I - Par une requête, enregistrée sous le n° 20NC01080, le 12 mai 2020, Mme F..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 octobre 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être renvoyée ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 juin 2018 est irrégulier ;
- le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant renouvellement de son titre de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité par voie d'exception ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité par voie d'exception.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2021, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme F... ne sont pas fondés.
II - Par une requête, enregistrée sous le n° 20NC01081, le 12 mai 2020, M. F..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 octobre 2019 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 juin 2018 est irrégulier ;
- le refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant renouvellement de son titre de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité par voie d'exception ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité par voie d'exception.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2021, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.
M. et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 11 mars 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D..., présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme F..., ressortissants géorgiens nés respectivement le 1er septembre 1976 et le 16 septembre 1978, ont déclaré être entrés en France, le 1er novembre 2013. Leur demande d'asile a été rejetée par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le 30 juillet 2014. La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé les décisions de l'OFPRA par des décisions du 25 juin 2015. Un titre de séjour pour motifs de santé a été délivré à M. F..., le 27 avril 2016, renouvelé jusqu'au 5 janvier 2018. Par des arrêtés du 20 juin 2019, le préfet du Bas-Rhin a refusé de renouveler les titres de séjour de M. et Mme F..., les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être renvoyés. Par un jugement du 24 octobre 2019, dont M. et Mme F... relèvent appel par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 20 juin 2019.
Sur les décisions portant refus de renouvellement des titres de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée (...) ". Selon l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". L'article R. 313-23 du même code énonce que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".
3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le rapport médical sur l'état de santé de M. F... a été rédigé par le Dr. Tran, le 2 avril 2018. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui a émis un avis sur l'état de santé de M. F..., le 30 juin 2018, était composé des Dr. Gadenne, Quilliot et Mbomeyo. Par suite, le médecin instructeur n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui s'est prononcé sur l'état de santé de M. F.... Le moyen tiré du caractère irrégulier de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit, en conséquence, être écarté.
4. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
5. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, par son avis du 30 juin 2018, que l'état de santé de M. F... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour lui tout en précisant qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé. En se bornant à produire un certificat médical du 11 juillet 2019 selon lequel il est atteint d'une hépatite C et de maladies cardio-vasculaires multiples et chroniques qui nécessitent un suivi médical, M. F... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel il est à même de bénéficier effectivement de soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine.
6. Enfin, Mme F..., qui n'était pas titulaire d'un titre de séjour pour motifs de santé, ne saurait utilement invoquer les moyens tirés de la méconnaissance du caractère irrégulier de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En deuxième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Selon l'article de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (... )".
9. Il ressort des pièces des dossiers que M. et Mme F..., s'ils sont entrés en France en novembre 2013, près de six ans avant l'édiction des arrêtés litigieux, ne justifient d'aucune insertion particulière, alors même qu'ils ont suivi des cours d'apprentissage du français avec sérieux. L'insertion professionnelle de Mme F..., qui a été employée en qualité d'agent de service sous contrat à durée indéterminée à temps partiel du 1er janvier 2019 à la fin du mois de mai 2019, après avoir été employée dans le cadre de contrats à durée déterminée depuis le 13 septembre 2018, était récente et fragile à la date de l'arrêté litigieux. Etant donné son jeune âge, leur fils né le 2 mars 2015 en France, est en mesure de les accompagner en cas de retour en Géorgie et d'y être scolarisé. Il ressort également des pièces des dossiers que les requérants ne sont pas dépourvus d'attaches familiales en Géorgie, où résident notamment les enfants, désormais majeurs, qu'ils ont chacun eu d'une première union. Par suite, les refus de renouvellement du titre de séjour de M. et Mme F... ne portent pas une atteinte disproportionnée à leur droit à une vie privée et familiale normale, garanti notamment par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ils ne méconnaissent pas davantage le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. et Mme F... tendant à l'annulation des décisions portant refus de renouvellement de leur titre de séjour doivent être rejetées.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, en l'absence d'illégalité des décisions de refus de renouvellement des titres de séjour de M. et Mme F... ainsi qu'il est dit au point précédent, le moyen tiré de leur illégalité, soulevé par voie d'exception, doit être écarté.
12. En second lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des mesures d'éloignement sur la situation personnelle des requérants doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt.
13. Par suite, les conclusions de M. et Mme F... tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
14. Les décisions du préfet du Bas-Rhin portant refus de renouvellement des titres de séjour de M. et Mme F... et obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachées d'illégalité, le moyen tiré de leur illégalité, soulevé par voie d'exception, doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 20 juin 2019 du préfet du Bas-Rhin. Leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'ils présentent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, en conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme F... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., à M. B... F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de la région Grand Est, préfet du Bas-Rhin.
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N°s 20NC01080, 20NC01081