Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 avril 2014 et 5 janvier 2015, l'EURL AB Patrimoine, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 18 février 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement se fonde notamment sur les énonciations d'un courrier adressé par M. B... à l'administration fiscale le 16 mai 2011, lequel n'a pas été communiqué à la requérante ; le caractère contradictoire de la procédure a ainsi été méconnu, de sorte que le jugement est irrégulier ;
- l'administration doit produire le rapport de vérification ; dès lors que ce rapport n'est pas produit, elle ne justifie pas du nombre et du lieu des réunions entre le vérificateur et le représentant de l'entreprise ; elle ne justifie donc pas de ce que les conditions nécessaires à l'engagement d'un débat oral et contradictoire ont été réunies ;
- hors certains cas particuliers distincts de ceux de l'espèce, toute délocalisation des opérations de vérification de comptabilité dans des locaux extérieurs au siège de l'entreprise doit avoir été expressément été demandée par le contribuable et l'absence d'opposition de ce dernier ne suffit pas ; or, les opérations de contrôle se sont déroulées chez l'expert-comptable de l'entreprise, qui n'avait pas mandat pour la représenter, alors qu'aucune demande de délocalisation de l'ensemble de ces opérations n'avait été formulée puisque le courrier du 16 mai 2011 se bornait à autoriser la délocalisation de la première rencontre entre le contribuable et le vérificateur ; dès lors, les dispositions de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ont été violées ;
- l'administration, après avoir écarté la comptabilité, a procédé à une reconstitution extracomptable de la taxe sur la valeur ajoutée collectée ; or, le vérificateur n'a pas motivé le rejet de la comptabilité ; par ailleurs, dès lors que l'indication de la période d'imposition visée est ambiguë et que les motifs du redressement portant sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée en 2011 sont indiqués en des termes trop succincts, la motivation de ce redressement doit être regardée comme insuffisante au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- elle n'a pas accepté les redressements portant sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée ;
- sa comptabilité n'ayant pas été écartée, elle suffit à justifier de l'exactitude du montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée déclaré.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 novembre 2014 et 9 février 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'entreprise requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno,
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.
1. Considérant que l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) AB Patrimoine, qui exerce l'activité de gestion de patrimoine, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2008 au 31 mars 2011 ; qu'à l'issue des opérations de contrôle, l'administration lui a notifié, notamment, des rappels de taxe au titre de la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2011, assortis de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré ainsi que de l'intérêt de retard ; qu'après le rejet de sa réclamation, l'entreprise requérante a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la réduction, à concurrence de la somme de 51 573 euros, de ces impositions et pénalités ; que, par le jugement attaqué, dont elle relève appel, le tribunal a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que l'administration a produit, le 15 janvier 2014, la copie d'un courrier daté du 16 mai 2011 ; que cette pièce, sur laquelle les premiers juges ont pris appui pour rejeter la demande qui leur était soumise, n'a pas été communiquée à la requérante ; que, toutefois, cette circonstance ne révèle pas une méconnaissance du caractère contradictoire de l'instruction dès lors, d'une part, que l'entreprise requérante ne pouvait ignorer les énonciations du courrier du 16 mai 2011, signé de la main de son gérant, et, d'autre part, que le contenu de ce courrier avait été rappelé par l'administration dans son mémoire en défense, enregistré par le greffe du tribunal administratif d'Orléans le 2 octobre 2012 et dûment communiqué ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place (...) la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. (...) " ; que si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux ; qu'il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l'entreprise et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée ; qu'en pareille hypothèse, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'EURL AB Patrimoine a reçu un avis de vérification de comptabilité le 12 mai 2011 ; que son gérant a alors demandé, par oral, au vérificateur de décaler sa première intervention, initialement prévue le 26 mai 2011, au 14 juin 2011 et de se rendre chez son expert-comptable ; que cette demande a été réitérée par écrit le 16 mai 2011 ; que, compte tenu de l'imprécision de ses termes, cette demande écrite doit être regardée comme ayant tendu à ce que les opérations de contrôle fussent menées dans les locaux de l'expert-comptable de l'EURL AB Patrimoine, où se trouvait la comptabilité ; que la vérification de comptabilité a été menée dans les locaux ainsi désignés ;
5. Considérant que le ministre soutient sans être contredit que le vérificateur est intervenu, notamment les 18 et 19 août 2011, au sein du cabinet comptable, en présence du gérant de l'entreprise ; qu'il est au surplus constant qu'une réunion de synthèse, à laquelle participait ce même gérant, s'est tenue le 30 août 2011 dans des locaux loués par l'entreprise ; que la requérante, à qui revient sur ce point la charge de la preuve, ne démontre pas qu'au cours de ces interventions, le vérificateur se serait refusé à un débat oral et contradictoire avec son représentant ;
6. Considérant qu'il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales et de la garantie tenant au débat oral et contradictoire doivent être écartés ;
7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ; qu'il résulte de l'instruction que, dans la proposition de rectification du 8 septembre 2011 adressée à l'EURL AB Patrimoine, l'administration a dûment respecté l'ensemble de ces exigences, en particulier s'agissant du chef de redressement relatif à la taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2011 ;
Sur le bien-fondé des impositions :
8. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. " ; qu'aux termes du 2 de l'article 269 du code général des impôts : " La taxe est exigible : / (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...) " ;
9. Considérant que le vérificateur a relevé que l'EURL AB Patrimoine, qui exerçait une activité de prestation de services pour laquelle la taxe sur la valeur ajoutée était exigible lors de l'encaissement en vertu du c) du 2 de l'article 269 du code général des impôts, avait omis de déclarer la taxe qu'elle avait collectée au titre de la période du 1er avril 2010 au 31 décembre 2011, d'un montant de 42 703 euros ; que la requérante soutient que, pour parvenir à cette conclusion, le vérificateur a procédé à une reconstitution de recettes extracomptables sans avoir préalablement écarté sa comptabilité, alors que cette dernière révélait qu'elle n'avait pas collecté de taxe au titre de la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2011 ;
10. Mais considérant qu'il résulte des énonciations du compte de résultats de l'EURL AB Patrimoine que la taxe sur la valeur ajoutée collectée par elle au titre de l'exercice clos le 31 mars 2011 s'élevait à 42 703 euros ; que son bilan indique par ailleurs que les comptes clients étaient soldés au terme de ce même exercice ; qu'en faisant état de ces éléments, issus de la comptabilité de la requérante, l'administration justifie de l'exactitude des rappels litigieux ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL AB Patrimoine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que l'EURL AB Patrimoine demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL AB Patrimoine est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) AB Patrimoine et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 février 2016.
Le rapporteur,
T. JounoLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT01016