Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 mai 2016 et 4 janvier 2017, le GAEC des Ronchaux, représenté par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 22 mars 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2014 susmentionné ;
3°) d'enjoindre à la commune d'Etival de procéder à l'enlèvement des panneaux matérialisant l'interdiction de circulation des troupeaux sur la partie de la voie publique concernée par cette mesure d'interdiction ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Etival une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est entaché d'inexactitude matérielle des faits ;
- il est entaché d'une erreur de qualification juridique dès lors que les faits ne relèvent pas de la salubrité publique et de la propreté de la voierie justifiant l'exercice par le maire de ses pouvoirs de police ;
- l'arrêté en litige n'était pas nécessaire compte tenu des dispositions des articles R. 412-44 à R. 412-46 du code de la route ;
- il est disproportionné dès lors qu'une mesure moins restrictive pouvait être prescrite qui consiste à demander aux propriétaires des troupeaux d'enlever les déjections laissées par les troupeaux sur la voierie ;
- l'itinéraire de substitution prévu par l'arrêté en litige n'est pas approprié dès lors qu'il allonge le parcours des troupeaux pour se rendre au pâturage et est source d'accident ; cet itinéraire de substitution causera au GAEC une baisse de sa productivité laitière ;
- l'arrêté en litige est entaché d'un détournement de pouvoir.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 septembre 2016 et le 18 janvier 2017, la commune d'Etival, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du GAEC des Ronchaux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- et les observations de Me D...pour le GAEC des Ronchaux ainsi que celles de Me E... substituant Me C...pour la commune d'Etival.
1. Considérant que le GAEC des Ronchaux relève appel du jugement du 22 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2014 par lequel le maire de la commune d'Etival a interdit, du 1er mars au 30 novembre 2015, la circulation des troupeaux sur la voie communale n°28 depuis l'angle nord du 75 de la rue de l'Arragéa jusqu'à la voie communale n° 1, en direction de Meussia ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2213-1 du même code : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation. A l'extérieur des agglomérations, le maire exerce également la police de la circulation sur les voies du domaine public routier communal et du domaine public routier intercommunal, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation " ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le GAEC des Ronchaux exploite un élevage de soixante vaches laitières sur le territoire de la commune d'Etival ; que pour se rendre sur des parcelles de pâture au lieudit " Sous la ville ", les troupeaux du GAEC empruntent au moins deux fois par jour la rue l'Arragéa au bord de laquelle se situe notamment l'habitation de M.B... P. ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'existence de déjections liées au passage des troupeaux du GAEC des Ronchaux devant l'habitation de M. P. a conduit le maire de la commune d'Etival à solliciter l'intervention du médiateur de la République ainsi que du sous-préfet de Saint-Claude, lequel a organisé une réunion le 26 avril 2013 en présence notamment d'un exploitant du GAEC et de M. P. ; qu'il ne saurait être sérieusement contesté que le passage des troupeaux cause des nuisances pour les riverains de la voie publique liées plus particulièrement aux déjections de ces animaux lors de leur passage sur la rue l'Arragéa ; que, par suite, le maire de la commune d'Etival en édictant l'arrêté en litige pour préserver la salubrité publique et la propreté des voies publiques après le passage des troupeaux de bovins n'a pas entaché son arrêté d'inexactitude matérielle des faits et d'erreur dans la qualification juridique des faits ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que si le GAEC des Ronchaux soutient que l'arrêté en litige n'était pas nécessaire compte tenu des dispositions des articles R. 412-44 à R. 412-46 du code de la route, ces articles relatifs à la circulation des animaux isolés ou en groupe ne comportent aucune disposition permettant d'assurer la préservation de la salubrité publique et la propreté de la voie publique ;
5. Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté contesté interdisant la circulation des troupeaux ne porte que sur la période allant du 1er mars au 30 novembre 2015 et ne concerne que la portion de la voie communale n° 28 depuis l'angle nord du 75 de la rue de l'Arragéa jusqu'à la voie communale n° 1 ; qu'il ressort également des pièces du dossier qu'un chemin de substitution a été réalisé par la commune pour permettre aux troupeaux du GAEC des Ronchaux d'accéder aux zones de pâturage sans emprunter la portion de voie communale en cause ;
6. Considérant que le GAEC des Ronchaux soutient qu'une mesure de police moins restrictive obligeant les propriétaires des troupeaux à enlever les déjections laissées par leurs bêtes sur la voie publique aurait pu être prise ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par des lettres du 14 mai 2012 et du 10 septembre 2013, le maire d'Etival a demandé au GAEC des Ronchaux d'assurer la propreté des voies communales qui pourraient être souillées lors du passage de leurs troupeaux ; que le GAEC des Ronchaux, ainsi qu'il ressort notamment du compte rendu de la réunion du 26 avril 2013 organisée par le sous-préfet de Saint-Claude, a refusé d'exécuter une telle mesure ; qu'il suit de là que le GAEC des Ronchaux n'est pas fondé à soutenir qu'une mesure d'interdiction de la circulation des troupeaux n'était pas justifiée ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la commune d'Etival a mis en place le long du chemin de substitution des dispositifs, en particulier des clôtures électrifiées, afin de prévenir les possibilités de divagation ou de pertes des animaux ; que, dès lors, le GAEC des Ronchaux n'est pas fondé à soutenir que le fonctionnement normal de l'exploitation serait affecté par les risques et aléas induits par l'obligation de faire passer ses troupeaux par ce chemin de substitution ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des éléments produits par le GAEC des Ronchaux que, compte tenu de la nécessité d'assurer la préservation de la salubrité publique et la propreté des voies, l'arrêté en litige en prévoyant l'itinéraire de substitution précité, dont l'allongement demeure limité, porterait une atteinte disproportionnée aux conditions d'exploitation du GAEC des Ronchaux ;
9. Considérant, en dernier lieu, que si l'arrêté contesté a été édicté dans un contexte de forte tension entre les membres du GAEC des Ronchaux et M. A..., riverain de la portion de voie communale concernée par l'interdiction de circulation des troupeaux, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté en litige n'a pas été pris afin d'assurer la préservation de la salubrité publique et la propreté de la rue de l'Arrégia ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le GAEC des Ronchaux n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du GAEC des Ronchaux le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Etival et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du GAEC des Ronchaux est rejetée.
Article 2 : Le GAEC des Ronchaux versera à la commune d'Etival une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement agricole d'exploitation en commun des Ronchaux et à la commune d'Etival.
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N° 16NC00909