Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 19 mars 2019, M. B...C..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Moselle du 22 décembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- il n'est pas établi que le médecin instructeur qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rendu son avis n'a pas siégé au sein du collège qui a rendu l'avis litigieux ;
- il n'est pas établi que l'avis du collège de l'OFII ait été pris à l'issue d'une délibération collégiale ;
- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'absence de prise en charge médicale et de traitement appropriés pourraient avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; il ne peut pas bénéficier d'un tel traitement en République démocratique du Congo (RDC) ;
- les troubles dont il souffre trouvent leur origine dans des évènements survenus en RDC ; il justifie ainsi de motifs humanitaires justifiant qu'un titre de séjour lui soit délivré.
Par des mémoires, enregistrés les 19 et 22 mars 2019, le préfet conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Haudier,
- et les observations de Me A...pour M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant congolais (RDC) né en 1982, a déclaré être entré irrégulièrement en France au mois d'avril 2013, afin d'y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 24 janvier 2014 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 17 juin 2014. Il a présenté à plusieurs reprises des demandes de titre de séjour en se prévalant de son état de santé, lesquelles ont toutes été rejetées. M. C... a sollicité, le 22 mars 2017 et pour la cinquième fois, un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 décembre 2017, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'expiration de ce délai. M. C...relève appel du jugement du 13 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Enfin, aux termes de l'article R. 313-23 dudit code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la régularité de la procédure implique, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du collège de médecins et soient établis de manière telle que, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour, le préfet puisse vérifier que l'avis au regard duquel il se prononce a bien été rendu par un collège de médecins tel que prévu par l'article L. 311-11. L'avis doit, en conséquence, permettre l'identification des médecins dont il émane. L'identification des auteurs de cet avis constitue ainsi une garantie dont la méconnaissance est susceptible d'entacher l'ensemble de la procédure. Il en résulte également que, préalablement à l'avis rendu par ce collège de médecins, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), doit lui être transmis et que le médecin ayant établi ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège des médecins de l'OFII et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.
4. Par un avis du 24 novembre 2017, le collège des médecins de l'OFII a indiqué que si l'état de santé de M. C...nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
5. En premier lieu, le préfet produit un message électronique émanant de la direction territoriale de l'OFII de Moselle, lui indiquant, à sa demande, le nom du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis, et dont il ressort que ce médecin n'est pas l'un des médecins qui a rendu l'avis du 24 novembre 2017. Cet élément suffit à démontrer que le médecin qui a établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de l'OFII, dès lors notamment, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le secret médical s'opposait à ce que le préfet produise le rapport que l'intéressé avait rédigé. Le requérant n'est ainsi pas fondé à soutenir que la décision litigieuse aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 prévoit que " le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle ".
7. Si le requérant soutient qu'il n'est pas établi que l'avis émis le 24 novembre 2017 aurait été pris à l'issue d'une délibération collégiale, il n'apporte aucun élément de nature à corroborer ses allégations et à contredire les mentions figurant sur ledit avis, alors au demeurant que l'avis a été signé par les trois médecins qui composent le collège des médecins.
8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par l'avis du collège de l'OFII et se serait estimé tenu de rejeter la demande de titre de séjour présentée par M.C....
9. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le collège des médecins de l'OFII a considéré que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner pour M. C... des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour contester cette appréciation l'intéressé se borne à produire deux certificats médicaux établis le 15 janvier 2018 et le 19 juillet 2018 par un médecin généraliste et son remplaçant et rédigés en des termes identiques. Compte tenu des termes de ces certificats médicaux, ces seuls éléments ne permettent pas d'établir que c'est à tort que le préfet a considéré que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, et sans que M. C... puisse utilement faire valoir qu'il ne peut pas bénéficier d'un traitement et d'une prise en charge appropriés dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
10. En dernier lieu et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'aucune circonstance humanitaire ne justifiait la régularisation de la situation de M. C...à titre exceptionnel.
11. Il résulte de tout ce qui précède, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Moselle.
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N° 18NC02729