Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 février 2017, l'EURL Haras de Bouquetot, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le service, en annulant deux avis de mise en recouvrement après réclamation contentieuse, a délibérément retardé la possibilité d'engagement d'une procédure contentieuse et a porté ainsi atteinte à son droit à un recours ;
- elle n'a pas perdu son activité agricole d'éleveur et d'entraîneur de chevaux depuis le 23 avril 2009, contrairement à l'analyse de l'administration fiscale qui relève à tort un bail verbal de mise à disposition des installations équestres, et relevait donc toujours du régime agricole simplifié prévu par l'article 298 bis du code général des impôts sans qu'y fasse obstacle le contrat conclu le 21 avril 2009 avec l'entreprise agricole à responsabilité (EARL) Société d'entraînement Jennifer A...et le contrat de prêt à usage de parcelles d'herbages accessoire à ce contrat de prestations non plus que sa baisse temporaire d'activité et de chiffre d'affaires pendant quelques mois en 2009 ; les rappels de taxe sur la valeur ajoutée issus de la régularisation de la taxe déduite au titre des constructions édifiées dans le cadre d'un bail à construction sur des parcelles non comprises dans le contrat du 21 avril 2009 ne sont donc pas fondés. A cet égard elle invoque, d'une part, l'instruction BOI-TVA-DED-60-10-20 du 25 novembre 2013 n° 40 selon laquelle tant que la cessation d'activité n'est pas intervenue, il n'y a pas lieu de tenir compte du fait que la continuation de l'activité est assurée par un tiers interposé tel qu'un administrateur ou un liquidateur et, d'autre part, l'instruction BOI-TVA-SECT-80-10-30-10 du 31 janvier 2014, certes postérieure aux périodes en litige mais reprenant l'instruction I 3 I-1131 du 30 mars 2001 selon laquelle une société propriétaire de chevaux exerce de ce seul fait une activité agricole.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par l'EURL Haras de Bouquetot ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
- et les observations de MeB..., représentant l'EURL Haras de Bouquetot.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Haras de Bouquetot a exercé à compter du 6 janvier 2003 une activité agricole d'éleveur-propriétaire de chevaux de course. Elle louait des parcelles en vertu d'un bail à construction des 2 et 4 août 2003 et d'un bail rural du 28 novembre 2003 étendu, dans sa consistance, par un bail du 23 octobre 2004 qui en a également prolongé la durée jusqu'au 25 décembre 2022. Elle était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime simplifié applicable à l'agriculture en vertu de l'article 298 bis du code général des impôts. Elle a opéré la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les constructions et installations équestres qu'elle a édifiées.
2. Le 21 avril 2009, par contrat conclu avec l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Société d'entraînement JenniferA..., l'EURL a confié à cette dernière la gestion de son activité de prise en pension, d'élevage et d'entraînement de chevaux. Par ailleurs, par un contrat de prêt à usage, l'EURL lui a confié la jouissance de parcelles. Le 23 avril 2009, la majeure partie des terres a été acquise par la société civile d'exploitation agricole (SCEA) Champ Bouquetot.
3. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 30 septembre 2010, l'administration a remis en cause, par une proposition de rectification du 23 juin 2011, des déductions de taxe sur la valeur ajoutée en estimant que l'EURL avait cessé toute activité agricole à compter du 23 avril 2009. L'entreprise a formulé le 22 août 2011 des observations selon lesquelles, d'une part, les parcelles à construction n'étaient pas incluses dans le contrat de prêt à usage et, d'autre part, elle avait continué en 2009 et 2010 son activité d'élevage et de vente de chevaux. Dans sa réponse du 22 septembre 2011, le service a estimé au contraire qu'elle avait alors une activité de propriétaire d'éleveur sans sol relevant de la catégorie des bénéfices non commerciaux.
4. La somme de 282 948 euros, en droits et pénalités, a été mise en recouvrement par un avis du 31 janvier 2012, annulé le 14 mars 2013 pour irrégularité formelle, puis par un avis du 26 juin 2013, annulé au même motif le 8 janvier 2014, et enfin par un avis du 10 janvier 2014. La troisième réclamation de l'entreprise, datée du 13 août 2014 et suivant ce troisième avis, a été rejetée le 16 décembre 2014.
5. L'EURL Haras de Bouquetot a saisi du litige le tribunal administratif de Caen qui, par jugement du 14 décembre 2016, dont elle relève appel, a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2009 et 2010.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
6. L'EURL Haras de Bouquetot ne peut utilement soutenir, pour contester la régularité de la procédure d'imposition, que l'administration a délibérément cherché à retarder l'engagement de la procédure contentieuse par les annulations successives des avis de mise en recouvrement mentionnées au point 4 du présent arrêt et porté ainsi atteinte, en tout état de cause, à son droit à un recours contentieux.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
7. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...). " et aux termes de l'article 207 de l'annexe II au même code " I. - Sous réserve des dispositions qui suivent, la déduction opérée dans les conditions mentionnées aux articles 205 et 206 est définitivement acquise à l'entreprise. (...) III.- 1. Une régularisation de la taxe initialement déduite et grevant un bien immobilisé est également opérée : (...) 5° Lorsqu'il cesse d'être utilisé à des opérations imposables. (...). ". Il résulte de ces dispositions que, pour que la déduction puisse être admise, il est nécessaire que les biens immobiliers ne cessent pas d'être utilisés pour des opérations imposables.
8. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont issus de la régularisation annuelle globale, effectuée en application des articles 271 du code général des impôts et 205 à 207 de l'annexe II à ce code, de la taxe déduite au titre des constructions et installations équestres édifiées dans le cadre du bail à construction des 2 et 4 août 2003 et de la remise en cause de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les immobilisations acquises à compter du 23 avril 2009. Le service a en effet considéré que l'entreprise avait cessé toute activité agricole en 2009, non seulement du fait du contrat du 21 avril 2009 conclu avec l'EARL Société d'entraînement Jennifer A...et confiant à cette dernière la gestion de son activité de prise en pension, d'élevage et d'entraînement de chevaux, et du contrat de prêt à usage du 23 avril 2009 de parcelles d'herbages conclu entre l'EURL et l'EARL, mais aussi du fait d'un bail verbal consistant dans la mise à disposition des installations équestres.
9. L'entreprise requérante soutient qu'elle n'a pas cessé son activité agricole d'éleveur et d'entraîneur de chevaux depuis le 23 avril 2009, contrairement à l'analyse de l'administration fiscale, et relevait donc toujours du régime agricole simplifié prévu par l'article 298 bis du code général des impôts. D'une part, n'y fait pas obstacle, selon elle, le contrat conclu le 21 avril 2009 avec l'EARL Société d'entraînement Jennifer A...qui ne constitue qu'une adaptation de son activité par un recours à un sous-traitant. D'autre part, le contrat de prêt à usage du 23 avril 2009 porte sur 96 hectares de parcelles d'herbages et non sur les 20 hectares concernés par le bail à construction où ont été édifiées les installations équestres. Enfin, la poursuite de son activité agricole, après quelques mois en 2009 de baisse de son chiffre d'affaires, s'est manifestée par la naissance de poulains et l'acquisition de chevaux en 2010 et 2011.
10. Toutefois, d'une part, le service relève, sans être sérieusement contesté, que, depuis le 23 avril 2009, l'entreprise n'engage plus de dépenses directes de nourriture et de soins de chevaux et que ses chevaux sont placés en pension soit, pour la plupart, auprès de l'EARL, soit auprès d'un autre tiers. De même, il n'est pas contesté que l'entreprise n'emploie plus de personnel, à l'exception d'une secrétaire embauchée à temps partiel à compter de mars 2010.
11. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment d'une attestation de Mme A...du 28 août 2015 produite par l'EURL, que l'EARL a disposé non seulement des 96 hectares d'herbages mais aussi des installations équestres construites sur les terrains relevant du bail à construction pour son activité propre d'élevage et d'entraînement de chevaux, dont ceux appartenant à l'EURL.
12. Enfin, il n'est pas non plus contesté qu'à compter de 2010, les revenus de l'EURL ont été constitués exclusivement par de gains provenant de courses et de ventes de chevaux. L'EURL n'était donc plus ni entraîneur ni éleveur des chevaux qu'elle a donnés en pension à l'EARL. Le service est fondé à cet égard à relever que sont sans incidence la souscription de déclarations de taxe sur la valeur ajoutée selon le régime agricole ou son immatriculation à l'INSEE en tant qu'éleveur de chevaux et son affiliation à la Mutualité sociale agricole.
13. Il résulte de ce qui précède que l'EURL Haras de Bouquetot a cessé son activité agricole d'éleveur et d'entraîneur depuis le 23 avril 2009, qu'elle était devenue simple propriétaire de chevaux mis en pension pour leur élevage et leur entraînement et que l'administration fiscale a par suite procédé, à bon droit, sur le fondement de la loi fiscale, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en cause.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
14. L'EURL Haras de Bouquetot, en premier lieu, fait valoir que, si elle a connu une baisse d'activité pendant quelques mois en 2009, elle ne peut être regardée comme ayant cessé son activité de nature agricole du seul fait de l'avoir confiée en partie à l'EARL Société d'entraînement JenniferA.... Elle ne peut utilement se prévaloir de l'instruction BOI-TVA-DED-60-10-20 du 25 novembre 2013 n° 40 dans le champ de laquelle elle n'entre pas dès lors qu'elle a trait aux conditions d'exploitation lors d'un redressement ou d'une mise en liquidation.
15. Si l'EURL se prévaut, en second lieu, d'une instruction 3 I-1131 du 30 mars 2001. elle n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes.
16. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Haras de Bouquetot n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL Haras de Bouquetot est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Haras de Bouquetot et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- M. Delesalle , premier conseiller,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mai 2018.
Le rapporteur,
J.-E. GeffrayL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
H. Delesalle
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT00591