Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mars 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 octobre 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 mai 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrer un titre de séjour est entachée d'erreur de fait quant à son âge ;
- elle méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les actes d'état-civil qu'il produit sont suffisamment probants ;
- aucune levée d'acte n'a été effectuée auprès des autorités guinéennes ;
- la consultation du système Visabio n'est pas de nature à remettre en cause la force probante des actes d'état civil qu'il produit ;
- il a été relaxé des poursuites judiciaires pour détention frauduleuse et usage de faux documents ;
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La procédure a été communiquée au préfet du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2015-1740 du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger ;
- l'arrêté du 26 septembre 2017 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel relatif aux étrangers sollicitant la délivrance d'un visa, dénommé France-Visas ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Grenier, présidente assesseur,
- et les observations de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, qui déclare être né le 10 octobre 2000, est arrivé en France, le 13 décembre 2016. Par une ordonnance du 27 décembre 2016, il a fait l'objet d'un placement provisoire auprès du service de protection de l'enfance du département du Bas-Rhin. Par une ordonnance du 17 août 2017, le juge des tutelles du tribunal de grande instance de Strasbourg l'a confié à la tutelle du conseil départemental du département du Bas-Rhin. Par un arrêté du 3 mai 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé. Par un jugement du 16 octobre 2019, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2019.
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de "salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance (ASE) entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. ". En vertu de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. / Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications. ".
5. Les dispositions citées au point précédent posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère. Cependant, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact et notamment par les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé Visabio, qui sont présumées exactes. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
6. Il ressort des pièces du dossier, qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a produit un jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n° 30380 du 6 décembre 2016 du tribunal de première instance de Conakry énonçant qu'il était né le 10 octobre 2000 ainsi qu'un extrait n° 12398 du registre des actes de l'état civil de la commune Dixinn du 8 décembre 2016 portant transcription de ce jugement en marge du registre de l'état-civil pour l'année 2000. Toutefois, il ressort des motifs de la décision contestée que, pour écarter ces actes, le préfet s'est notamment fondé sur les données contenues dans le fichier Visabio, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, lesquelles ont révélé que le requérant avait déposé une demande de visa court séjour, le 22 novembre 2013 au consulat de France à Conakry au nom de M. B... D... A..., né le 14 octobre 1991. Si M. A... fait valoir que, pour sa demande de visa, il a utilisé l'identité d'un cousin majeur homonyme, désormais décédé, la seule production du permis de conduire de ce cousin homonyme né en 1991 ne permet pas de remettre en cause les données contenues dans le système Visabio. Par suite, le préfet, au regard de ces seuls éléments, a pu estimer que le jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n° 30380 du 6 décembre 2016 du tribunal de première instance de Conakry énonçant qu'il était né le 10 octobre 2000 et l'extrait n° 12398 du registre des actes de l'état civil ne permettaient pas d'établir la minorité du requérant.
7. Par ailleurs, la carte d'identité consulaire établie par l'ambassade de Guinée en France, sur la base d'actes d'état civil dont il vient d'être dit qu'ils n'ont pas une valeur probante suffisante quant à l'identité du requérant, n'est pas de nature à établir que le préfet du Bas-Rhin a estimé, à tort, que M. A... n'avait pas été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize et dix-huit ans.
8. Par suite, en estimant qu'un doute subsistait quant à l'identité de M. A... et qu'il ne pouvait être regardé comme ayant été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, le préfet du Bas-Rhin n'a pas entaché sa décision d'erreur de fait.
9. En deuxième lieu, le seul motif relatif à l'âge du requérant suffisait à fonder le refus de titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Par suite, M. A... ne peut utilement soutenir qu'il remplissait les autres conditions pour l'obtenir.
10. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a obtenu un baccalauréat professionnel avec mention " assez bien " en 2018 et qu'il était inscrit en première année de BTS " services et prestations du secteur sanitaire et social " au titre de l'année 2019-2020. Il est également très investi en qualité de bénévole au sein de la Croix-Rouge. La structure d'accueil relève ses efforts d'intégration et sa motivation sans faille ainsi que la réussite de son parcours scolaire. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la présence de M. A... en France était récente à la date de l'arrêté litigieux et qu'il n'établit pas être dépourvu de tout attache familiale ou privée en Guinée, où vivent notamment sa mère ainsi que ses frères et soeurs. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa vie personnelle ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2019 du préfet du Bas-Rhin. Ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, en conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mamadou D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet du Bas-Rhin.
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N° 20NC00764