Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 novembre 2017, MmeB..., représentée par la SCP MCM et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 12 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 juin 2017 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2018, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., de nationalité albanaise, née le 14 juillet 1978, est entrée en France, selon ses déclarations, le 3 décembre 2013, accompagnée de son époux et de leurs deux enfants. Après le rejet de sa demande d'asile, elle a, le 13 juillet 2016, sollicité un titre de séjour pour des raisons de santé mais par un arrêté du 6 juin 2017, le préfet de la Marne a rejeté cette demande, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Mme B...relève appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) Le médecin de l'agence régionale de santé (...) peu convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " L'étranger qui a déposé une demande de délivrance ou de renouvellement de carte de séjour temporaire est tenu de faire établir un rapport médical relatif à son état de santé par un médecin agréé ou par un médecin praticien hospitalier visé au 1° de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique ". Aux termes de l'article 3 du même arrêté : " Au vu des informations médicales qui lui sont communiquées par l'intéressé ou, à la demande de celui-ci, par tout autre médecin, et au vu de tout examen qu'il jugera utile de prescrire, le médecin agréé ou le médecin praticien hospitalier mentionné à l'article 1er établit un rapport précisant le diagnostic des pathologies en cours, le traitement suivi et sa durée prévisible ainsi que les perspectives d'évolution. Il transmet ce rapport médical, sous pli confidentiel, au médecin de l'agence régionale de santé dont relève la résidence de l'intéressé, désigné à cet effet par le directeur général de cette agence (...) ".
3. En premier lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
4. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Le médecin de l'agence régionale de santé du Grand Est a, par un avis du 17 mai 2017, estimé que l'état de santé de Mme B...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour elle, des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié dans son pays.
6. Pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins en Albanie résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet de la Marne s'est fondé sur un courriel des services consulaires de l'ambassade de France en Albanie, confirmant les propos d'un médecin-conseil à Tirana, selon lequel l'offre de soins dans ce pays est en général équivalente à celle proposée par les pays de l'Europe de l'Ouest, y compris en ce qui concerne les troubles psychiatriques, à l'exception, dans ce dernier cas, de certaines maladies spécifiques nécessitant une prise en charge multidisciplinaire et hautement spécialisée que les institutions médicales albanaises ne parviennent pas toujours à assurer. Or Mme B...ne justifie pas être atteinte d'une telle maladie spécifique et dans ces conditions, les éléments produits par le préfet doivent être regardés comme suffisant à établir que sont disponibles en Albanie les soins nécessaires au traitement des troubles psychiatriques de l'intéressée. Cette dernière ne démontre pas, par suite, qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour à raison de son état de santé, le préfet de la Marne aurait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ". Si Mme B... se prévaut de sa présence en France depuis plus de trois ans ainsi que de celle de ses deux enfants, qui y sont scolarisés, ces éléments ne sauraient à eux seuls être regardés comme un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, et alors que Mme B...ne peut utilement se prévaloir devant le juge de l'excès de pouvoir des énonciations de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet de la Marne dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
8. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Mme B..., qui se borne à produire des récits de vie, n'établit pas qu'elle serait personnellement exposée à de tels risques en cas de retour en Albanie alors d'ailleurs que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en violation des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juin 2017. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par voie de conséquence qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 17NC02749