Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 8 juillet 2019, 9 juillet 2019 et 17 mars 2020, Mme B..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours et de lui délivrer dans cette attente un récépissé ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ; cette décision méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est entachée d'un défaut d'examen et d'une méconnaissance du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'un défaut d'examen et d'une méconnaissance de l'article L. 313-14 du même code ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est fondée sur une décision illégale de refus de titre de séjour ; elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour ; la délivrance de plein droit d'un titre de séjour fait obstacle à son éloignement ; cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'un défaut d'examen ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'un défaut d'examen et méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 février 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qu'il s'en remet pour le reste à ses écritures de première instance et que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Par une décision du 19 juin 2019, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Un mémoire, présenté pour Mme B..., a été enregistré le 7 septembre 2020, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les observations de Me F..., représentant Mme B....
Une note en délibéré, présentée pour Mme B..., a été enregistrée le 10 septembre 2020.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... G... B..., ressortissante camerounaise née le 8 novembre 1978, est entrée en France le 28 octobre 2014, sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités espagnoles. Elle a, par courrier du 21 avril 2016, sollicité du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 23 avril 2018, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer ce titre, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel l'intéressée pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 1811855 du 26 mars 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Mme B... relève appel de ce jugement.
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il ressort des pièces du dossier que le fils de Mme B..., Yann B..., est arrivé en France à l'âge de quatre ans afin d'y être élevé par sa grand-mère de nationalité française. Toutefois, il est constant que sa mère, Mme D... B..., a rejoint son fils alors que celui-ci avait l'âge de treize ans, et vit depuis auprès de lui. A la date de la décision contestée, le jeune A... B... vivait donc avec sa mère depuis plus de trois ans. En outre, il ressort également des pièces du dossier que la grand-mère du jeune A... B..., Mme E..., souffre d'une polyarthrite rhumatoïde à forme sévère qui la handicape dans les actes de la vie quotidienne. Au regard de l'ensemble de ces éléments, et dans les circonstances particulières de l'espèce, Mme B... est fondée à soutenir que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. La décision refusant la délivrance d'un titre de séjour étant annulée, Mme B... est fondée à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
4. La décision portant obligation de quitter le territoire français étant annulée, Mme B... est fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous réserve d'un changement des circonstances de droit ou de fait, de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, à verser à Me F..., avocate de Mme B..., la somme de 800 (huit cents) euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1811855 du 26 mars 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 23 avril 2018 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique, sous réserve d'un changement des circonstances de droit ou de fait, de délivrer à Mme D... G... B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me F..., avocate de Mme B..., la somme de 800 (huit cents) euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... G... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
H. C...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02669