Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 juillet 2019 et 4 septembre 2020, le préfet du Calvados demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Caen.
Il soutient que :
- le magistrat désigné du tribunal administratif a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en retenant l'illégalité de la mesure d'éloignement dont M. D... a fait l'objet dès lors que cette décision était devenue définitive et ne pouvait plus être contestée par la voie de l'exception d'illégalité ; le délai de recours contre l'arrêté du 23 novembre 2018 portant refus du titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, qui a commencé à courir le 29 novembre 2018, date de l'avis de passage en vue de la présentation du pli recommandé contenant cet arrêté, était expiré ;
- M. D... a bien eu connaissance de l'arrêté du 23 novembre 2018 dès lors qu'il l'a implicitement exécuté en quittant la France pendant deux jours en mars 2019 ; il est revenu en France le 21 mars 2019 en ne respectant pas l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans prononcée contre lui ;
- l'arrêté du 23 novembre 2018 étant légal, il pouvait servir de base légale à l'arrêté contesté portant assignation à résidence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2020, M. D..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet du Calvados ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant mongol, a fait l'objet le 23 novembre 2018 d'un arrêté du préfet du Calvados portant refus du titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, puis le 24 juin 2019 d'un arrêté du même préfet l'assignant à résidence dans le département du Calvados. Il a contesté ce dernier arrêté devant le tribunal administratif de Caen. Par un jugement du 1er juillet 2019, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a annulé cet arrêté. Le préfet relève appel de ce jugement.
2. Pour annuler l'arrêté portant assignation à résidence, le magistrat désigné, après avoir relevé que M. D... est titulaire d'une carte de résident " longue durée-UE " délivrée par les autorités tchèques et valide jusqu'au 5 mars 2027, que l'obligation de quitter le territoire français, qui constitue la base légale de l'assignation à résidence, fait mention de ce que l'intéressé est titulaire de cette carte et que le préfet du Calvados ne fait valoir aucun argument tendant à établir qu'il aurait examiné prioritairement la remise de cet étranger aux autorités tchèques, a considéré que l'obligation de quitter le territoire est entachée d'illégalité.
3. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet du Calvados a notifié l'arrêté du 23 novembre 2018 portant notamment obligation de quitter le territoire français par lettre recommandée avec accusé de réception à l'adresse indiquée par M. D..., que ce pli a été présenté le 29 novembre 2018 et qu'il est resté en instance dans le délai prévu par la réglementation postale et a été retourné à l'expéditeur, faute d'avoir été réclamé. Il en résulte que cet arrêté, qui mentionnait les voies et délais de recours, n'a pas été attaqué dans le délai de deux mois à compter de cette notification. S'agissant d'un acte administratif individuel et devenu ainsi définitif, l'intéressé n'était pas recevable à exciper de son illégalité. Dès lors, le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné s'est fondé, pour annuler l'arrêté litigieux, sur l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. D... devant le tribunal administratif de Caen.
5. Mme E... A..., chef du bureau de l'asile et de l'éloignement à la préfecture du Calvados, a reçu délégation de signature, par arrêté du 7 mai 2019 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Calvados, à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, saisines du juge des libertés et de la détention prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers ainsi que toutes correspondances administratives courantes " dans la limite des attributions du bureau de l'asile et de l'éloignement. Il ressort de l'arrêté du 18 décembre 2018 portant organisation de la préfecture du Calvados, également publié au même recueil, que le bureau de l'asile et de l'éloignement est notamment compétent pour prendre des mesures d'exécution comme l'assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté manque en fait.
6. La décision portant obligation de quitter le territoire français du 23 novembre 2018 étant devenue définitive, comme il a été dit au point 3, M. D... n'est pas fondé, d'une part, à soutenir qu'il aurait dû faire l'objet non d'une telle mesure d'éloignement mais d'une décision de réadmission aux autorités tchèques dès lors que celles-ci lui ont délivré une carte de résident " longue durée-UE " valide jusqu'au 5 mars 2027 et, d'autre part, à se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français du 23 novembre 2018 dès lors qu'il ne représentait pas alors une menace à l'ordre public.
7. M. D... soutient qu'il pouvait faire l'objet d'une réadmission aux autorités tchèques du fait de son retour en France le 21 mars 2019, après l'avoir quittée le 18 mars 2019, soit antérieurement à la date de l'arrêté portant assignation à résidence. Toutefois, il ne peut pas se prévaloir d'une telle circonstance dès lors que le préfet du Calvados a prononcé, dès la notification de son arrêté du 23 novembre 2018, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a annulé son arrêté du 24 juin 2019.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 1er juillet 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F... D... et à Me C.... Une copie sera transmise au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02781