Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 mai 2014 et 4 novembre 2015, la SARL Transports Jean-Pierre Landais, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 mars 2014 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et de l'intérêt de retard contestés ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- compte tenu de sa qualité de transporteur, le service ne pouvait fonder le redressement litigieux sur les dispositions du I de l'article 275 du code général des impôts ;
- la proposition de rectification, qui vise cette disposition, est insuffisamment motivée ;
- la SARL Transports Jean-Pierre Landais a réalisé des prestations de transport vers des ports de marchandises destinées à l'exportation ; ainsi qu'il en est justifié ou peut en être justifié par la production de relevés de transport et des attestations établies par des clients, ces prestations de transport étaient exonérées de taxe sur la valeur ajoutée par application du I de l'article 262 du code général des impôts ;
- conformément à l'instruction 3 A-21-80 du 21 novembre 1980 et à la documentation de base 3 A-2221 dans sa rédaction à jour au 20 octobre 1999, lesquelles commentent l'article 73 A de l'annexe III au code général des impôts, un transporteur peut prouver par tout moyen que le transport est effectué à destination d'un port ou d'un aéroport en vue de transbordement des marchandises vers des pays ou territoires d'exportation ; les éléments de preuve fournis par le transporteur peuvent avoir été établis postérieurement à la facturation ; il n'est pas nécessaire de produire les lettres de voiture ; les éléments produits, tels que les relevés de transport, sont plus fiables que de telles lettres ;
- quoi qu'il en soit, les lettres de voiture concernant le client Hinterland, relatives aux années 2005 et 2006, viennent d'être obtenues et sont produites, pour la première fois, en appel ; un échantillon des lettres de voiture concernant le client ATC est par ailleurs produit pour la première fois.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 septembre 2014 et le 21 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut, dans le dernier état de ses écritures, au non-lieu à statuer à concurrence des dégrèvements consentis en cours d'instance et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que :
- deux dégrèvements, en droits et pénalités, ont été consentis en cours d'instance ;
- les moyens soulevés par la requérante au soutien de ses conclusions tendant à la décharge des impositions restant en litige ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;
- et les observations de Me A...pour la SARL Transports Jean-Pierre Landais.
1. Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) Transports Jean-Pierre Landais, qui a pour activité le transport de marchandises, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 ; qu'à l'issue de celle-ci, l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'ensemble de la période vérifiée, résultant de la remise en cause de l'exonération prévue par le I de l'article 262 du code général des impôts pour les prestations de services directement liées à l'exportation ; que, sa réclamation n'ayant été admise que partiellement, la SARL Transports Jean-Pierre Landais a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge des rappels de taxe restant à sa charge et de l'intérêt de retard correspondant ; que, par le jugement attaqué, dont la SARL Transports Jean-Pierre Landais relève appel, le tribunal a rejeté cette demande ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par décisions des 31 juillet 2014 et 14 décembre 2015 postérieures à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux à concurrence de la somme totale de 11 463 euros en droits et de 1 219 euros en intérêts de retard ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de la période d'imposition et de la base des redressements, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ; qu'il résulte de l'instruction que, dans la proposition de rectification du 23 octobre 2008 adressée à la SARL Transports Jean-Pierre Landais, l'administration a pleinement respecté ces exigences ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
4. Considérant qu'aux termes du I de l'article 262 du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation ; / 2° les livraisons de biens expédiés ou transportés par l'acheteur qui n'est pas établi en France, ou pour son compte, hors de la Communauté européenne, à l'exclusion des biens d'équipement et d'avitaillement des bateaux de plaisance, des avions de tourisme ou de tous autres moyens de transport à usage privé, ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation. (...) " ; qu'aux termes de l'article 73 A de l'annexe III à ce code, dans sa rédaction applicable : " Pour bénéficier de l'exonération prévue au I de l'article 262 du code général des impôts en ce qui concerne les transports de marchandises vers un port ou un aéroport en vue de leur transbordement à destination d'un Etat qui n'appartient pas à la Communauté européenne ou des territoires et départements d'outre mer, le transporteur doit présenter une attestation délivrée par le propriétaire de la marchandise, par l'expéditeur ou par le commissionnaire de transports, visée par le service des impôts dont ils dépendent et certifiant la destination des produits. / Cette disposition s'applique également au transport de marchandises vers un port ou un aéroport en vue de leur transbordement à destination d'un territoire d'un autre Etat membre de la Communauté mentionnée au 1° de l'article 256-0 du code général des impôts. " ;
5. Considérant que la SARL Transports Jean-Pierre Landais soutient avoir réalisé au titre de l'ensemble de la période litigieuse des prestations de transport de marchandises vers des ports ou des aéroports en vue du transbordement de ces marchandises à destination de lieux situés, pour l'application des règles régissant la taxe sur la valeur ajoutée, en dehors de la Communauté européenne et ajoute que ces prestations sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée par application du I de l'article 262 du code général des impôts ; qu'il est toutefois constant que cette société n'a pas produit l'attestation mentionnée à l'article 73 A de l'annexe III au code général des impôts ; que, par suite, alors qu'il n'est pas allégué que la production d'une telle attestation aurait été, en l'espèce, pratiquement impossible ou excessivement difficile, c'est par une exacte application de la loi fiscale et de ses dispositions réglementaires d'application que l'administration a estimé que les prestations de transport en cause ne pouvaient bénéficier de l'exonération prévue au I de l'article 262 du code général des impôts ;
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
6. Considérant que la SARL Transports Jean-Pierre Landais, qui ne mentionne aucune des prévisions de l'instruction 3 A-21-80 du 21 novembre 1980, doit être regardée comme se bornant à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des prévisions du paragraphe n° 5 de la documentation de base 3 A-2221, dans sa rédaction à jour au 20 octobre 1999, aux termes desquelles : " Pour bénéficier de l'exonération, le transporteur doit présenter une attestation délivrée par le propriétaire de la marchandise, par l'expéditeur ou par l'intermédiaire (...) visé par le service des impôts dont ils dépendent et certifiant la destination des produits (code général des impôts, annexe III, article 73 A). / (...) Par mesure de simplification, il est admis que l'attestation prévue par l'article 73 A de l'annexe III au code général des impôts ne soit pas exigée des transporteurs qui apportent, par tout moyen reconnu valable par le service des impôts (feuille de route ou récépissé du transport par exemple), la preuve que le transport est effectué à destination d'un port ou d'un aéroport en vue du transbordement des marchandises vers un pays ou territoire d'exportation. " ; qu'il résulte des prévisions de cette instruction qu'elle ne constitue pas une simple recommandation, interne aux services, de procéder avec bienveillance à l'examen de toutes pièces fournies à titre de preuve mais une mesure de simplification visant l'admission d'autres moyens de preuve que les attestations légalement prévues, dont l'examen, une fois ces moyens reconnus valables par le service des impôts pour le cas qui lui est soumis, s'impose à lui ;
7. Considérant que, pour démontrer que ses prestations de transport étaient effectuées à destination de ports ou d'aéroports en vue du transbordement de marchandises vers des pays ou des territoires d'exportation, la SARL Transports Jean-Pierre Landais se prévaut, premièrement, des factures mensuelles qu'elle a adressées à ses donneurs d'ordre, deuxièmement, de relevés établis par ces derniers listant les prestations réalisées et corroborant ces factures ainsi que, troisièmement, de lettres de voiture et de rapports de manutention portuaire ; qu'ont été reconnues valables, en l'espèce, au titre de moyen de preuve, les seules lettres de voiture, appuyées par des rapports de manutention portuaire, eu égard aux mentions qu'elles comportent et à leur date d'établissement ; qu'en revanche, la SARL Transports Jean-Pierre Landais ne peut se prévaloir sur le fondement de l'interprétation administrative en cause des autres documents produits, et notamment des relevés établis par ses donneurs d'ordre postérieurement à l'engagement des opérations de contrôle, qui n'ont pas été regardés par le service comme des moyens de preuve valables ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de l'examen des lettres de voiture produites pour la première fois le 4 novembre 2015 en sus de celles annexées à la requête d'appel, que, pour la détermination du quantum des dégrèvements mentionnés au point 2, l'administration a omis de retenir trois prestations de transport de marchandises effectuées par la SARL Transports Jean-Pierre Landais à destination de ports en vue du transbordement de ces marchandises vers des pays ou territoires d'exportation, alors que ces prestations étaient justifiées par la production de lettres de voiture et de rapports de manutention portuaire ; que ces prestations sont, premièrement, celles réalisées pour le compte de la société Hinterland le 18 février 2005 pour un prix convenu entre les parties de 440 euros et portant sur des marchandises exportées vers Skikda (Algérie), deuxièmement, celles réalisées avec le même donneur d'ordre le 14 juin 2006 pour un prix de 402 euros, concernant des marchandises exportées vers Vera Cruz (Mexique) et, troisièmement, celles réalisées pour le compte de la même société le 19 juin 2006 au prix de 366 euros, portant sur des marchandises exportées vers Montréal (Canada) ; que, s'agissant des prestations de transport de marchandises autres que, d'une part, celles précitées et, d'autre part, celles prises en considération par l'administration dans le cadre des décisions de dégrèvement citées au point 2, il ne résulte pas de l'instruction qu'elles aient été réalisées à destination de ports ou d'aéroports en vue du transbordement des marchandises vers des pays ou territoires d'exportation ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Transports Jean-Pierre Landais est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes ne lui a pas accordé une réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 et de l'intérêt de retard y afférent, à concurrence de 193,05 euros en droits ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que la SARL Transports Jean-Pierre Landais demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de la SARL Transports Jean-Pierre Landais à concurrence des sommes de 11 463 euros en droits et 1 219 euros en intérêts de retard, dégrevées en cours d'instance.
Article 2 : Il est accordé à la SARL Transports Jean-Pierre Landais la réduction des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007 à concurrence de 193,05 euros ainsi que celle de l'intérêt de retard correspondant.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 mars 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus de la requête de la SARL Transports Jean-Pierre Landais est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Transports Jean-Pierre Landais et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 février 2016.
Le rapporteur,
T. JounoLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 14NT01192