Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2020, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2019 par lequel le préfet de la Moselle lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit de retourner en France durant un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa vie personnelle ;
- il souffre d'importants problèmes de santé et ne sera pas en mesure de bénéficier de soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine, ce qui fait obstacle à son éloignement en application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle en l'absence d'examen d'une circonstance humanitaire exceptionnelle faisant obstacle à l'édiction d'une telle mesure ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation dans son principe et sa durée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures devant le tribunal administratif de Strasbourg.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Grenier, présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant géorgien né le 17 septembre 1976, est entré sur le territoire français le 9 juillet 2019. Sa demande d'admission au titre de l'asile, examinée en procédure accélérée, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 octobre 2019, qui lui a été notifiée le 23 octobre suivant. Par un arrêté du 20 novembre 2019, le préfet de la Moselle lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit de retourner en France durant un an. Par un jugement du 28 janvier 2020, dont M. B... relève appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2019.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français litigieuse, qui vise le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel elle se fonde, énonce que, s'agissant d'une demande d'asile formée par un ressortissant d'un pays d'origine sûr, le recours de M. B... tendant à l'annulation de cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ne présente pas de caractère suspensif et qu'ainsi, son attestation de demande d'asile étant retirée, l'intéressé ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, par suite, être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a déposé une demande de titre de séjour pour motifs de santé, le 17 octobre 2019. Cependant, avant même l'édiction de la décision portant obligation de quitter le territoire français litigieuse, le préfet de la Moselle a informé M. B..., par lettre du 29 octobre 2019, que sa demande de titre de séjour ne serait pas enregistrée en l'absence de dépôt d'un dossier de demande de titre de séjour régulier et complet comprenant notamment le certificat médical destiné à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en relevant dans la décision contestée qu'il n'avait pas déposé de demande de titre de séjour sur un autre fondement que celui de l'asile, le préfet de la Moselle n'a pas suffisamment examiné sa situation personnelle.
4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision du 20 novembre 2019, M. B... résidait en France depuis un peu plus d'un an seulement et ne peut être regardé comme s'y étant établi. Il ne fait état d'aucun lien privé ou familial en France. Sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA. S'il fait valoir qu'il a des problèmes de santé et, en particulier des difficultés pour parler en raison d'une opération des cordes vocales, il n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa vie personnelle.
5. En dernier lieu, aux termes du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
6. Si M. B... soutient qu'il souffre d'importants problèmes de santé et qu'il ne sera pas en mesure de bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, il ne l'établit pas par les pièces versées au dossier. Par suite, en estimant qu'il ne justifiait pas être en mesure de bénéficier des dispositions protectrices de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Moselle n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par M. B... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.
Sur l'interdiction de retour :
8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
9. En premier lieu, la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
10. Il ressort des termes mêmes de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'un an, prise sur le fondement du quatrième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de la Moselle a examiné les quatre critères mentionnés par ces dispositions, en relevant que M. B... était entré en France le 9 juillet 2019 et n'y justifiait d'aucun lien stable et intense et que, s'il ne présentait pas de menace pour l'ordre public et n'avait fait l'objet d'aucune précédente mesure d'éloignement, il y avait cependant lieu de prononcer une interdiction de retour en France d'une durée d'un an à son encontre. La décision litigieuse, qui mentionne les dispositions juridiques sur lesquelles elle se fonde et fait état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a été prise, dans son principe et dans sa durée, est, par suite, suffisamment motivée.
11. En deuxième lieu, M. B... n'invoque aucune circonstance humanitaire exceptionnelle de nature à faire obstacle à ce qu'une interdiction de retour d'un an soit prononcée à son encontre. Ainsi qu'il a été dit, le caractère particulièrement grave des problèmes de santé dont il souffre n'est pas établi et ne saurait, par suite, être regardé comme une circonstance humanitaire exceptionnelle faisant obstacle à l'édiction d'une interdiction de retour en France.
12. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, qu'au regard de sa présence très récente et de l'absence de tout lien particulièrement stable ou intense en France et alors même qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne présente aucune menace pour l'ordre public, l'interdiction de retour d'un an prononcée à l'encontre de M. B... serait entachée d'erreur d'appréciation dans son principe ou sa durée.
13. Les conclusions présentées par M. B... tendant à l'annulation de la décision portant interdiction de retour en France doivent, par suite, être rejetées.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 novembre 2019 par lequel le préfet de la Moselle lui a retiré son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit de retourner en France durant un an. Les conclusions qu'il présente aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la Moselle.
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N° 20NC01447