Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 avril 2018 et 19 juin 2018, Mme A..., représentée par Me Pollono, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur de droit au regard du code de procédure pénale dès lors que la procédure pénale qu'elle a engagée en qualité de victime de faits de proxénétisme aggravé n'était pas close ; elle méconnaît l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet s'est vu communiquer une information relative à un classement sans suite en méconnaissance du principe du secret de l'enquête et de l'instruction ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2018, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance et que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet
- et les observations de Me Pollono, avocat représentant MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante nigériane née le 5 mars 1993 à Bénin City (Nigéria), est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 18 octobre 2015 selon ses dires. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision du 10 juin 2016 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 11 avril 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. Elle a sollicité, le 26 janvier 2017, l'admission au séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 316-1 à L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en raison du dépôt de sa plainte, le 27 juin 2016, en qualité de victime de faits de proxénétisme aggravé. Le 7 septembre 2016, un procès-verbal de police constate que la procédure va être classée sans suite pour " infraction insuffisamment caractérisée ". Mme A...relève appel du jugement du 24 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2017 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-444 du 13 avril 2016, applicable à la date de la décision contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée à l'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ".
3. Il est constant que la procédure ouverte à la suite de la plainte déposée par MmeA..., reposant sur ses seules déclarations, avait, à la date de l'arrêté contesté, fait l'objet d'un classement sans suite et ainsi d'un abandon des poursuites par le magistrat du parquet. S'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du classement de sa plainte, Mme A...a sollicité l'assistance d'un conseil pour saisir le doyen des juges d'instruction près du tribunal de grande instance de Nantes d'une plainte avec constitution de partie civile, cette circonstance, postérieure à l'intervention de l'arrêté contesté, est sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à la requérante la carte de séjour demandée sur le fondement des dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit, alors même que la requérante n'aurait pas été avisée de cette décision de classement comme le prévoit pourtant l'article 40-2 du code de procédure pénale.
4. Mme A...ne peut utilement soutenir que le préfet ne pouvait prendre la décision contestée sans méconnaître le secret de l'enquête et de l'instruction garanti par l'article 11 du code de la procédure pénale dès lors qu'en tout état de cause, il est constant qu'à la date de la décision contestée sa plainte avait fait l'objet d'un classement sans suite.
Sur la décision fixant le pays de destination :
5. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui a procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressée, s'est estimé en situation de compétence liée au regard des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile.
6. En second lieu, Mme A...soutient qu'elle a été victime de traite d'êtres humains et que ce n'est que grâce à des associations qu'elle a eu la force de porter plainte et de dénoncer les faits qu'elle subissait. Elle précise qu'elle est sortie du réseau de prostitution et met sa vie en danger en cas de retour dans son pays d'origine dès lors qu'elle ne rembourse plus les sommes d'argent exigées par son proxénète pour payer son voyage en France. La requérante produit à l'appui de ses allégations des documents tels qu'un rapport rendu en octobre 2015 par le " European Asylum Support Office ", un extrait du rapport de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur le Nigéria de septembre 2016 ou un article de presse de juin 2013. Toutefois, ces documents à caractère général n'établissent pas qu'elle y serait personnellement exposée à des risques de traitements inhumains et dégradants. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni qu'il a méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT01589