lieu, M. C...indique soulever à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, les mêmes moyens que ceux invoqués pour contester la légalité de la décision portant refus de séjour. Ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points précédents.
En ce qui concerne les moyens soulevés à l'encontre de la décision refusant un délai de départ volontaire à M.C... :
12. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".
13. M. C...ne conteste pas s'être soustrait aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Il se trouvait ainsi dans la situation où, en application des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Haut-Rhin pouvait légalement décider de lui refuser un délai de départ volontaire. S'il se prévaut de sa situation de famille et notamment de ce que sa fille de quatre ans est scolarisée, cette seule circonstance ne peut être regardée comme une circonstance particulière au sens des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile justifiant que le préfet lui accorde un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne les moyens soulevés à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi :
14. Si le requérant indique que la décision litigieuse devra être annulée " pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment, et plus particulièrement tirées des conséquences d'un renvoi (...) dans son pays d'origine compte tenu de sa situation familiale ", ces moyens ne peuvent qu'être écartés, compte tenu des circonstances mentionnées aux points précédents et dès lors, notamment qu'il n'apporte aucun élément de nature à établir que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstruire en dehors de territoire français et notamment en Russie ou en Arménie.
En ce qui concerne les moyens soulevés à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
15. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour.(...) /La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
16. En premier lieu, l'arrêté litigieux cite ces dispositions. Il est, par ailleurs, dépourvu d'ambigüité quant à la volonté du préfet de prendre à l'encontre de M. C...une interdiction de retour sur le territoire français. La circonstance que l'arrêté en cause prononce uniquement " une interdiction de retour de deux ans " sans préciser qu'il s'agit d'une interdiction de retour sur le territoire français est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse.
17. En second lieu, compte tenu notamment des circonstances énoncées aux points précédents, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin ne pouvait pas légalement assortir l'obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de M. C...d'une interdiction de retour sur le territoire français.
18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 29 mai 2018.
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg n° 1803380 du 31 juillet 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 18NC02368