Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2020, M. B... C..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement irrégulier, le tribunal administratif ayant procédé à une substitution de base légale sans avoir au préalable averti les parties ;
- le préfet ne pouvait pas opposer la condition relative à la production d'un visa long séjour posée à l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces dispositions ayant été abrogées le 1er novembre 2016 ;
- il est entré régulièrement en France ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2020, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Par une décision du 20 février 2020, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant marocain né le 2 juillet 1987, déclare être entré sur le territoire français le 7 novembre 2013 muni d'un visa C délivré par les autorités consulaires italiennes de Casablanca. Il s'est marié le 20 juillet 2017 avec une ressortissante française. Le 17 juillet 2019, il a sollicité une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 12 septembre 2019, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'éloignement. M. C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 1902315 du 13 décembre 2019, le tribunal a rejeté sa demande. M. C... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. C... fait valoir que le tribunal administratif de Caen a procédé à une substitution de base légale sans au préalable en avertir les parties. Toutefois, il ressort du jugement attaqué que le tribunal n'a pas procédé à une substitution de base légale, mais a estimé que la mention, dans l'arrêté contesté, de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au lieu de l'article L. 311-2 du même code procédait d'une simple erreur de plume. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 4° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". L'article L. 313-2 de ce code soumet la première délivrance de la carte de séjour temporaire à la production par l'étranger d'un visa de long séjour. Aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code : " (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article. / (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ".
4. Aux termes de l'article 19 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers titulaires d'un visa uniforme qui sont entrés régulièrement sur le territoire de l'une des Parties contractantes peuvent circuler librement sur le territoire de l'ensemble des Parties contractantes pendant la durée de validité du visa, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e (...) 4. Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions de l'article 22 ". L'article 22 de cette même convention stipule que : " I - Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent./ Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent (...) ". L'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006, qui s'est substitué à l'article 5 de la convention du 19 juin 1990, dispose que : " 1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois sur une période de six mois, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : a) être en possession d'un document ou de documents de voyage en cours de validité permettant le franchissement de la frontière ; (...) c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer des moyens de subsistance suffisants (...) ; d) ne pas être signalé aux fins de non-admission dans le SIS ; e) ne pas être considéré comme constituant une menace pour l'ordre public (...) ". L'article 21 du même règlement dispose enfin que : " La suppression du contrôle aux frontières intérieures ne porte pas atteinte : / (...) d) à l'obligation des ressortissants des pays tiers de signaler leur présence sur le territoire d'un État membre conformément aux dispositions de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen ". Le règlement (UE) n° 610/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, modifiant notamment le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ainsi que la convention d'application de l'accord de Schengen, ne modifie pas l'économie de ce régime.
5. L'article R. 211-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les règles de procédure s'appliquent aux demandes présentées par les ressortissants marocains, prévoit que la déclaration obligatoire mentionnée à l'article 22 de la convention de Schengen est souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain par l'étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne et qui est en provenance directe d'un État partie à la convention d'application de l'accord de Schengen. L'article R. 211-33 du même code prévoit qu'un récépissé est remis à l'étranger ou, à défaut, qu'une mention est apposée sur le document de voyage. Sont toutefois dispensés de cette formalité, en vertu de l'article R. 212-6 du même code, les étrangers qui ne sont pas astreints à l'obligation de visa pour un séjour inférieur à trois mois et ceux qui sont titulaires d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, délivré par un État partie à la convention d'application de l'accord de Schengen.
6. La souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen et dont l'obligation figure à l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un Etat partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.
7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le titre de séjour pour conjoint de Français prévu au 4° de l'article L. 313-11 est conditionné par la délivrance d'un visa de long séjour prévu à l'article L. 211-2-1 de ce code, lequel visa est lui-même conditionné à une entrée régulière sur le territoire français.
8. En premier lieu, si M. C... soutient que le préfet s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui étaient abrogées à la date de l'arrêté contesté, la mention de cet article procède d'une simple erreur de plume qui est sans incidence sur la légalité de cet arrêté, le préfet ayant visé par ailleurs les dispositions de l'article L. 211-2-1 du même code.
9. En deuxième lieu, M. C... fait valoir qu'il est entré en France muni d'un visa délivré par les autorités italiennes et que son entrée sur le territoire était donc régulière. Toutefois, il est constant que M. C... n'a pas souscrit la déclaration prévue à l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen. Dans ces conditions, son entrée en France ne peut être regardée comme régulière. Par suite, le préfet du Calvados a pu légalement opposer cette absence d'entrée régulière pour refuser de délivrer le visa de long séjour et, partant, le titre de séjour sollicité sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En troisième lieu, si M. C... fait valoir qu'il vit en France depuis 2013, qu'il est marié depuis plus de deux ans avec une ressortissante française et qu'il exerce une activité de commerçant, ces circonstances ne permettent pas de caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect à une vie privée et familiale, compte tenu notamment du caractère récent de sa relation avec Mme A... E.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2021.
Le rapporteur,
H. D...Le président,
F. BatailleLe rapporteur,
H. D...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 20NT00149