Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 décembre 2014 et 17 janvier 2016, M. H..., représenté par Me B...puis par MeF..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 juillet 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 3 mars 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt, ou à défaut de réexaminer, dans le même délai, sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ; il se nomme M. C...A...D...et non M. C...H... ; ainsi qu'il en justifie par une attestation de naissance, un acte de naissance et un jugement supplétif d'acte de naissance, il est mineur, de sorte que les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; il n'est pas nécessaire qu'il produise un acte d'état civil comportant une photographie ; la consultation du fichier " Visabio " n'est pas probante ; le droit d'asile, l'article 33 de la convention de Genève et les articles L. 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus dès lors qu'il n'a pas été statué sur sa demande d'asile ; l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision relative au séjour ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; elle est insuffisamment motivée ; elle viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2016, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- à supposer que le requérant ait soulevé des moyens au soutien de conclusions dirigées contre un refus de séjour, ces moyens sont inopérants en en l'absence d'un tel refus ;
- le surplus des moyens soulevés par le requérant est non fondé.
M. H...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 novembre 2014, modifiée le 4 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
- le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno ;
- et les observations de Me F...pour M.H....
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant, ressortissant de la République Démocratique du Congo, s'est présenté le 28 février 2014 au commissariat central de police de Nantes ; qu'il n'est pas contesté qu'il n'était alors pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et ne pouvait pas justifier être entré régulièrement sur le territoire français ; qu'il était ainsi dans le cas visé au 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut obliger un étranger à quitter le territoire français ; qu'il relève appel du jugement en date du 9 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté l'obligeant à quitter sans délai le territoire français et fixant le pays à destination duquel il serait éloigné ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
Quant à la légalité externe :
2. Considérant que, par un arrêté du 6 février 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, le préfet de la Loire-Atlantique a donné délégation de signature à M.E..., directeur de la réglementation et des libertés publiques de la préfecture de ce département ; que le même arrêté donne délégation de signature à MmeG..., signataire de l'arrêté attaqué, chef du service de l'immigration et de l'intégration, en cas d'absence ou d'empêchement de M. E...et dans les limites des attributions de son service ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque, en tout état de cause, en fait ;
Quant à la légalité interne :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 3 de l'article 10 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas : " Lorsqu'il introduit une demande (de visa), le demandeur : (...) / b) présente un document de voyage conformément à l'article 12 ; / c) présente une photographie (...) conformément aux normes fixées à l'article 13 du présent règlement ; d) permet, s'il y a lieu, le relevé de ses empreintes digitales conformément à l'article 13 (...) " ; qu'aux termes de l'article 12 de ce règlement : " Le demandeur présente un document de voyage en cours de validité (...) " ; qu'aux termes de l'article 13 du même règlement : " 1. Les États membres recueillent les identifiants biométriques du demandeur, comprenant sa photographie et ses dix empreintes digitales (...). / 2. Tout demandeur qui soumet sa première demande est tenu de se présenter en personne. Les identifiants biométriques ci-après du demandeur sont recueillis à cette occasion : / - une photographie, scannée ou prise au moment de la demande, et / - ses dix empreintes digitales, relevées à plat et numérisées. (...) " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 611-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est autorisée la création (...) d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé VISABIO (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 611-9 de ce code : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé prévu à l'article R. 611-8 sont : / 1° Les images numérisées de la photographie et des empreintes digitales des dix doigts des demandeurs de visas, collectées par les chancelleries consulaires et les consulats français équipés du dispositif requis. (...) / 2° Les données énumérées à l'annexe 6-3 communiquées automatiquement par le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Réseau mondial visas (...) lors de la demande et de la délivrance d'un visa. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 611-10 du même code : " Les données à caractère personnel mentionnées au 1° de l'article R. 611-9 peuvent également être collectées (...) : 1° Par les chancelleries consulaires et les consulats des autres Etats membres de l'Union européenne (...) " ; que parmi les données énumérées à l'annexe 6-3 au code figurent celles relatives à l'état civil et aux documents de voyage du demandeur de visa ainsi que des identifiants biométriques ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que, lorsqu'après avoir relevé les empreintes digitales d'un ressortissant d'un Etat tiers, une des autorités administratives visées au I de l'article R. 611-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile consulte la base de données VISABIO en vue d'obtenir des données personnelles relatives à celui-ci, ces données sont présumées exactes ; qu'il appartient à l'intéressé de renverser cette présomption, notamment par la production du document de voyage au vu duquel l'autorité consulaire a renseigné la base de données VISABIO ;
6. Considérant que le requérant fait valoir qu'il se dénomme M. A...D..., né le 21 novembre 1998, et non M.H..., né le 21 novembre 1993, de sorte que, mineur de 18 ans à la date de l'arrêté, il ne pouvait, en vertu du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, être éloigné du territoire français ;
7. Considérant qu'il n'est pas contesté que, lorsqu'il s'est présenté au commissariat central de police de Nantes, le requérant était dépourvu de tout document justifiant de son identité ; que ses empreintes digitales ont alors été relevées en vue de consulter la base de données VISABIO ; que cette consultation a révélé, d'une part, qu'il avait présenté une demande de visa auprès des autorités consulaires espagnoles à Kinshasa, le 18 septembre 2013, et d'autre part, qu'il se dénommait M. H...et était né le 21 novembre 1993 ;
8. Considérant que, pour démontrer qu'il se dénomme M. C...A...D..., le requérant se prévaut d'un jugement supplétif d'acte de naissance qui aurait été rendu le 19 août 2014 par le tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe, d'une copie d'acte de naissance datée du 22 octobre 2014 ainsi que d'une " attestation de naissance " qui aurait été délivrée par le service de l'état civil de la ville de Kinshasa le 31 décembre 2013 ; que, toutefois, si ces documents, sur lesquels n'est apposée aucune photographie, sont relatifs à une personne dénommée M. C...A...D..., ils ne permettent pas de prouver que telle est l'identité du requérant ;
9. Considérant qu'il suit de là que le requérant ne démontre pas l'inexactitude des informations figurant dans la base de données VISABIO, de laquelle il ressort qu'il était majeur le 3 mars 2014, date à laquelle le préfet de la Loire-Atlantique l'a obligé à quitter le territoire français ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est illégale au motif que, mineur à la date de son édiction, elle aurait méconnu l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, s'il ajoute que cette décision méconnaît le droit d'asile, l'article 33 de la convention de Genève et les articles L. 741-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'assortit, en tout état de cause, pas ce moyen des précisions permettant à la cour d'en apprécier la portée ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen soulevé au soutien des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays à destination duquel le requérant doit être éloigné et tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté ;
11. Considérant que la décision fixant le pays d'origine du requérant comme pays de destination, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que le requérant n'y est pas exposé à des peines ou traitements contraires à cet article, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit, en tout état de cause, être écarté ;
12. Considérant que si le requérant invoque les risques qu'il courrait en cas de retour dans son pays d'origine, son père ayant disparu après avoir participé à des combats, il n'apporte aucune précision ni aucune justification susceptible d'établir la nature et la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé ; que, dès lors, le moyen tiré d'une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
15. Considérant que les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme dont le requérant, bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, demande le versement au profit de son avocat au titre des frais non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. H...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...H...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 février 2016.
Le rapporteur,
T. Jouno Le président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
3
N° 14NT03108