Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2018, Mme A... F... épouse C... et M. G... C..., représentés par Me B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 3 juillet 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 22 janvier 2018 du préfet de la Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, à titre principal, de leur délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation administrative dans un délai déterminé, le cas échéant sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration omet de mentionner le nom du médecin qui a établi le rapport médical, de sorte que le préfet n'a pu vérifier la composition régulière de ce collège et a privé la requérante d'une garantie ;
- il n'est pas établi que le collège de médecins aurait rendu son avis à l'issue d'une délibération, conformément aux dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que Mme C... présente une pathologie nécessitant des soins dont le défaut pourrait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle ne peut bénéficier de façon effective de soins appropriés dans son pays d'origine ;
- l'intéressée justifie d'une circonstance humanitaire exceptionnelle dès lors que sa pathologie trouve son origine dans les évènements traumatisants subis dans son pays d'origine ;
- M. C... justifie d'un droit au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée pour les obliger à quitter le territoire français ;
- le préfet a méconnu le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions fixant le pays de renvoi sont insuffisamment motivées ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à leurs conséquences sur leur situation personnelle compte tenu du risque d'aggravation de l'état de santé de Mme C....
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2019, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Mme et M. C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 18 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme et M. C..., ressortissants serbes nés respectivement le 4 mai 1982 et le 7 février 1978, déclarent être entrés irrégulièrement en France le 27 septembre 2015, pour y solliciter le bénéfice du statut de réfugié. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 25 mai 2016, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) respectivement les 11 janvier 2017 et 2 novembre 2016. Les requérants ont saisi le préfet d'une demande tendant à la régularisation de leur séjour en se prévalant de l'état de santé de Mme C.... Par deux arrêtés du 22 janvier 2018, le préfet de la Moselle a refusé de les admettre au séjour et les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de leur pays d'origine. Mme et M. C... font appel du jugement du 3 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la légalité des décisions portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est, sous réserve d'une menace pour l'ordre public, délivrée de plein droit à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
3. L'article R. 313-22 du même code dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
4. Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ".
5. Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application des dispositions qui précèdent dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...). Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
6. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du même code ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.
7. En l'espèce, il ressort de l'attestation émise par le directeur territorial adjoint de transmission des services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de Metz, produite en appel par le préfet de la Moselle, que le rapport médical émis le 30 novembre 2017 sur l'état de santé de Mme C... a été établi par le docteur Da-Piedade, qui n'a pas siégé le 1er janvier 2018 au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis prévu à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure à l'issue de laquelle est intervenue la décision contestée doit être écarté.
8. Par ailleurs, si la requérante fait également valoir que le préfet n'établit pas que l'avis du collège de médecins a été rendu à l'issue soit d'une réunion, soit d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle en vertu des dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, la mention " après en avoir délibéré (...) ", qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, implique nécessairement que les membres du collège de médecins ont pu confronter leur point de vue avant de rendre leur avis, quand bien même les modalités de ce délibéré ne sont pas précisées. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.
9. Ensuite, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
10. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
11. Dans son avis du 1er janvier 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.
12. Les pièces versées à l'instance par Mme C... et notamment le certificat médical non daté émis par son médecin traitant ainsi que la synthèse de la littérature scientifique réalisée par le service de santé mentale Ulysse relative à la relation thérapeute-patient dans le cadre d'une psychothérapie et à la thérapie du syndrome post-traumatique, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du préfet de la Moselle fondée sur l'avis émis par le collège de médecins quant à l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de prise en charge médicale de l'intéressée. Dans ces conditions, elle ne saurait utilement se prévaloir de la circonstance que sa pathologie ne pourrait faire l'objet d'une prise en charge effective dans son pays d'origine. Par ailleurs, Mme C... ne justifie pas de la réalité d'un lien existant entre l'état d'anxiété dont elle souffre et les évènements traumatisants qu'elle aurait vécus dans son pays d'origine, évènements sur lesquels elle n'apporte au demeurant aucune précision. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en conséquence, être écarté.
13. En second lieu, aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droits d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
14. Ainsi qu'il vient d'être dit, le préfet a légalement pu refuser à Mme C... un titre de séjour en raison de son état de santé. Par conséquent, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à M. C... un titre de séjour, dès lors que son épouse n'a pas été admise au séjour.
Sur la légalité des décisions obligeant les intéressés à quitter le territoire français :
15. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle se serait estimé, à tort, en situation de compétence liée pour obliger les intéressés à quitter le territoire français.
16. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 12 que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité des décisions fixant le pays de renvoi :
17. En premier lieu, les décisions fixant le pays à destination duquel Mme et M. C... pourraient être reconduits d'office mentionnent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.
18. En second lieu, et comme il a été dit, Mme C... n'apporte aucun élément médical de nature à justifier que le stress post-traumatique dont elle souffre serait en lien avec des évènements vécus dans son pays d'origine. Il n'est donc pas établi que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant le renvoi de l'intéressée, ainsi que celui de son époux, dans ce même pays.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme et M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... épouse C..., à M. G... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 18NC03128