Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistré le 29 août 2018 et le 24 juin 2019, la SCI BFG immobilier représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 juillet 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la maire de Nantes du 8 juin 2016 ;
3°) d'enjoindre à la maire de Nantes de lui délivrer le permis sollicité ou de réexaminer sa demande de permis de construire dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Nantes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu à tous les moyens ;
- le jugement se prononce sur des motifs qui ne sont pas ceux de la décision contestée ;
- au regard de l'ensemble des documents produits, le préfet était en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur la consistance du projet avant le 4 février 2016 ;
- les travaux accomplis doivent être regardés comme ayant fait l'objet d'un accord tacite du préfet et la maire de Nantes ne pouvait se fonder sur l'avis de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) pour se prononcer ;
- l'avis du préfet de région est irrégulier car il s'est borné à reprendre l'avis de l'architecte des bâtiments de France (ABF) ;
- le refus de permis est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le maire aurait dû assortir le permis de prescriptions plutôt que de le refuser.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 juin 2019, la commune de Nantes, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SCI BFG Immobilier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant la société civile immobilière BFG, et les observations de Me C..., substituant Me A..., représentant la commune de Nantes.
Considérant ce qui suit :
1. Le 23 octobre 2015, la SCI BFG Immobilier a déposé à la mairie de Nantes une demande de permis de construire pour la réalisation de travaux d'installation et de remplacement de châssis de toit et de réhabilitation de la façade principale de l'immeuble, inscrit au titre des monuments historiques, situé sur la parcelle cadastrée section IO n° 132, sise 6 place du général Mellinet à Nantes. Par un arrêté du 8 juin 2016, la maire de Nantes a refusé de faire droit à sa demande. La SCI BFG Immobilier relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le tribunal administratif de Nantes n'était pas tenu de répondre au moyen, analysé dans les visas du jugement, tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté dès lors qu'il a jugé que la maire de Nantes était en situation de compétence liée pour rejeter la demande de la SCI BFG Immobilier à défaut d'accord du préfet de région sur le projet en litige et qu'ainsi ce moyen était inopérant.
3. En second lieu, il ressort des termes du jugement et en particulier du point 6 que les premiers juges ont estimé, en s'appuyant sur un certain nombre d'éléments de faits, discutés par les parties dans leurs écritures, que le motif tiré de ce que les travaux de menuiserie et de réhabilitation ne respectent pas l'histoire et l'architecture de l'édifice, ni les règles de l'art, retenu par le préfet de la région Pays de la Loire, n'était pas entaché d'une erreur d'appréciation. Ils n'ont ainsi procédé à aucune substitution de motifs de la décision contestée.
4. Par suite, les moyens tirés de ce que le jugement serait irrégulier sur ces points doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 621-27 du code du patrimoine : " Lorsque les constructions ou les travaux envisagés sur les immeubles inscrits au titre des monuments historiques sont soumis à permis de construire (...) la décision accordant le permis (...) ne peut intervenir sans l'accord de l'autorité administrative chargée des monuments historiques ". L'article R. 425-16 du code de l'urbanisme précise que : " Lorsque le projet porte sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques (...) le permis de construire doit faire l'objet de l'accord prévu par les articles L. 621-27 ou L. 621-30 du code du patrimoine. / Cet accord est donné par le préfet de région ". L'article L. 621-31 du code du patrimoine, dans sa rédaction alors en vigueur, précise les modalités de cet accord lorsque les travaux portent sur un immeuble inscrit au titre des monuments historiques qui est situé dans le champ de visibilité d'un immeuble lui-même classé ou inscrit au titre des monuments historiques : " (...) Les travaux soumis à permis de construire, permis de démolir, permis d'aménager ou déclaration préalable et portant sur des immeubles inscrits ou des immeubles adossés à des immeubles classés ne sont soumis qu'à l'accord de l'autorité administrative prévu respectivement aux articles L. 621-27 et L. 621-30 (...) ". Enfin, l'article R. 423-66 du code de l'urbanisme prévoit que : " (...) lorsque la demande de permis porte sur un immeuble ou une partie d'immeuble inscrit au titre des monuments historiques, l'accord du préfet de région, prévu en application de l'article L. 621-27 du code du patrimoine, est réputé donné s'il n'est pas parvenu à l'autorité compétente dans le délai de trois mois. ".
6. La SCI BFG Immobilier a déposé le 23 octobre 2015 à la mairie de Nantes une demande de permis de construire pour la réalisation de travaux pour l'immeuble, inscrit au titre des monuments historiques situé 6 place du général Mellinet à Nantes. Un exemplaire de celle-ci a été transmise à l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine et au préfet de région. Par un courrier du 13 novembre 2015, le directeur régional des affaires culturelles, agissant en qualité de délégataire du préfet de région, a demandé à la société BFG Immobilier, d'une part, de lui fournir un relevé précis de la façade concernée par les travaux de réhabilitation, comportant l'indication du calepinage des pierres, d'autre part, de lui préciser les éléments de modénature et de décor, la localisation des pierres à changer et l'état des élévations à nettoyer, ainsi que la méthode qui sera utilisée, et, enfin, de lui indiquer si elle envisage de changer les menuiseries et, si tel est le cas, de lui préciser la nature des travaux projetés ainsi que de lui fournir des plans et coupes des menuiseries. Le directeur régional des affaires culturelles, estimant que les pièces complémentaires que lui a adressées le 15 janvier 2016 la société pétitionnaire, ne lui permettaient toujours pas de mener une instruction complète du projet, lui a demandé le 3 février 2016 de produire un relevé précis de la façade concernée par les travaux de réhabilitation, comportant l'indication du calepinage des pierres, de lui préciser les éléments de modénature, de décrire la méthode de nettoyage des parements et de compléter le relevé de l'élévation principale. Le 4 février 2016 la société BFG Immobilier a adressé au service instructeur les éléments sollicités, lequel a rendu le 7 avril 2016 un avis défavorable au projet.
7. La société requérante soutient que le dossier qu'elle a déposé à la mairie de Nantes, complété après la première demande de pièces par la production de nouveaux éléments le 15 janvier 2016 permettait au préfet de se prononcer en toute connaissance de cause sur le projet en litige et qu'en application de l'article R. 423-66 du code de l'urbanisme un avis favorable était né, au plus tard le 15 avril 2016. Cependant il ressort des pièces du dossier que les pièces produites ne permettaient pas, contrairement à ce que soutient la société de porter une appréciation précise sur le projet en cause, notamment sur le calepinage des pierres, les éléments de modénature et de décor, l'état des élévations à nettoyer et la méthode utilisée. Ainsi, le délai de trois mois prévu par l'article R. 423-66 du code de l'urbanisme, et à l'expiration duquel le préfet de région est réputé avoir tacitement donné son accord, n'a commencé à courir à l'égard de la société pétitionnaire qu'à compter du 4 février 2016. Ce délai n'était donc pas arrivé à expiration le 7 avril 2016, date à laquelle le préfet de région a transmis son refus à la maire de Nantes.
8. Si la société BFG Immobilier fait valoir qu'elle avait déposé le 3 juillet 2015 à la mairie de Nantes une déclaration préalable portant sur les mêmes travaux, alors que ceux-ci nécessitaient un permis, une telle circonstance ne la dispensait pas, en tout état de cause, de produire, dans le cadre de l'instruction de sa demande de permis de construire, l'ensemble des pièces permettant au préfet de région de porter une appréciation utile sur la nature et la consistance exacte de son projet.
9. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle aurait été rendue contrairement à un avis favorable implicite doit être écarté.
10. En deuxième lieu, la circonstance que le préfet de la région Loire-Atlantique se soit réapproprié, mot pour mot, l'avis de l'architecte des bâtiments de France, en charge de l'unité départementale de l'architecture du patrimoine de Loire-Atlantique au sein de la direction régionale des affaires culturelles est sans incidence sur la régularité de l'avis sur lequel la décision contestée est fondée.
11. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'installation de quatre châssis sur le pan de la toiture de l'immeuble donnant sur la place du général Mellinet, dont deux remplaceront des fenêtres existantes de taille plus modeste, aura pour effet d'augmenter le nombre et la taille des ouvertures présentes sur ce pan de toiture et, ainsi, de modifier sa perception depuis l'espace public. De plus, l'utilisation de pierres de Sireuil en lieu et place de pierres de Tuffeau pour la réhabilitation de la façade principale modifiera également l'aspect extérieur de l'édifice. Par suite, le préfet de la région des Pays de la Loire a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, refuser de donner son accord au projet litigieux pour le motif tiré de ce que ces travaux de menuiserie et de réhabilitation ne respectent pas l'histoire et l'architecture de l'édifice, ni les règles de l'art, sans que la société requérante puisse utilement faire valoir que d'autres réhabilitations sur la même place n'auraient pas respecté ces mêmes exigences et que les travaux en litige améliorent l'aspect esthétique du bâtiment.
12. Enfin, il résulte de la combinaison des textes précités au point 2 que la maire était tenu de refuser le permis sollicité en cas de désaccord du préfet de région sur le projet. Dès lors les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de ce que la maire aurait pu autoriser les travaux en litige en les assortissant de prescriptions.
13. Il résulte de ce qui précède que la SCI BFG Immobilier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis la charge de la commune de Nantes, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement à la SCI BFG Immobilier de la somme que celle-ci demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI BFG Immobilier le versement à la commune de Nantes d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI BFG Immobilier est rejetée.
Article 2 : La SCI BFG immobilier versera à la commune de Nantes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société civile immobilière BFG Immobilier et à la commune de Nantes.
Copie pour information au préfet de la région Pays de la Loire
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019, où siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.
Le rapporteur,
T. B...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03287