1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour d'un an, ou de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, à verser à Me C..., en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- l'arrêté a été pris en méconnaissance de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'obligation de quitter le territoire :
- la décision en litige méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 juin 2020, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures de première instance, que sa décision ne comporte ni vice de forme ni vice de procédure, que le traitement médical du requérant est disponible dans son pays d'origine et financièrement accessible, que M. D... n'établit pas que le Coveram constituerait le seul médicament approprié et qu'il serait indisponible ou inaccessible dans son pays d'origine.
Un mémoire en défense présenté par le préfet du Calvados, enregistré le 29 juillet 2020, conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R.313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 14 novembre 1949, déclare être entré sur le territoire français le 5 septembre 2011 en étant muni d'un visa C délivré par les autorités consulaires françaises à Kinshasa, valable du 24 août au 18 septembre 2011. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 août 2012, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 14 mars 2013. Le 19 avril 2013, il a sollicité une carte de séjour temporaire pour raison de santé qui lui a été délivrée et qui a été régulièrement renouvelée jusqu'au 27 novembre 2018. Le requérant a sollicité un nouveau renouvellement de cette carte. Par un arrêté du 9 juillet 2019, le préfet du Calvados a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... a demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 17 octobre 2019, le tribunal a rejeté sa demande. M. D... fait appel de ce jugement.
Sur le refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase du premier alinéa. Lorsque le demandeur n'a pas présenté au médecin de l'office ou au collège les documents justifiant son identité, n'a pas produit les examens complémentaires qui lui ont été demandés ou n'a pas répondu à la convocation du médecin de l'office ou du collège qui lui a été adressée, l'avis le constate (...) ".
3. L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'avis du 19 février 2019 concernant la situation médicale de M. D... a été rendu par trois médecins, dont les noms sont indiqués et qui y ont apposé leurs signatures. En outre, le directeur de la direction territoriale de Caen de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a attesté, le 25 juin 2020, que les trois médecins mentionnés dans l'avis faisaient partie du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ces éléments n'étant pas sérieusement contestés par le requérant. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il serait impossible de déterminer l'identité et les fonctions des médecins en cause et de ce que l'un de ces derniers n'aurait pas signé l'avis du 19 février 2019 doit être écarté.
5. En second lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
6. Dans son avis du 19 février 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale et que le défaut d'une telle prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à ses pathologies dans son pays d'origine.
7. Il ressort des pièces du dossier que le requérant souffre d'une insuffisance rénale et prend un médicament appelé le Coveram. Le préfet du Calvados a produit la 3ème édition, datée d'octobre 2016, du répertoire des produits pharmaceutiques enregistrés et autorisés par la direction de la pharmacie et du médicament en République démocratique du Congo, indiquant que le Coveram y est disponible, alors même qu'il est importé de France, M. D... n'ayant produit qu'un document ancien de 2010 relatif à la liste des médicaments essentiels dans son pays d'origine. Si le requérant se prévaut d'une ordonnance médicale du 27 janvier 2020 faisant état d'autres médicaments, il n'est ni établi ni même allégué qu'elle se rapporterait à une affection dont souffrait déjà l'intéressé à la date de l'arrêté contesté. L'ordonnance produite par le requérant et faisant état d'un coût du Coveram de 185 dollars n'est pas suffisamment probante dès lors qu'elle concerne un tiers, qu'elle émane d'un seul centre médical situé en République démocratique du Congo, qu'elle ne précise pas la quantité de médicament ou la durée de traitement correspondante et qu'elle contient une erreur grossière de calcul s'agissant du coût de séances de dialyse, M. D... n'établissant pas au demeurant devoir suivre de telles séances. En tout état de cause, l'intéressé ne démontre pas ne pas pouvoir être aidé par des proches. Enfin, au vu d'une évaluation des prestations des services de soins de santé en République démocratique du Congo, de nombreuses formations sanitaires offrant les services de prise en charge des maladies rénales chroniques existent dans ce pays. Dans ces conditions, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
10. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré en France en 2011. Si son frère, sa soeur et trois de ses enfants résident en France en situation régulière, qu'un autre de ses enfants est en Belgique et que son épouse est décédée, il n'établit pas ne plus avoir d'attaches dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de soixante-et-un ans. Il ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française et comme il a été dit au point 7, en tout état de cause, il n'est pas établi qu'il ne pourrait pas poursuivre son traitement médical en République démocratique du Congo. Dès lors, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté, par le jugement attaqué, sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi sur l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- M. Brasnu, premier conseiller,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2020.
Le rapporteur,
P. B...
Le président,
J-E. Geffray
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT05011