Par une requête, enregistrée le 25 mars 2019, M. F... B... C..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 18 décembre 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 25 mai 2018 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- il contribue à l'entretien et à l'éducation de son fils, alors même qu'il est séparé de la mère de l'enfant ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreurs de droit et d'appréciation en application du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ses activités au sein de la communauté d'Emmaüs démontrent une intégration particulière, désormais reconnue par l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article 3§1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3§1 de la convention internationale des droits de l'enfant et le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... C... n'est fondé.
M. B... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant mauritanien né le 31 décembre 1979, est entré en France le 5 août 2011 avec un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 20 août 2012. Cette décision a été confirmée par un arrêt du 16 mai 2013 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Les demandes de réexamen de la demande d'asile de M. B... C... ont été rejetées, en dernier lieu le 10 août 2016. Trois arrêtés portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été édictés à l'encontre du requérant, les 28 juin 2013, 7 avril 2014 et 22 septembre 2016. Les demandes de M. B... C... tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de ces arrêtés, ont été rejetées. M. B... C..., père de Naël D..., enfant français né le 21 décembre 2016, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français en application du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 25 mai 2018, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 18 décembre 2018, dont M. B... C... relève appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 25 mai 2018.
2. En premier lieu, aux termes du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Selon l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... C... est père d'un enfant français, Naël D..., né le 21 décembre 2016. Il est séparé de la mère de l'enfant. S'il produit des factures d'achats de vêtements, jouets, produits de puériculture pour les années 2017 et 2018, aucune facture n'est toutefois produite avant le mois de février 2017 ainsi que pour les mois de février et mars 2018. Les factures postérieures à l'arrêté attaqué, à laquelle sa légalité doit être appréciée, ne peuvent être prises en compte. Alors que la contribution de chacun des parents à l'entretien de l'enfant doit être appréciée à proportion de ses ressources, M. B... C... n'établit cependant pas que ses revenus ont varié depuis la naissance de Naël D..., ce qui expliquerait l'absence de toute contribution à son entretien pendant quelques mois ainsi que le caractère irrégulier de sa contribution à l'entretien de son fils. En outre, les deux attestations de Mme D..., mère de l'enfant, des 15 juillet et 17 octobre 2018 produites par M. B... C..., eu égard à leur caractère non circonstancié sur la fréquence de ses visites, ne permettent pas d'établir qu'il contribue effectivement à l'éducation de son fils. Ni ces attestations, ni celles de voisins ne fournissent d'indications quant à la présence du requérant auprès de son fils. Si M. B... C... allègue prendre de ses nouvelles par Sms ou messagerie, il ne produit pas le moindre justificatif en ce sens. L'attestation du Dr. Krieger du 11 juin 2018, selon laquelle il accompagne son fils lors des consultations chez le pédiatre, ne suffit pas à établir qu'il contribue effectivement à l'éducation de son fils, qui ne saurait se limiter à de telles consultations, dont la fréquence n'est d'ailleurs pas précisée. L'attestation du même pédiatre du 15 octobre 2018, d'ailleurs imprécise, postérieure à l'arrêté attaqué, ne peut être prise en compte. Selon le procès-verbal d'audition de Mme D... du 17 avril 2018, produit en défense par le préfet dans le cadre de la présente instance, le requérant ne rend visite à son fils qu'irrégulièrement, quatre fois environ par mois, rarement avant 19H00 et n'a pas fait de sortie avec lui depuis le mois de juillet 2017. Il ne profite pas de ses jours de congés pour aller voir son fils. Mme D... précise qu'il s'investit peu dans l'éducation de son enfant et qu'elle subvient seule à ses besoins, M. B... C... se bornant à faire quelques achats. Par suite, c'est sans entacher son arrêté d'erreurs de droit et d'appréciation, que le préfet du Doubs a estimé que M. B... C... ne pouvait se voir délivrer un titre de séjour en application du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... C... a vécu en Mauritanie jusqu'à l'âge de 32 ans. Il n'allègue pas y être dépourvu de toute attache familiale. S'il est entré en France en 2011, il s'y est maintenu en situation irrégulière et n'a pas déféré aux trois arrêtés portant obligation de quitter le territoire français qui lui ont été notifiés depuis 2013. Ainsi qu'il est dit au point 3, il ne justifie pas s'occuper régulièrement de son enfant. Ses activités au sein de la communauté d'Emmaüs en qualité de compagnon depuis le mois de juillet 2015, puis d'administrateur depuis le 27 mai 2016, ne suffisent pas à établir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé porte atteinte au droit de M. B... C... à une vie privée et familiale normale. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Ainsi qu'il est dit au point 3 du présent arrêt, M. B... C... n'établit pas s'occuper régulièrement de son enfant. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en ce qu'il privera l'enfant de la présence de son père.
8. En quatrième lieu, M. B... C... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, introduites dans ce code postérieurement à la date de l'arrêté attaqué.
9. En dernier lieu, aux termes du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
10. D'une part, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent doit être écarté par les mêmes motif que ceux énoncés au point 3 du présent arrêt. D'autre part, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales et de l'article 3§1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au points 5 et 7 du présent arrêt.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de l'arrêté du 25 mai 2018 du préfet du Doubs. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles qu'il présente sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.
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N° 19NC00869