Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 novembre 2018, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 12 juin 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 18 janvier 2018 du préfet du Doubs ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont écarté à tort le moyen tiré de ce que la décision litigieuse est entachée d'un vice de procédure faute d'avoir saisi au préalable le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;
- le tribunal aurait dû accueillir le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a pas été tenu compte de son état de santé et de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... B..., née le 30 décembre 1977, ressortissante du Kosovo, est entrée irrégulièrement en France le 15 juillet 2013 pour y déposer une demande d'asile. En application du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, elle a été remise aux autorités autrichiennes. Elle est revenue en France le 25 août 2014 et a sollicité le statut de réfugié, mais sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 16 décembre 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le 20 septembre 2016. Elle a ensuite déposé, le 1er décembre 2016, une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette demande a été rejetée par un arrêté du préfet du Doubs du 3 août 2017. Cet arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Besançon du 19 décembre 2017. Après réexamen de sa demande, le préfet du Doubs a, par arrêté du 18 janvier 2018, de nouveau refusé de lui délivrer un titre de séjour, avec obligation de quitter le territoire. Mme B... fait appel du jugement du 12 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-274 du 7 mars 2016 applicable, en vertu du VI de l'article 67 de cette loi, à la date à laquelle la demande de titre de séjour de Mme B... a été présentée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays ".
3. En premier lieu, à la suite de l'annulation contentieuse par le jugement du tribunal administratif de Besançon du 19 décembre 2017 de l'arrêté du préfet du Doubs du 3 août 2017 par lequel il a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour, présentée le 1er décembre 2016 par Mme B..., sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a procédé à une nouvelle instruction de la demande dont il demeurait saisi. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... a présenté au préfet des éléments nouveaux concernant sa situation médicale par rapport à ceux qui avaient été antérieurement communiqués et sur la base desquels le médecin de l'agence régionale de santé avait émis l'avis prescrit par les dispositions précitées. Ainsi, le préfet du Doubs n'était pas tenu de recueillir une nouvelle fois cet avis et pouvait prendre la décision litigieuse au vu de l'avis émis le 22 décembre 2016. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
4. En second lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
5. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Le médecin de l'agence régionale de santé a estimé le 22 décembre 2016 que l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine et que les soins devaient être poursuivis pendant une durée de six mois.
7. Selon les certificats médicaux versés au dossier, Mme B... souffre depuis plusieurs années d'un trouble grave de la personnalité nécessitant une prise en charge médico-psychiatrique et l'administration de plusieurs médicaments. Pour s'écarter de l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé et estimer qu'un traitement approprié existait effectivement au Kosovo, le préfet du Doubs, qui n'était pas lié par cet avis, s'est fondé sur la liste des médicaments prescrits à Mme B.... Il justifie ainsi de leur disponibilité ou de celle de leurs équivalents au Kosovo, en produisant notamment un courriel du conseiller santé auprès de la direction générale des étrangers du ministère de l'intérieur du 8 janvier 2018, la liste des médicaments disponibles au Kosovo, des éléments communiqués par le ministère kosovar de la santé sur l'offre de soins disponibles, ainsi que les fiches MEA... (" medical country of origin information ") issues d'une base de données mise en place par les administrations en charge de l'immigration et de l'asile en Europe regroupant des informations médicales sur différents pays. Enfin, si la requérante se prévaut de l'indisponibilité du traitement par Oxaxepam qui lui avait été prescrit pendant sa grossesse, il est constant qu'elle a accouché et que son traitement initial a repris. Dès lors, le préfet établit qu'un traitement effectif et adapté à la pathologie de Mme B... existe dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la légalité de la décision obligeant l'intéressée à quitter le territoire français :
8. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier et notamment des éléments relatifs aux capacités locales en matière de soins médicaux et de médicaments disponibles au Kosovo résultant notamment de la liste des médicaments disponibles dans ce pays, des rapports des 11 mars 2009, 22 août 2010 et 6 mai 2011, d'un télégramme diplomatique du 18 mars 2013, du rapport transmis par l'ambassade de France au Kosovo ainsi que des éléments communiqués par le ministère de la santé du Kosovo que le traitement des patients atteints de pathologies psychiatriques est pris en charge par les autorités de ce pays. La production par Mme B... d'un rapport de l'Organisation Suisse d'Aide aux Réfugiés (OSAR), rédigé dans des termes très généraux, ne saurait suffire à établir l'impossibilité d'accéder effectivement au traitement et à la prise en charge de sa pathologie au Kosovo. Dans ces conditions, eu égard à ce qui a été dit au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
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N° 18NC03052