Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2019, M.A..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 75 euros par jour de retard, au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me D...en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour n'est pas suffisamment motivée en fait et en droit ; elle n'a pas été précédée d'un examen de sa situation personnelle ; elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, en méconnaissance de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, omis d'indiquer les éléments de procédure, les éléments relatifs à la prise en charge de sa pathologie et la durée prévisible du traitement et dès lors que le préfet ne rapporte pas la preuve que la délibération collégiale a été menée simultanément par le collège des médecins ; elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII ; elle méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien dès lors que le préfet n'apporte pas la preuve de l'existence d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine et l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité s'il venait à ne plus bénéficier de soins en France ; elle méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des liens forts qu'il a noués en France et de son intégration ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ; elle n'est pas suffisamment motivée ; elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure ù elle le contraint à retourner dans son pays d'origine ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ; elle est entachée d'une erreur de droit en raison de l'absence d'examen des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine sur le fondement de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 14 mars 2019, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens relatifs aux vices entachant l'avis du collège des médecins ne sont pas fondés ;
- la production d'une promesse d'embauche, postérieure de plus d'un an à la décision contestée qui a été rendue sur une demande de titre sur le fondement des dispositions du 6-7 de l'accord franco-algérien, ne justifie pas d'une admission exceptionnelle au séjour ;
- il s'en remet, pour le surplus, à ses écritures devant le tribunal administratif.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- et les observations de MeC..., substituant MeD..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant algérien né le 28 avril 1976, a présenté, le 23 janvier 2017, une demande de titre de séjour pour raison de santé. Par arrêté du 29 novembre 2017, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. L'intéressé a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Il relève appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 313-22 du même code, applicable aux demandes présentées par les ressortissants algériens : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé.(...) ". L'article R. 313-23 du même code dispose que : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. (...)Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle.(...)". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que l'avis médical porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire. En se bornant à soutenir, sans plus d'argument, que le préfet de la Loire-Atlantique n'établit pas le caractère collégial de cette délibération, cette preuve contraire n'est pas rapportée. Par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie tirée du débat collégial du collège de médecins de l'OFII.
5. D'autre part, l'avis du 2 août 2017 mentionne, après avoir coché la case " non " dans les rubriques convocation pour examen et justification de l'identité au stade de l'élaboration du rapport, que l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale, que le défaut de prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que pour sa prise en charge, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays d'origine. Il s'ensuit que le requérant n'est pas fondé à soutenir que cet avis ne mentionne pas les éléments de procédure dès lors que l'avis n'a pas à comporter d'indication relative à des vérifications complémentaires qui n'aurait pas été effectuées ou que cet avis ne mentionne pas les éléments relatifs à la prise en charge de sa pathologie. Si cet avis ne se prononce pas sur la durée prévisible du traitement dont M. A...a besoin, cette circonstance n'a pas été de nature à modifier le sens de la décision contestée dès lors que l'avis émis par le collège a permis au préfet de la Loire-Atlantique d'être informé de la possibilité pour M. A...d'accéder effectivement aux traitements appropriés à son état de santé disponibles dans son pays d'origine.
6. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que M. A...n'est pas fondé à soutenir que l'avis du collège des médecins de l'OFII étant entaché d'irrégularités, la décision de refus de séjour est intervenue au terme d'une procédure irrégulière.
7. En deuxième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires et, en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
8. S'appropriant les mentions de l'avis rendu le 2 août 2017 par le collège des médecins de l'OFII, le préfet de la Loire-Atlantique a estimé que M. A...pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie en Algérie. En se bornant à soutenir que le préfet n'apporte aucun élément suffisant permettant de démontrer que le traitement existe dans son pays d'origine et à critiquer les pièces complémentaires produites par le préfet sans apporter aucun élément de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII sur ce point, le requérant ne rapporte pas la preuve qu'il ne pourrait effectivement bénéficier en Algérie du traitement requis par son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté. Pour le même motif, M. A...ne justifie pas figurer au nombre des étrangers qui ne peuvent être éloignés du fait de leur état de santé en vertu des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré en France, à l'âge de 38 ans, le 10 septembre 2014 sous couvert d'un visa de court séjour délivré par l'ambassade des Pays-Bas en Jordanie. Célibataire et sans enfant, il ne se prévaut d'aucun lien familial en France ou d'aucun lien privé d'une particulière intensité. Il n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie où résident ses parents, ses deux frères et trois soeurs. Ainsi qu'il a été précédemment dit, son état de santé ne rend pas sa présence en France indispensable. Dans ces conditions, en dépit de son implication dans des activités associatives, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En quatrième lieu, si M. A...soutient qu'un retour dans son pays d'origine méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen n'est assorti d'aucune argumentation sur la nature des risques qu'il encourt en Algérie, où vit au demeurant toute sa famille. Par suite, il doit être écarté.
11. M. A...se borne à reprendre en appel, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation des décisions de refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français, de l'absence d'examen de sa situation personnelle avant l'adoption de la décision de refus de séjour, de l'erreur de droit entachant la décision de refus de séjour qu'aurait commise le préfet en s'estimant lié par l'avis médical et de l'erreur de droit entachant la décision fixant le pays de destination en l'absence d'examen des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine sur le fondement de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
12 La décision de refus de séjour n'étant pas annulée, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit l'être par voie de conséquence. Il en va de même, en l'absence d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, pour la décision fixant le pays de renvoi.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Malingue, premier conseiller,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juin 2019.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT00248
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