Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 novembre 2017, MmeC..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 juillet 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 15 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre à l'administration de suspendre son transfert vers l'Italie et de faire droit à sa demande tendant à ce que l'Etat français se déclare compétent pour examiner sa demande d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- en ne vérifiant pas que l'auteur de la décision avait qualité pour signer au nom du préfet de la Marne un mémoire en défense le 17 juillet 2017, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une irrégularité ;
- le signataire de l'arrêté contesté n'était pas compétent ;
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision en litige ne mentionne pas son droit d'être avertie ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix, en méconnaissance de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle n'a pas reçu dès le début de la procédure l'ensemble des informations prévues par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dans une langue qu'elle comprend, ni reçu les informations prévues à l'article R. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'entretien individuel dans une langue qu'elle comprend, prévu à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, n'a pas eu lieu ;
- elle n'était pas assistée d'un interprète et n'a été ni entendue, ni informée de ses droits au moment où l'arrêté en litige lui a été remis ;
- la procédure à l'issue de laquelle est intervenue la décision est irrégulière dès lors qu'elle méconnaît l'article 17 alinéa 3 du règlement (CE) n° 604/2013 ;
- le préfet de la Marne ne peut procéder d'office à son transfert sans méconnaître les dispositions de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 ;
- la décision en litige méconnaît l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 eu égard aux conditions d'accueil en Italie ;
- contrairement à ce qu'a retenu le préfet, son entrée en France était régulière ;
- elle justifie de motifs d'ordre humanitaires au sens de l'article 17 du règlement (UE) compte tenu de son état de santé et de la présence en France de son époux et de sa fille ;
- l'Italie ne pouvant plus faire face au flux migratoire auquel elle est exposée, il y a lieu de faire jouer l'article 33 du règlement (UE) n° 604/2013.
Par un courrier du 23 octobre 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office, tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête compte tenu de l'expiration du délai de six mois courant à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, interrompu jusqu'à la date à laquelle le tribunal administratif a statué au principal, ce qui rend désormais la France responsable de la demande de protection internationale de l'intéressé.
Par ordonnance du 23 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 15 novembre 2018 à 12 h 00.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement(UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante arménienne, est entrée en France le 5 décembre 2016 afin d'y solliciter l'asile. A la suite du dépôt de sa demande d'asile le 3 février 2017, le relevé de ses empreintes par le dispositif Eurodac a permis d'établir, grâce à la consultation du fichier " Visabio " par les services de préfecture, qu'elle avait bénéficié d'un visa valable du 19 novembre au 14 décembre 2016 délivré par les autorités arméniennes pour le compte des autorités italiennes. Le 9 avril 2017, les autorités italiennes ont, conformément à l'article 12 §4 du règlement n° 604/2013, implicitement accepté la reprise en charge de MmeC.... Par arrêté du 15 mai 2017, le préfet de la Marne a décidé de la transférer en Italie. Mme C...relève appel du jugement du 20 juillet 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 de ce code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit enfin que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 15 mai 2017 par lequel le préfet de la Marne a ordonné le transfert de Mme C...vers l'Italie est intervenu moins de six mois après la décision par laquelle l'Italie a implicitement donné son accord pour sa reprise en charge, dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Ce délai a toutefois été interrompu par l'introduction, par MmeC..., de son recours présenté contre cette décision sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 juillet 2017 qui a rejeté la demande de MmeC.... Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces des dossiers que ce délai aurait été prolongé, en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013. Par suite, à la date du 20 janvier 2018, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de MmeC.... Il s'ensuit qu'à cette date, la décision de transfert en litige est devenue caduque et ne pouvait plus être légalement exécutée. Cette caducité étant intervenue postérieurement à l'introduction de l'appel, les conclusions de la requête de Mme C...tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 mai 2017 ordonnant son transfert vers l'Italie, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction, sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de Mme C... relatives aux frais d'instance.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par MmeC....
Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme C...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Marne.
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N° 17NC02667