Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 décembre 2019 et 29 juin 2020, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît le 2 bis de l'article L. 313-11, le I de l'article L. 313-7 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2020, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet pour l'essentiel à ses écritures de première instance et que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Par une décision du 9 décembre 2019, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré, enregistrée le 2 novembre, a été présentée pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant malien, déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français en mai 2016. Il a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du Calvados à compter du 30 juillet 2016. Le 17 janvier 2019, M. D... a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 juillet 2019, le préfet du Calvados a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 11 octobre 2019, le tribunal a rejeté sa demande. M. D... relève appel de ce jugement.
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 2° bis À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ".
3. L'article R. 311-2-2 de ce code prévoit que : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". L'article L. 111-6 du même code dispose que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". L'article 47 du code civil précise que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
4. Il résulte des dispositions citées au point 3 que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
5. D'une part, pour justifier de son identité, M. D... a produit un jugement supplétif d'acte de naissance du 21 décembre 2018 qui ne mentionne ni les témoins, ni l'auteur de la requête, ni le nom du greffier en chef, ni le nom du maire ayant transcrit l'acte. M. D... a également produit un extrait d'acte de naissance délivré le 21 décembre 2018, portant le n° 620, qui n'a pas été signé par le maire. Enfin, le préfet du Calvados fait valoir sans être contredit que M. D... possédait déjà un acte de naissance daté du 4 septembre 2015 portant le n° 87. Or, ainsi que le prévoit l'article 133 de la loi n° 2011-087 du 30 décembre 2011 portant code des personnes et de la famille au Mali, la délivrance d'un jugement supplétif n'est prévu que lorsque la personne n'a pas été déclarée à sa naissance ou lorsque l'acte a été perdu par le service d'état civil. M. D... ne justifie donc pas des raisons pour lesquelles il lui aurait été nécessaire de recourir à un jugement supplétif. Par suite, le préfet du Calvados a pu légalement estimer que l'intéressé avait produit des actes d'état civil irréguliers ou falsifiés et refuser, pour ce second motif, la délivrance du titre sollicité sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. D'autre part et au surplus, il ressort des pièces du dossier que M. D... a fait l'objet d'un avis favorable de la structure d'accueil. Toutefois, si M. D... fait valoir, s'agissant des liens avec sa famille au Mali, que sa mère est décédée, il ne produit aucun élément permettant d'établir cette allégation. De même, si M. D... fait valoir qu'il n'a plus de liens avec son père, il n'apporte aucune précision permettant d'apprécier la réalité de cette allégation. En outre, il est constant que M. D... a obtenu un acte de naissance établi sur la base d'un jugement supplétif grâce à l'aide de son oncle. Enfin, le préfet du Calvados fait valoir sans être contredit que M. D... a déclaré, lors du dépôt de sa demande de titre, avoir quitté le Mali grâce à l'aide apportée par sa grand-mère. S'agissant du caractère réel et sérieux de sa formation, il ressort des appréciations figurant sur les bulletins de notes produits que M. D... a obtenu, au cours de sa scolarité, des résultats variables voire insuffisants dans certaines matières. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, c'est également sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet du Calvados a estimé que M. D... ne remplissait pas les conditions posées par le 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France ".
8. M. D... étant entré irrégulièrement en France, il ne pouvait se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En troisième lieu, M. D..., qui est célibataire et sans enfants, est arrivé récemment en France. Si M. D... met en avant les efforts d'intégration accomplis, notamment sur les plans scolaire et professionnel, cette circonstance ne saurait caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 novembre 2020.
Le rapporteur,
H. C...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04674