- Mme D... A... peut effectivement bénéficier à Djibouti, son pays d'origine, d'un traitement approprié à sa pathologie, le diabète de type 1 ; il n'y avait pas lieu de suivre sur ce point l'avis du 27 juillet 2017 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- un rapport médical aurait dû intervenir en application des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais cette absence n'entache pas la procédure d'une irrégularité substantielle dès lors qu'elle n'a pas privé l'intéressée d'une garantie particulière dans la mesure où l'avis médical du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui était favorable ;
- l'intéressée a conservé des attaches familiales à Djibouti ; sa mère et ses trois soeurs y résident ; il n'y a pas eu de méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- faute d'éléments probants, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2018, Mme D... A..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le préfet de Maine-et-Loire ne sont pas fondés.
Mme D... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... A..., ressortissante djiboutienne, née le 7 juin 1989, a demandé, le 3 mars 2017, au préfet de Maine-et-Loire un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 juillet 2018, le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a astreinte à se présenter au bureau des étrangers de la préfecture de Maine-et-Loire afin d'indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. Par un jugement du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté (article 1er), enjoint au préfet de délivrer à celle-ci une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de munir l'intéressée, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour (article 2) et rejeté les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3). Le préfet relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ".
3. Pour annuler l'arrêté contesté du préfet de Maine-et-Loire, le tribunal administratif, après avoir rappelé que, pour refuser la délivrance du titre de séjour demandé, le préfet, qui a suivi l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 27 juillet 2017 sur le fait que l'état de santé de Mme D... A..., souffrant d'un diabète de type 1, nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, a retenu la possibilité pour l'intéressée de bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, contrairement à l'avis, a estimé que la fiche d'informations " MedCOI " et un courriel du conseiller santé auprès du ministère français de l'intérieur ne permettaient pas d'établir que les médicaments adaptés au traitement de la pathologie de Mme D... A... sont disponibles à Djibouti ni que l'intéressée pourrait effectivement y accéder et que la teneur de l'avis est, par ailleurs, corroborée par les énonciations du certificat rédigé par un médecin interne cardiologue, lequel souligne la prise en charge très aléatoire du diabète à Djibouti.
4. Il résulte toutefois des pièces du dossier que le traitement que doit suivre Mme D... A... comporte une insuline à longue durée d'action, l'insuline glargine (Toujéo), et une insuline rapide (Novorapid). Ces deux types d'insuline sont disponibles à Djibouti selon le message du conseiller santé auprès du ministère français de l'intérieur du 21 septembre 2017 et la fiche d'informations " MedCOI " établi par les autorités médicales néerlandaises en 2016, versée en appel. Ainsi, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer un titre de séjour de Mme D... A... sur le fondement de ces dispositions. Dès lors, il est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé, pour annuler l'arrêté litigieux, sur le moyen tiré de ce qu'il a apprécié de façon erronée la situation de Mme D... A... au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme D... A... devant le tribunal administratif et la cour.
6. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ".
7. Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. Il peut également convoquer le demandeur pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Le demandeur présente au service médical de l'office les documents justifiant de son identité. A défaut de réponse dans le délai de quinze jours, ou si le demandeur ne se présente pas à la convocation qui lui a été fixée, ou s'il n'a pas présenté les documents justifiant de son identité le médecin de l'office établit son rapport au vu des éléments dont il dispose et y indique que le demandeur n'a pas répondu à sa convocation ou n'a pas justifié de son identité. Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. En cas de défaut de présentation de l'étranger lorsqu'il a été convoqué par le médecin de l'office ou de production des examens complémentaires demandés dans les conditions prévues au premier alinéa, il en informe également le préfet ; (...). ".
8. Il n'est pas contesté qu'aucun rapport médical n'a été établi par un médecin et transmis au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le préfet de Maine-et-Loire estime toutefois que cette absence n'entache pas la procédure d'une irrégularité substantielle dans la mesure où l'avis médical du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration était favorable à l'intéressée. Toutefois, l'examen de l'état de santé de l'étranger par un médecin chargé d'établir un rapport à transmettre au collège constitue une garantie dont Mme D... A... a été privée. Dès lors, l'avis du collège du 27 juillet 2017 a été rendu en méconnaissance des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour ce motif, l'arrêté contesté est entaché d'illégalité.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par Mme D... A..., que le préfet de Maine-et-Loire n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 2 juillet 2018. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'intéressée en appel à fin d'injonction sont dépourvues d'objet.
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me B... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de Maine-et-Loire est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me B..., avocat de Mme D... A..., la somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées en appel par Mme D... A....
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 29 août 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. C..., président assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 septembre 2019.
Le rapporteur,
J.-E. C...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT04030