Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2017, MmeB..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 décembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Sarthe du 23 mars 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe, après l'avoir munie d'une autorisation provisoire de séjour, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de lui enjoindre de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 ainsi que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français devra être annulée en conséquence de l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ; elle est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi devra être annulée en conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2017, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'en l'absence de moyens nouveaux, il s'en remet à ses écritures de première instance.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 février 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeB..., ressortissante guyanienne née en 1978, est entrée régulièrement en France, le 14 mai 2015, avec ses deux plus jeunes enfants ; qu'elle s'est maintenue sur le territoire français au-delà de l'expiration de son visa de trente jours et a demandé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle relève appel du jugement du 2 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2016 par lequel le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la fille aînée et le fils de Mme B..., nés en 1999 et 2001, sont arrivés en France en 2010 puis ont été confiés à leur tante paternelle, laquelle a reçu délégation de l'exercice de l'autorité parentale par un jugement du tribunal de grande instance du Mans du 17 décembre 2012 ; qu'en raison du décès de son fils, à la suite d'une crise d'épilepsie, survenu le 19 avril 2015, une information judiciaire a été ouverte et la tante de l'enfant et son époux ont été mis en examen du chef d'homicide involontaire ; que Mme B...soutient qu'elle doit pouvoir demeurer en France afin, d'une part, d'être entendue dans le cadre de cette procédure judiciaire et de faire valoir ses droits en tant que partie civile et, d'autre part, d'obtenir la restitution de l'autorité parentale sur sa fille aînée ; que, toutefois, le refus de titre de séjour qui lui est opposé ne la prive pas de la possibilité de se faire représenter par un avocat et, le cas échéant, d'obtenir la délivrance d'un visa lui permettant de séjourner en France pour les besoins de la procédure ; qu'en outre, alors que la requérante ne justifie pas être dans l'incapacité de saisir le juge aux affaires familiales en raison de sa situation administrative, il ressort de ses propres écritures que sa fille, séparée de sa mère entre 2010 et 2015 et âgée de seize ans à la date de la décision contestée, n'envisageait pas alors de vivre auprès d'elle ; qu'ainsi, en estimant que Mme B... ne justifiait pas de considérations humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Sarthe n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que Mme B...et ses deux plus jeunes enfants nées en 2006 et 2010, séjournaient en France, à la date de la décision contestée, depuis moins d'un an ; qu'alors même que la requérante n'aurait consenti ni au départ de sa fille aînée vers la France ni à la délégation de l'exercice de son autorité parentale, elle est demeurée durant cinq années éloignée d'elle ; que rien ne fait obstacle à ce que ses deux plus jeunes filles poursuivent leur scolarité au Guyana où elles sont nées et ont vécu la majeure partie de leur existence ; que Mme B...n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans ce pays où résident sa mère ainsi que ses frères et soeurs et où elle a elle-même vécu jusqu'à l'âge de trente-six ans ; qu'ainsi, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'à la date de la décision contestée, l'autorité parentale sur la fille aînée de la requérante, née le 25 août 1999, était exercée par sa tante chez laquelle elle vivait depuis 2010 ; qu'en outre, Mme B...ne contribuait plus depuis plusieurs années à son éducation et à son entretien et n'avait que peu de contacts avec elle avant sa venue en France ; que si elle a été hébergée chez la tante de sa fille de mai à octobre 2015, elle a ensuite été accueillie dans un foyer avec ses deux autres enfants et admet ne pas être en mesure de prendre en charge sa fille aînée ; que dans ces conditions, la circonstance que la décision de refus de titre de séjour aura pour effet de séparer Mme B...de sa fille aînée ne caractérise pas une atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant contraire au 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour n'a pas été présentée sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, la méconnaissance de cette disposition n'est pas utilement invoquée ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, que compte-tenu de ce qui a été dit aux points 3 à 6 du présent arrêt, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté ;
8. Considérant, en second lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 et 5 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
9. Considérant que l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, le moyen tiré, par voie d'exception, de son illégalité doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Aubert, président de chambre,
- M. Delesalle, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 avril 2017.
Le rapporteur,
K. BougrineLe président,
S. Aubert
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT00044 2
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