Procédure devant la cour :
Par une requête, et des mémoires, enregistrés les 10 février, 29 juin 2017 et 2 mai 2018, la commune des Sables-d'Olonne, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 décembre 2016 ;
2°) de rejeter les demandes présentées devant le tribunal administratif de Nantes par la SAS Daniel Ashde ;
3°) de mettre à la charge de la SAS Daniel Ashde le versement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le président de la formation de jugement avait statué dans le cadre du référé ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en estimant que les prescriptions de l'article UB 2.3 du plan local d'urbanisme méconnaissaient celles du 15° de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme et ne pouvaient fonder le refus du permis de construire ;
- le tribunal aurait dû admettre la substitution de motifs sollicitée devant lui tirée de la violation par la société pétitionnaire des prescriptions de l'article UB 11 du plan local d'urbanisme ; les premiers juges ont exercé un contrôle normal sur le respect de cette norme sans tenir compte de la marge d'appréciation reconnue à l'administration ; elle n'a commis aucune erreur d'appréciation en estimant que la construction litigieuse portait une atteinte au caractère des lieux avoisinants au mépris de l'article UB 11 de son plan local d'urbanisme ;
- la société pétitionnaire est, en tout état de cause, dans l'impossibilité de régulariser sa situation.
Par des mémoires, enregistrés les 12 juin 2017 et 30 avril 2018, la société Daniel Ashde, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune des Sables-d'Olonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., représentant la commune des Sables-d'Olonne, et les observations de MeB..., représentant la société Daniel Ashde.
1. Considérant que le 10 mars 2014, la SAS Daniel Ashde a sollicité la délivrance d'un permis de construire pour 13 logements sur la parcelle cadastrée AP n° 49-50 située avenue Joseph Chaillet aux Sables-d'Olonne ; que par un arrêté du 5 juin 2014, le maire a refusé de lui délivrer ce permis de construire ; que la société a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation de cette décision (1406129) ; que sa demande de suspension de cette même décision a été accueillie par une ordonnance du 7 août 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes ; que par un arrêté du 18 décembre 2014, le maire des Sables-d'Olonne a de nouveau opposé un refus à la demande de permis de construire de la SAS Daniel Ashde, laquelle a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à l'annulation de cette nouvelle décision (1500217) ; que par une ordonnance du 28 janvier 2015 le juge des référés a suspendu cet arrêté ; que par un jugement n° 1406129, 1500217 rendu le 13 décembre 2016 le tribunal administratif de Nantes a annulé les arrêtés des 5 juin 2014 et 18 décembre 2014 par lesquels le maire des Sables-d'Olonne a refusé le permis de construire sollicité par la société Daniel Ashde ; que la commune fait appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'eu égard à la nature de l'office attribué au juge des référés la seule circonstance qu'un magistrat a statué sur une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce qu'il se prononce ultérieurement sur la requête en qualité de juge du principal ; que, toutefois, dans le cas où il apparaîtrait, compte tenu notamment des termes mêmes de l'ordonnance, qu'un magistrat statuant comme juge des référés aurait préjugé l'issue du litige, ce magistrat ne pourrait, sans méconnaître le principe d'impartialité, se prononcer ultérieurement comme juge du principal ;
3. Considérant qu'en se bornant à constater que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles UB 3.2, UB 7.2 et UB 13.1 du règlement du plan local d'urbanisme communal étaient de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 5 juin 2014, le juge des référés statuant sur la demande de suspension de l'exécution de cette décision n'a pas excédé son office ; qu'en indiquant par ailleurs que " le moyen tiré de ce que la méconnaissance des dispositions de l'article UB 2.3 du règlement du plan local d'urbanisme communal - relatives à la proportion des différents types de logements -, ne pouvait, eu égard à sa très faible ampleur, fonder le refus de permis de construire mais devait, à tout le moins, faire l'objet d'une simple prescription ", il s'est limité à reprendre le moyen tel qu'il était énoncé par la société requérante devant le juge des référés; que dès lors, rien ne faisait obstacle à ce qu'il préside la formation de jugement au fond ; que par suite, la commune des Sables-d'Olonne n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité à raison de ce motif ;
Sur la légalité de l'arrêté du 5 juin 2014 :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, alors applicable, désormais repris à l'article L. 151-14 de ce code : " Le règlement peut fixer les règles suivantes relatives à l'usage des sols et la destination des construction : / (...) 3° Délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels les programmes de logements comportent une proportion de logements d'une taille minimale qu'il fixe ; (...) " ;
5. Considérant que si, en application de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 25 mars 2009 dont elles sont issues, le plan local d'urbanisme peut imposer, dans les secteurs des zones urbaines ou à urbaniser qu'il définit, que les programmes immobiliers comportent, afin d'assurer une meilleure prise en compte des besoins des familles, une proportion de logements d'une taille minimale, définie en fonction du nombre de pièces dont ils se composent, proportion qui peut être exprimée sous la forme d'un pourcentage de la surface totale des logements, il ne saurait, en revanche imposer sur ce fondement aux constructeurs une répartition détaillée des logements selon leur taille, notamment en imposant plusieurs types de logements et en fixant des proportions minimales à respecter pour plusieurs types ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article UB 2.3. du plan local d'urbanisme de la commune : " (...) Les opérations comprenant plus de cinq logements (collectifs ou individuels) présentant des T1 ou des T2 doivent proposer au moins trois types de logements. 80 % minimum de la surface de plancher (affectée aux logements) seront composés de logements de types 3 ou plus grand, sachant que les types 3 ne pourront représenter plus de 50 % de la surface de plancher totale (affectée aux logements) des logements de type 3 ou plus grand " ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen de la commune des Sables-d'Olonne, tiré de ce que les premiers juges auraient estimé à tort que ces dispositions excèdaient ce que permet le 3° du II de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme et ne pouvaient, par suite, fournir une base légale au refus de permis de construire litigieux, ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que la commune des Sables-d'Olonne ne conteste pas les autres motifs d'annulation de l'arrêté du 5 juin 2014 retenus par les premiers juges, tirés de la méconnaissance des articles UB 3.2, UB 7.2 et UB 13.1 du règlement du plan local d'urbanisme ;
8. Considérant, en dernier lieu, que la commune soutient que le permis de construire aurait pu être refusé sur le fondement des dispositions de l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme aux termes desquelles : " 11.1 Principes généraux : Conformément à l'article R.111-21 du code de l'urbanisme, la situation des constructions, leur architecture, leur dimensions, leur aspect extérieur doivent être adaptés au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels et urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentale (...) " ; que ces dispositions ont le même objet que celles de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, et posent des exigences qui ne sont pas moindres ; que, dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que doit être appréciée la légalité des décisions contestées ; qu'aux termes de l'article UB 11.2.3 du même règlement : " Les couvertures seront en tuile de pays (...) L'ardoise peut être utilisée afin de respecter des séquences où cette typologie est nettement perceptible " ;
9. Considérant que la commune se prévaut d'une attestation d'une historienne de l'art et de l'architecture qui certifie que le projet en litige n'est pas en adéquation avec l'identité du quartier, ainsi que d'une appréciation émise par le chef du service territorial de l'architecture et du patrimoine architecte des bâtiments de France qui a indiqué que le projet ne lui paraissait pas " répondre à la nécessité de cohérence et d'insertion avec son environnement " ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment du plan de coupe transversale que l'immeuble aura quasiment la même hauteur que les bâtiments existants ; que s'il sera couvert en ardoise, le pétitionnaire justifie ce choix par la présence de nombreuses couvertures en ardoises sur les constructions environnantes ; que des photomontages montrent l'insertion du projet dans le site et ne révèlent aucun aspect inesthétique de ce bâtiment ; que l'environnement proche du projet, constitué de maisons individuelles et de quelques petits immeubles collectifs, est assez disparate même si certaines villas font l'objet d'une protection dans le cadre de la Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP) ; que les pièces produites en appel par la commune attestent du caractère hétérogène des constructions ; que par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de substitution de motifs présentée par la commune ;
Sur la légalité de l'arrêté du 18 décembre 2014 :
10. Considérant, en premier lieu, que la commune des Sables-d'Olonne ne conteste pas le motif d'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2014 retenu par les premiers juges, tiré de la méconnaissance de l'article UB 10 du règlement du plan local d'urbanisme ;
11. Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, le projet ne porte pas atteinte au caractère des lieux avoisinants ; qu'il ne méconnaît ni les dispositions de l'article UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme, ni celles de l'article UB 11.2.3 ; que par suite, le maire ne pouvait se fonder sur ces dispositions pour refuser le permis de construire sollicité par la société Daniel Ashde ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la commune des Sables-d'Olonne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les arrêtés contestés des 5 juin et 18 décembre 2014 ;
Sur les frais liés au litige :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SAS Daniel Ashde, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune des Sables-d'Olonne de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune des Sables-d'Olonne le versement à la SAS Daniel Ashde d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune des Sables-d'Olonne est rejetée.
Article 2 : La commune des Sables-d'Olonne versera à la SAS Daniel Ashde une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune des Sables-d'Olonne et à la SAS Daniel Ashde.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juin 2018.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT00539