Procédures devant la cour :
I - Par une requête, enregistrée sous le n° 20NC00892 le 8 avril 2020, le préfet du Doubs demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 13 mars 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Besançon.
Il soutient que :
- sa requête à fin de sursis à exécution est recevable ;
- il fait état de moyens sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet des conclusions présentées en première instance ;
- en écartant le risque de fuite de Mme A... au sens du règlement Dublin III, alors que Mme A... a manqué à plusieurs reprises à son obligation de pointage, le tribunal a commis une erreur d'appréciation et dénaturé les pièces du dossier ;
- en l'absence d'expiration du délai de transfert porté à 18 mois, l'arrêté portant assignation à résidence de Mme A... n'est pas entaché d'un défaut de base légale.
La procédure a été communiquée à Mme A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par un mémoire, enregistré le 23 décembre 2020, le préfet du Doubs a expressément confirmé le maintien de ses conclusions en application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative.
II - Par une requête, enregistrée sous le n° 20NC00893 le 8 avril 2020, le préfet du Doubs demande à la cour d'annuler le jugement du 13 mars 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Besançon et de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Besançon.
Il soutient que :
- en écartant le risque de fuite de Mme A... au sens du règlement Dublin III, alors que Mme A... a manqué à huit reprises à son obligation de pointage, le tribunal a commis une erreur d'appréciation et dénaturé les pièces du dossier ;
- le caractère répétitif et intentionnel des manquements de Mme A... à son obligation de pointage établit son intention de se soustraire à l'exécution de la mesure de transfert ;
- il n'a pu organiser matériellement le transfert de Mme A... en Espagne, dès lors qu'elle n'a pas respecté son obligation de pointage ;
- l'accouchement de Mme A... le 15 décembre 2019 est sans incidence sur la déclaration de fuite intervenue antérieurement ;
- les conditions d'assignation à résidence sont satisfaites ;
- en l'absence d'expiration du délai de transfert porté à 18 mois, l'arrêté portant assignation à résidence de Mme A... n'est pas entaché d'un défaut de base légale.
La procédure a été communiquée à Mme A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par un mémoire, enregistré le 23 décembre 2020, le préfet du Doubs a expressément confirmé le maintien de ses conclusions en application de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C..., présidente assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 15 juillet 2019, le préfet du Doubs a décidé le transfert de Mme A..., ressortissante ivoirienne née le 28 décembre 1990, aux autorités espagnoles en vue de l'examen de sa demande d'asile. Par un arrêté du même jour, le préfet du Doubs a assigné Mme A... à résidence pour une durée de 45 jours. Par un arrêté du 26 août 2019, le préfet du Doubs a renouvelé l'assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours à compter du 7 septembre 2019. Cette mesure a été renouvelée, en dernier lieu, par un arrêté du 2 mars 2020. Par un jugement du 13 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a fait droit à la demande de Mme A... et a annulé l'arrêté du 2 mars 2020 du préfet du Doubs. Le préfet du Doubs, par deux requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre, relève appel de ce jugement et demande qu'il soit sursis à son exécution en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". Selon l'article 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) / n) " risque de fuite ", dans un cas individuel, l'existence de raisons, fondées sur des critères objectifs définis par la loi, de craindre la fuite d'un demandeur, un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui fait l'objet d'une procédure de transfert ".
3. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) / 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ". Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé (...) ".
4. Il résulte des dispositions mentionnées au point 2 que la notion de fuite doit s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant.
5. Il est constant qu'astreinte à une obligation de se présenter quotidiennement, du lundi au vendredi, au commissariat de Montbéliard, Mme A... n'a pas respecté cette obligation à six reprises au mois d'août 2019, soit les 1er, 2, 5, 6, 7 et 27. Elle a également manqué à son obligation de présentation, les 25 septembre et 23 octobre 2019. Au regard de ces manquements, le préfet du Doubs a d'une part, informé les autorités espagnoles, le 25 octobre 2019, que Mme A... était en fuite au sens des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et d'autre part, porté le délai de transfert à dix-huit mois jusqu'au 20 décembre 2020.
6. Toutefois il ressort des pièces du dossier qu'en août 2019, Mme A... était enceinte et a d'ailleurs donné naissance à une petite fille, le 15 décembre 2019. Un certificat médical du 31 juillet 2019 atteste que son état de santé ne lui permettait pas de satisfaire à ses obligations quotidiennes de pointage, ce qui explique le non-respect de ses obligations de pointage en août 2019. A la suite d'une consultation médicale, le 27 août 2019, ses obligations de pointage ont d'ailleurs été allégées à compter du 28 août 2019 avec une obligation de présentation cette fois-ci hebdomadaire, le mercredi seulement. A cet égard, et alors qu'au regard des nouvelles obligations de pointage tenant compte de la grossesse de la requérante, cette dernière n'a omis de se rendre au commissariat qu'à deux reprises à la date à laquelle le préfet a informé les autorités espagnoles de la prolongation du délai de transfert portée à 18 mois en invoquant la fuite, il ne ressort pas des pièces du dossier que les manquements de Mme A... à ses obligations de pointage présentaient un caractère intentionnel et systématique révélant sa volonté de faire obstacle à son transfert en Espagne. Le préfet n'est pas davantage fondé à faire valoir qu'il n'a pas été en mesure d'organiser le transfert de Mme A... en Espagne en raison des manquements de cette dernière à ses obligations de pointage, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait vainement tenté d'organiser un tel transfert, auquel l'état de santé de Mme A... faisait au demeurant obstacle.
7. Il suit de là que Mme A... ne pouvait pas être regardée comme étant en fuite au sens de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Le délai de transfert de Mme A... ne pouvait, en conséquence, être porté à dix-huit mois. L'assignation contestée est, en conséquence, privée de base légale.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Doubs n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du 2 mars 2020 prolongeant de quarante-cinq jours l'assignation à résidence de Mme A.... Sa requête doit, par suite, être rejetée.
Sur les conclusions à fins de sursis à exécution du jugement attaqué :
9. Le présent arrêt statue sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 13 mars 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Besançon. Il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête, enregistrée sous le n°20NC00892, du préfet du Doubs tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20NC00892 du préfet du Doubs à fins de sursis à exécution du jugement du 13 mars 2020.
Article 2 : La requête du préfet du Doubs, enregistrée sous le n°20NC00893, est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet du Doubs, à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
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Nos 20NC00892, 20NC00893